Argumenter, Le conte philosophique
La tradition du conte philosophique
Biographie de Voltaire
François Marie Arouet, dit Voltaire né le 21 novembre
1694 à Paris et y meurt le 30 mai 1778, est un écrivain et philosophe qui a
marqué le XVIIIe siècle et qui occupe une place particulière dans la mémoire
collective française. Il esquisse en effet la figure de l’intellectuel engagé au
service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser.
Symbole des Lumières, chef de file du parti philosophique, son nom reste attaché à son
combat contre « l’infâme », nom qu’il donne au fanatisme religieux, et pour le
progrès et la tolérance. Il est cependant déiste et son idéal reste celui d’une
monarchie modérée et libérale, éclairée par les « philosophes ». Il agit
d'ailleurs auprès des élites éclairées de l’Europe des Lumières en se servant de
son immense notoriété et prend, seul, la défense des victimes de l’intolérance
religieuse et de l’arbitraire dans des affaires qu’il a rendues célèbres (Calas)
Voltaire, Micromégas
Situation du texte
Publié en 1752, Micromégas a sans doute été conçu bien avant, vers 1738, ce qui expliquerait les concordances entre le conte et les préoccupations de son auteur à cette époque. Sous l’influence de Mme du Châtelet, il s’intéresse alors de près à la pensée de Newton dont il donne une synthèse « à la portée de tout le monde ». Reprenant la tradition des voyages imaginaires (Cyrano de Bergerac, Swift), il la détourne et l’adapte à ses besoins pour en faire un instrument propre à exprimer ses vues philosophiques. Micromégas est en effet un premier aperçu des thèses voltairiennes sur le relativisme et la modération, voire la tolérance qui en découlent. Au cours de son périple, le héros découvre la disproportion, dont son nom même est le symbole, et apprend à ne pas juger toutes choses de son seul point de vue…
La relativité du conte
La phrase initiale de Micromégas formule l’une des thèses essentielles du conte, l’insatisfaction universelle des êtres vivants devant leur condition. La leçon de sagesse que souhaite faire passer le récit est au contraire son
acceptation modérée et souriante. La conversation qui suit entre Micromégas et le Saturnien développe et illustre cette thèse, sur un mode mi-plaisant, mi-sérieux. Elle porte sur la durée de la vie, variable selon « les mondes ». Voltaire s’amuse à imaginer des durées de vie énormes sur certaines planètes, pourtant perçues comme éphémères par leurs habitants. Ainsi est illustrée la thèse de l’insatisfaction de chacun en prenant appui sur une deuxième idée essentielle du conte : la relativité des situations.
L’instant et l’éternité
La leçon principale du passage peut être résumée par la formule de la ligne 21 : au regard de la mort « avoir vécu une éternité ou avoir vécu un jour, c’est précisément la même chose. » Elle conduit à « prendre son parti » (l. 23- 24) de la condition qui est la nôtre. Il est clair que cette leçon est aussi valable pour les terriens à qui s’adresse in
fine ce discours. Voltaire propose ici une réflexion sur le temps qui est proprement philosophique, puisqu’il en souligne le caractère purement subjectif et relatif. La coïncidence entre l’instant et l’éternité rappelle le thème des deux infinis de Pascal, qu’il avait lui-même trouvé
partiellement chez Nicolas de Cuse. Voltaire prolonge ici une réflexion antérieure sur l’identité des contraires, qui trouve une vie nouvelle : loin d’en tirer les mêmes conclusions que Pascal, il invite à se conformer sans
inquiétude à l’ordre naturel. Cette argumentation est préparée dès les lignes 12- 13 : aussi grandes soient les durées de vie imaginables,
elles se ramènent à un point au regard de l’univers. Il est donc vain de se montrer insatisfait.
Et la morale ?
La mort, qui joue un rôle déterminant dans le relativisme du passage, puisque c’est elle qui empêche toute comparaison entre la vie et l’infini, est décrite ici comme une « métamorphose » (l. 20). Elle est intégrée à un processus universel, et niée comme phénomène spécifique, puisqu’elle consiste à « rendre son corps aux éléments, et ranimer la nature sous une autre forme ». La mort n’est donc elle aussi qu’un point de vue : envisagée comme métamorphose, elle n’existe pas, elle est seulement un
changement d’état du corps qui se défait pour renaître sous une autre forme. Il convient de mettre en relation cette définition avec la suite du conte qui expose les convictions philosophiques de Voltaire
L’auteur de la nature
Voltaire introduit peu après l’idée d’un « auteur de la nature » (l. 24), qu’il invite le lecteur à remercier. Sans le nommer explicitement, il s’agit bien d’un Dieu que Voltaire introduit à cet instant dans la conversation. C’est une illustration de son « déisme ». La fin du conte est consacrée à un débat sur la question de la nature de l’âme. Voltaire s’y fait le disciple de Locke et rejette toutes les spéculations métaphysiques à ce sujet.
Chapitre 1 : Micromégas, Voltaire.
**** Lecture analytique
Chapitre 1 :
Voyage d'un habitant du monde de l'étoile Sirius dans la planète de Saturne
1.1 Dans une de ces planètes qui tournent autour de l'étoile nommée Sirius , il y avait un jeune homme de beaucoup d'esprit, que j'ai eu l'honneur de connaître dans le dernier voyage qu'il fit sur notre petite fourmilière; il s'appelait Micromégas, nom qui convient fort à tous les grands. Il avait huit lieues de haut: j'entends, par huit lieues, vingt-quatre mille pas géométriques de cinq pieds chacun.
1.2 Quelques algébristes, gens toujours utiles au public, prendront sur-le- champ la plume, et trouveront que, puisque monsieur Micromégas, habitant du pays de Sirius , a de la tête aux pieds vingt-quatre mille pas , qui font cent vingt mille pieds de roi , et que nous autres, citoyens de la terre, nous n'avons guère que cinq pieds , et que notre globe a neuf mille lieues de tour, ils trouveront, dis-je, qu'il faut absolument que le globe qui l'a produit ait au juste vingt-un millions six cent mille fois plus de circonférence que notre petite terre. Rien n'est plus simple et plus ordinaire dans la nature. Les Etats de quelques souverains d'Allemagne ou d'ltalie, dont on peut faire le tour en une demi heure, comparés à l'empire de Turquie, de Moscovie ou de la Chine, ne sont qu'une très faible image des prodigieuses différences que la nature a mises dans tous les êtres.
1.3 La taille de Son Excellence étant de la hauteur que j'ai dite, tous nos sculpteurs et tous nos peintres conviendront sans peine que sa ceinture peut avoir cinquante mille pieds de roi de tour: ce qui fait une très jolie proportion.
1.4 Quant à son esprit, c'est un des plus cultivés que nous avons; il sait beaucoup de choses; il en a inventé quelques-unes; il n'avait pas encore deux cent cinquante ans, et il étudiait, selon la coutume, au collège des jésuites de sa planète, lorsqu'il devina, par la force de son esprit, plus de cinquante propositions d'Euclide. C'est dix-huit de plus que Blaise Pascal, lequel, après en avoir deviné trente-deux en se jouant, à ce que dit sa soeur, devint depuis un géomètre assez médiocre, et un fort mauvais métaphysicien. Vers les quatre cent cinquante ans, au sortir de l'enfance, il disséqua beaucoup de ces petits insectes qui n'ont pas cent pieds de diamètre, et qui se dérobent aux microscopes ordinaires; il en composa un livre fort curieux, mais qui lui fit quelques affaires. Le muphti de son pays, grand vétillard, et fort ignorant, trouva dans son livre des propositions suspectes, malsonnantes, téméraires, hérétiques, sentant l'hérésie, et le poursuivit vivement: il s'agissait de savoir si la forme substantielle des puces de Sirius était de même nature que celle des colimaçons. Micromégas se défendit avec esprit ; il mit les femmes de son côté; le procès dura deux cent vingt ans. Enfin le muphti fit condamner le livre par des jurisconsultes qui ne l'avaient pas lu, et l'auteur eut ordre de ne paraître à la cour de huit cents années.
1.5 Il ne fut que médiocrement affligé d'être banni d'une cour qui n'était remplie que de tracasseries et de petitesses. Il fit une chanson fort plaisante contre le muphti, dont celui-ci ne s'embarrassa guère; et il se mit à voyager de planète en planète, pour achever de se former l'esprit et le coeur, comme l'on dit. Ceux qui ne voyagent qu'en chaise de poste ou en berline seront sans doute étonnés des équipages de là-haut: car nous autres, sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au-delà de nos usages. Notre voyageur connaissait merveilleusement les lois de la gravitation et toutes les forces attractives et répulsives. Il s'en servait si à propos que, tantôt à l'aide d'un rayon du soleil, tantôt par la commodité d'une comète, il allait de globe en globe, lui et les siens, comme un oiseau voltige de branche en branche. Il parcourut la voie lactée en peu de temps, et je suis obligé d'avouer qu'il ne vit jamais à travers les étoiles dont elle est semée ce beau ciel empyrée que l'illustre vicaire Derham se vante d'avoir vu au bout de sa lunette. Ce n'est pas que je prétende que Monsieur Derham ait mal vu, à Dieu ne plaise ! mais Micromégas était sur les lieux, c'est un bon observateur et je ne veux contredire personne. Micromégas, après avoir bien tourné, arriva dans le globe de Saturne . Quelque accoutumé qu'il fût à voir des choses nouvelles, il ne put d'abord, en voyant la petitesse du globe et de ses habitants, se défendre de ce sourire de supériorité qui échappe quelquefois aux plus sages . Car enfin Saturne n'est guère que neuf cents fois plus gros que la terre, et les citoyens de ce pays-là sont des nains qui n'ont que mille toises de haut ou environ. Il s'en moqua un peu d'abord avec ses gens, à peu près comme un musicien italien se met à rire de la musique de Lulli quand il vient en France. Mais comme le Sirien avait un bon esprit, il comprit bien vite qu'un être pensant peut fort bien n'être pas ridicule pour n'avoir que six mille pieds de haut. Il se familiarisa avec les Saturniens après les avoir étonnés. Il lia une étroite amitié avec le secrétaire de l'Académie de Saturne , homme de beaucoup d'esprit, qui n'avait à la vérité rien inventé, mais qui rendait un fort bon compte des inventions des autres, et qui faisait passablement de petits vers et de grands calculs . Je rapporterai ici, pour la satisfaction des lecteurs, une conversation singulière que Micromégas eut un jour avec M. le secrétaire.
Commentaire :
Micromégas, Voltaire Au 18eme siècle, de nombreux philosophes cherchent à lutter contre l’obscurantisme (fondé sur les préjugés, la religion : quand on ne comprenait pas quelque chose, on disait que c’était Dieu ou le Diable : cela empêche la science d’avancer). Esprit positiviste, intellectuels promulgateurs de l’esprit de la science au lieu de se fonder seulement sur la religion : raison au lieu du surnaturel, observations au lieu des préjugés ; Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau… vont lutter pour les droits des hommes sur la Terre. Voltaire qui est un bourgeois et qui a un esprit frondeur va participer à cette lutte et va utiliser des procédés divers comme les contes, les romans, des pamphlets, des lettres, des poèmes, des tragédies = polymorphe
Sarcastique, ironique, plume habile « une arme efficace ». Voltaire vit très longtemps, il couvre donc une grande partie du 18eme siècle, il a pris des risques (exiler, embastiller, malade il s’achète un domaine à la frontière franco suisse pour se cacher lorsqu’il était en danger). En 1752, Voltaire publie Micromégas qui est la réécriture d’une version initiale envoyée à Fréderic II de Prusse sous le titre Voyage du baron de Gangan (1739). Cela apparait comme une fantaisie tant par sa brièveté que par sa légèreté. Nous avons ici un conte philosophique, il s’agit d’un récit de voyage entre deux extraterrestres, cela s’intègre bien dans le regard sur l’autre (Saturne/Venus/Terre). Les philosophes du 18ème utilisent le regard des étrangers/ extérieurs pour critiquer la France. C’est une stratégie exotique de transposition (de ma vie à l’extérieur).
Problématiques possibles :
En quoi cet incipit répond à ses fonctions ? (conte)
En quoi cet incipit nous montre qu’il appartient à un conte philosophique ?
Par quels moyens le narrateur attise t-il la curiosité du lecteur ?
Plan :
I- En quoi est-ce un conte ?
II- En quoi est-ce un conte philosophique ?
I- En quoi est-ce un conte?
Indices spatiotemporels :
« il était une fois » : formule du conte
Lieu : dans une de ces planètes autour de l’étoile nommé Cyrus - Domaine extraterrestre
voyage « il se mit à voyager de planète en planète »
outil du voyage : « commodité d’une comète », « aller de globe en globe », « parcouru la voie lactée » = voyage interstellaire et arrive sur Saturne, rencontre son interlocuteur qui deviendra son compagnon de voyage
Nous sommes en pleine science fiction, mais il y a déjà eu Cyrano, on ne trouve donc pas cela bizarre.
Fantastique : loi de gravitation, rayon de soleil, comme un oiseau voltige de branche en branche = facilité, tout semble accessible = exotique, fantastique, irréel (même si on se sert du réel). Le fait de voyager partout rend ce voyage intéressant pour rencontrer des gens
Allusion au temps : durée par rapport aux personnages, on ne peut pas dater le voyage pourtant, il y a des allusions qui nous montrent que ce voyage se situe après Blaise Pascal (17eme siècle), M. Dérame (après 1715, Lulli (début 18ème : musicien de Louis XIV) au début du 18ème siècle = le narrateur évoque des relations entre un tel et un tel.
Si on regarde les durées, elles sont extraordinaires, temps invraisemblable du conte « 220ans », « vers les 450 ans au sortir de l’enfance ».
Décor : dans l’espace, le globe, dans l’immensément grand « saturne n’est guère que 900 fois plus gros que la Terre.
N’a-t-on que des éléments extraordinaires dans ce conte ?
personnages : un jeune homme : ayant des qualités de héros ?
Il a plus de 450 ans (très âgés), cela n’a rien de commun avec l’âge que peuvent avoir les humains.
Taille : « 8 lieux de haut » (1lieu = 4,8km) le narrateur détaille la taille = par rapport à nous, c’est disproportionné, dans l’invraisemblable « les saturniens sont des nains » par rapport à lui. Micromégas est un éponyme « micro » = petit, « mégas » = grand : oxymore, le héros est un petit grand. Ils ont des qualités extraordinaires, son esprit est grand : un des plus cultivés c’est un savant, un mathématicien .Il a aussi des qualités artistiques, de l’humain, il est curieux. C’est un physicien, il a le sens de l’aventure et va dans l’inconnu. Caractéristiques du conte par le temps, l’espace, les personnages, tout est hors des limites humaines. Formule introductrice des contes : traditionnelle « il était une fois », ici « il y avait » = Mimétisme puis dans le 1er paragraphe on rentre dans l’extraordinaire
Temps : alternance imparfait et passé simple « il avait », « il s’appelait », « il ne fut », il composa »… éléments de l’aventure : passé simple
Elément perturbateur : il est condamné à l’exil donc il voyage : le héros connait des éléments perturbateurs pour accéder au dénouement = on retrouve le même schéma (itinéraire) des contes. On se rend compte qu’il y a le même ordre chronologique que le conte qui va permettre au héros d’évoluer positivement. Le narrateur fait un voyage rétrospectif en passant vers la fin (il aurait donc rencontré le personnage). Le rythme narratif : rapide : avec la succession des actions, des événements (600ans en 15lignes), vivant et on peut voir qu’il y a des titres aux chapitres (comme dans Candide), continuité logique (dernière phrase chap1, elle ouvre le chapitre 2), facilité pour le lecteur (conte traditionnel = pour les enfants). Présence du narrateur : le conteur (l3) = témoin « j’ai eu l’honneur de le connaitre » pour rendre crédible le récit même s’il semble fantastique. Incise « dis je », « je prétend », « je rapporterai », « je suis obligé d’avouer », « je ne veux contredire personne ». Il fait des commentaires sur son récit, les personnages. Le conteur doit intéresser son lecteur, il doit se sentir concerné : « notre », « nos », complicité avec son lecteur, narrateur omniscient car il sait tout du personnage Qui sont les lecteurs ? Aux terriens « nous autres sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au delà de nos usages » pour qu’ils se remettent en question = il faut des lecteurs avec un minimum d’ouverture d’esprit : amener les lecteurs à une réflexion métaphysique étendue sur l’univers et non plus sur leur « petit tas de boue » Récit merveilleux (faits extraordinaires) et cela porte à la réflexion et on s’attend à aller au delà du conte traditionnel. Passage du fantastique au réaliste, du rêve à la réalité, du conte à la philosophie
II- La philosophie du conte
Micromégas, histoire philosophique
« histoire »= genre littéraire, récit « philosophie » = aspect sérieux
On connait le projet de l’auteur des Lumières (met l’accent sur la raison, la réflexion, le savoir, la tolérance, les droits, les expériences, l’esprit) = faire réfléchir.
Y a-t-il des allusions aux terriens, à la France de l’époque ? le narrateur met l’accent sur les qualités intellectuelles de son personnage « beaucoup d’esprit », « un des plus cultivés », « il sait beaucoup de choses », « la force de son esprit », « se défendit avec son esprit » = occurrence du mot esprit ; capacités, Voltaire se caractérise par son esprit. Allusion à la religion : thème de la nature
thème de la création, pose des questions (= suspecté d’hérésie). Le personnage peut par ce qu’il fait, vit ou subit faire allusion à des réalités du 18ème siècle
Il existe de nombreuses allusions aux réalités terrestre (plus dans le rêve)
Dimension : « nous autres citoyens de la terre », « notre globe », « notre petite terre ».
Politique : « les états de quelques souverains d’Allemagne », « empire », énumération de différents pays, rappel aux français à ne pas se prendre pour le centre du monde, « le muphti de son pays » « cour du roi » (homme religieux qui gouverne) = système politique non tolérant.
Juridique : « juriste consulte », « homme de loi » = la justice est dépendante du religieux et de l’exécutif si le muphti est aussi un responsable politique.
Censure : « fit condamner le livre » Science et religion : blaise pascal « 18 ans de plus que blaise pascal », Euclide = état des sciences à l’époque, M. Dérame écrivain
Croyance : qui y a-t-il après la mort ?
Art : « nos sculpteurs, nos peintres », Lulli le musicien italien parallélisme entre les réactions des extraterrestres et des français quand il passe d’un espace, d’une culture à un autre.
Académie : allusion a Fontenelle avec qui voltaire était en mauvais terme = occasion de se moquer du personnage et allusion à l’académie des sciences avec une majuscule au mot « Académie »
Les jésuites : sur Cyrus prouve qu’il fait allusion à la terre
Chanson contre le muphti : pamphlet contre le régent (organise les affaires de l’état dans les affaires que le roi n’a pas le pouvoir de gouverner) = problème avec la justice
On sort du cadre du conte avec des allusions juridiques, artistiques, religieuses, politiques…
Le conte n’est qu’un prétexte à une satire.
Satire : Politique : régime dictatorial avec une alliance du politique, juridique et religion.
Blâme « grand vétillard et fort ignorant » = Paranoïa/ Suspicion, incapacité intellectuelle du personnage « fort ». Allusion fondée sur la censure : répétition de la racine « hérétique », énumération avec gradation ascendante du contenu du livre (infrastructure pour la censure des livres au 18ème : l’auteur peut être victime de prison, d’amende : condition des auteurs difficiles).
A l’époque on ne pouvait pas faire de satire sur la religion et sur la poésie
Longueur de la justice : Condamnation : plusieurs verdicts : du bannissement à la peine de mort.
La cour : à travers la négation restrictive « qui n’était remplie que de… », « fracasserie et petitesse et bassesse » = terme péjoratif.
Il aime l’humour, le sarcasme et la plaisanterie. Jeu d’antithèses entre petit et grand
Attitude des terriens en général : manque de connaissance : pas le sens de la relativité (au départ voltaire croit à la providence et ensuite, avec tous les malheurs, il perd la foi en dieu), de ceux qui voyage peu : Rôle des femmes : « se défendait avec beaucoup d’esprit et » les femmes dans les salons diffusent les idees des lumières, elles sont autour du roi (pompadour maitresse officielle de Louis XV qui l’influence) : ambiguite de l’attitude des femmes
Conclusion
Ce 1er chapitre souscrit aux lois du conte traditionnel et de la réflexion philosophique et type d’argumentation. Il s’agit d’une narration ancrée dans un temps et dans lieux qui evoquent des personnages avec des faits fantastiques et loin des mesures humaines. Mais ce n’est qu’un pretexte pour voltaire pour évoquer son siècle affecté de nombreuses tares . Il reinvestit donc les contextes de l’apologue qui consiste à plaire pour instruire. Le conte philosophique présente de nombreux avantages pour faire passer des idées nouvelles.
Chapitre 2 de Micromégas: Conversation de l'habitant de Sirius avec celui de Saturne
2.1 Après que Son Excellence se fut couchée, et que le secrétaire se fut approché de son visage : « Il faut avouer, dit Micromégas, que la nature est bien variée. – Oui, dit le Saturnien ; la nature est comme un parterre dont les fleurs... – Ah ! dit l'autre, laissez là votre parterre. – Elle est, reprit le secrétaire, comme une assemblée de blondes et de brunes , dont les parures... – Eh ! qu'ai-je à faire de vos brunes ? dit l'autre . – Elle est donc comme une galerie de peintures dont les traits... – Eh non ! dit le voyageur; encore une fois la nature est comme la nature. Pourquoi lui chercher des comparaisons ? – Pour vous plaire, répondit le secrétaire. – Je ne veux point qu'on me plaise, répondit le voyageur ; je veux qu'on m'instruise : commencez d'abord par me dire combien les hommes de votre globe ont de sens . – Nous en avons soixante et douze, dit l'académicien, et nous nous plaignons tous les jours du peu . Notre imagination va au-delà de nos besoins ; nous trouvons qu'avec nos soixante et douze sens , notre anneau , nos cinq lunes , nous sommes trop bornés ; et, malgré toute notre curiosité et le nombre assez grand de passions qui résultent de nos soixante et douze sens , nous avons tout le temps de nous ennuyer. – Je le crois bien, dit Micromégas; car dans notre globe nous avons près de mille sens , et il nous reste encore je ne sais quel désir vague, je ne sais quelle inquiétude , qui nous avertit sans cesse que nous sommes peu de chose, et qu'il y a des êtres beaucoup plus parfaits . J'ai un peu voyagé ; j'ai vu des mortels fort au- dessous de nous ; j'en ai vu de fort supérieurs ; mais je n'en ai vu aucuns qui n'aient plus de désirs que de vrais besoins, et plus de besoins que de satisfaction. J'arriverai peut-être un jour au pays où il ne manque rien ; mais jusqu'à présent personne ne m'a donné de nouvelles positives de ce pays-là .» Le Saturnien et le Sirien s'épuisèrent alors en conjectures ; mais, après beaucoup de raisonnements fort ingénieux et fort incertains, il en fallut revenir aux faits. «Combien de temps vivez-vous ? dit le Sirien . – Ah! bien peu, répliqua le petit homme de Saturne. – C'est tout comme chez nous, dit le Sirien ; nous nous plaignons toujours du peu. Il faut que ce soit une loi universelle de la nature. – Hélas! nous ne vivons, dit le Saturnien, que cinq cents grandes révolutions du soleil. (Cela revient à quinze mille ans ou environ, à compter à notre manière.) Vous voyez bien que c'est mourir presque au moment que l'on est né ; notre existence est un point, notre durée un instant, notre globe un atome. À peine a-t-on commencé à s'instruire un peu que la mort arrive avant qu'on ait de l'expérience. Pour moi, je n'ose faire aucuns projets ; je me trouve comme une goutte d'eau dans un océan immense. Je suis honteux, surtout devant vous, de la figure ridicule que je fais dans ce monde.» 2.2 Micromégas lui repartit: « Si vous n'étiez pas philosophe , je craindrais de vous affliger en vous apprenant que notre vie est sept cents fois plus longue que la vôtre ; mais vous savez trop bien que quand il faut rendre son corps aux éléments , et ranimer la nature sous une autre forme, ce qui s'appelle mourir ; quand ce moment de métamorphose est venu, avoir vécu une éternité, ou avoir vécu un jour, c'est précisément la même chose. J'ai été dans des pays où l'on vit mille fois plus longtemps que chez moi, et j'ai trouvé qu'on y murmurait encore. Mais il y a partout des gens de bon sens qui savent prendre leur parti et remercier l'auteur de la nature. Il a répandu sur cet univers une profusion de variétés avec une espèce d'uniformité admirable. Par exemple tous les êtres pensants sont différents, et tous se ressemblent au fond par le don de la pensée et des désirs. La matière est partout étendue ; mais elle a dans chaque globe des propriétés diverses. Combien comptez-vous de ces propriétés diverses dans votre matière ? – Si vous parlez de ces propriétés, dit le Saturnien, sans lesquelles nous croyons que ce globe ne pourrait subsister tel qu'il est, nous en comptons trois cents, comme l'étendue, l'impénétrabilité , la mobilité, la gravitation , la divisibilité, et le reste. – Apparemment, répliqua le voyageur, que ce petit nombre suffit aux vues que le Créateur avait sur votre petite habitation. J'admire en tout sa sagesse ; je vois partout des différences, mais aussi partout des proportions. Votre globe est petit, vos habitants le sont aussi; vous avez peu de sensations ; votre matière a peu de propriétés ; tout cela est l'ouvrage de la Providence. De quelle couleur est votre soleil bien examiné ? – D'un blanc fort jaunâtre, dit le Saturnien; et quand nous divisons un de ses rayons, nous trouvons qu'il contient sept couleurs – Notre soleil tire sur le rouge, dit le Sirien , et nous avons trente-neuf couleurs primitives. Il n'y a pas un soleil, parmi tous ceux dont j'ai approché, qui se ressemble, comme chez vous il n'y a pas un visage qui ne soit différent de tous les autres.»
2.3 Après plusieurs questions de cette nature, il s'informa combien de substances essentiellement différentes on comptait dans Saturne. Il apprit qu'on n'en comptait qu'une trentaine, comme Dieu, l'espace, la matière, les êtres étendus qui sentent, les êtres étendus qui sentent et qui pensent, les êtres pensants qui n'ont point d'étendue; ceux qui se pénètrent, ceux qui ne se pénètrent pas, et le reste. Le Sirien , chez qui on en comptait trois cents et qui en avait découvert trois mille autres dans ses voyages, étonna prodigieusement le philosophe de Saturne . Enfin, après s'être communiqué l'un à l'autre un peu de ce qu'ils savaient et beaucoup de ce qu'ils ne savaient pas, après avoir raisonné pendant une révolution du soleil, ils résolurent de faire ensemble un petit voyage philosophique.
Commentaire :
Chapitre 2 Micromégas arrive sur saturne, il rencontre un habitant et va entamer une conversation avec lui. Nous allons découvrir le contour, les modalités et l’intérêt de cette conversation qui sera le plus grand débat étant donné qu’ils débattent durant 300 ans.
Problématiques possibles :
En quoi cette conversation est elle un débat ?
En quoi le débat de deux extraterrestres peut il intéresser les Hommes ?
Comment fonctionne ce débat, et dans quel but ?
Quelle est la visée de Voltaire et par quels moyens ?
Plan :
I- une mise en scène théâtrale
II- Un échange philosophique
III- un contrat avec le lecteur
I- Une mise en scène théâtrale
Texte narratif de discours rapportés, récit avec emploi du passé antérieur mais indications gestuelles (=didascalies). Quitte sa verticalité pour se mettre à l’horizontal = il ne se sent pas supérieur, position importante (Micromégas s’allonge et s’adapte.) Discours direct : la différence avec le texte théâtral : verbe introducteur du discours et énonciateur, récepteur. Ce discours va donner un rythme et une vivacité au récit = donner vie au personnage.
Rythme très rapide surtout au début (1er terme : interruption de la parole de l’autre, succession des questions réponses, forte ponctuation, interjections, points de suspension, questions rhétoriques, phrases injonctives… chacun représente autrui pour l’autre = dans toutes sortes d’échanges, il y a une sorte de combat d’énergie. Points de vues différents donc la conversation devient débat : sur la nature, les sens, la mort, la matière… est ce que le désaccord va évoluer positivement ?
On passe d’un débat à un échange beaucoup plus paisible = à la fin = ils décident de voyager ensemble « faire ensemble un petit voyage philosophique ».
C’est Micromégas qui mène le débat car il est plus sage et supérieur : il répond aux questions, il parle beaucoup (nombre d’interventions élevé).
II- Quel est le but ? Un échange philosophique
Acquérir du savoir sur l’autre : curiosité, accroissement des connaissances, sagesse
1) Importance des sciences et des faits
Jeu de comparaison
= rhétorique, images littéraires et artistiques pas scientifiques = caricature des clichés, il refuse le manque de rigueur, la flatterie, la complaisance arrête le débat
Quelques lignes relèvent du récit : crée une pause à l’intérieur du récit = montre à travers l’intervention du narrateur des conjectures : hyperbole « s’épuisèrent » montre la vanité des conjectures, quelle que soit la qualité des raisonnements, on reste dans l’exactitude « fort ingénieur et fort incertain », la solution est de revenir aux faits « il en fallut » = tournure impersonnelle avec notion de nécessité (quelles que soient les directions que l’on puisse prendre, si on est hors des faits on perd)
Ce qui est proposé : des questions efficaces en rapport avec les maths et la physique : intérêt exclusif de Micromégas : réponses efficaces + réponses chiffrées (3x occurrences de 72, 1000 sens, durée de la vie : 500 grandes révolutions du Soleil pour le saturnien = fantastique)
2) Une réflexion sur la condition humaine
a) Réflexion sur l’universalité
quelles que soient les différences entre les étrangers montrés par les chiffres : ressemblance entre ces extraterrestres : imperfection pour les sens « peu » adverbe d’intensité substantivé, participe passé dépréciatif « borné » avec l’adverbe d’intensité « trop ».
« Notre imagination va au delà de nos besoins » = imagination (pascal dans ses pensées évoque le rôle de l’imagination qui est une puissance trompeuse. La limitation des capacités est donnée par « les êtres mortels », toujours dans la plainte = toujours une occasion de se plaindre : les sens, la perception de la vie, la crainte de la mort.
Le temps de la vie : beaucoup de sens, beaucoup de temps, beaucoup de facultés, de passions… Comment vivent t-ils leurs vies ? = sentiment d’avoir beaucoup à apprendre mais pas assez de temps, peu de temps et pourtant « nous avons tout le temps de nous ennuyer » malgré toutes ces qualités, ils trouvent le moyen de s’ennuyer Même chose chez Micromégas : mise en relief du mal être par le parallélisme de construction et le jeu d’anaphores « je ne sais quel... je ne sais quel » appuyé par l’adjectif « vague ».
C’est donc l’imperfection de l’homme qui pose problème par rapport à l’infiniment grand = ennui existentiel
Y a-t-il des preuves que tout le monde est un peu malheureux ? Verbe « voir », expérience du voyage, « j’ai un peu voyagé =litote », expérience très étendue car il évoque les extrêmes et les jeux d’oppositions raisonnement par analogie. Gradation et négation absolue « je n’en ai vu aucun », « murmurer » synonyme de se plaindre.
Micromégas est en quête de l’exception mais il ne la trouve pas « j’arriverai peut être un jour à trouver un pays où il ne manque rien » = futur hypothétique, utopie. Plainte sur la mort : pourquoi se plaignent t-ils d’être mortels ? = interruption dans l’acquisition du savoir, de l’expérience qui aboutit à la sagesse « c’est mourir presque au moment où on est né » = le refus de se projeter dans l’avenir.
Quand on a plus de projet, on s’ennuie = il ne sait plus pourquoi il est la. « Osez » = il se créé ses propres limites, il se restreint. Enumération avec un jeu d’ellipse du vers qui permet de mettre les deux éléments en face à face et montrer leur paradoxe
b) En quoi cet échange renvoie t'-il a des prises de positions d’humains ?
Intervention du saturnien : allusion aux propos de Fontenelle dans « entretien sur la pluralité des mondes », évocation du rôle des sens, allusion au paradis chrétien « ce pays où il ne manque rien ». Notion d’instant, brièveté de la vie, cela renvoie à Bossuet. Conception de la mort selon Micromégas : rendre son corps aux éléments = ce qui s’appelle mourir = métamorphose : la mort n’est pas une fin en soi « rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme »
L’infiniment grand, infiniment petit : cela renvoie à Pascal « une goute d’eau dans l’océan .
Evocation de dieu : créateur ou auteur de la nature, la providence ; Ce dieu est il révélé ? « Il révoque l’existence de dieu, c’est la perfection de l’univers »
Conclusion :
Micromégas nous livre la solution pour être heureux : « il y a partout des gens de bons sens qui savent prendre leur parti et remercier l’auteur de la nature » remercie ce que tu es ! Le bonheur est donc dans le remerciement
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