Bergson, commentaire philosophique, L’Énergie spirituelle
Henri Bergson Philosophe
Henri Bergson, né le 18 octobre 1859 à Paris où il est mort le 4 janvier 1941, est un philosophe français Naissance : 18 octobre 1859, Paris Décès : 4 janvier 1941, Paris Conjoint : Louise Neuberger Formation : École normale supérieure, University Of Toronto At Mississauga, Lycée Condorcet
Etude d'un texte « En ce moment je cause avec vous, je prononce le mot "causerie". Il est clair que ma conscience se représente ce mot tout d'un coup ; sinon, elle n'y verrait pas un mot unique, elle ne lui attribuerait pas un sens. Pourtant, lorsque j'articule la dernière syllabe du mot, les deux premières ont été articulées déjà ; elles sont du passé par rapport à celle-là, qui devrait alors s'appeler du présent. Mais cette dernière syllabe "rie", je ne l'ai pas prononcée instantanément ; le temps, si court soit-il, pendant lequel je l'ai émise, est décomposable en parties et ces parties sont du passé par rapport à la dernière d'entre elles, qui arrêts, elle, du présent définitif si elle n'était décomposable à son tour : de sorte que vous aurez beau faire, vous ne pourrez tracer une ligne de démarcation entre le passé et le présent, ni par conséquent entre la mémoire et la conscience. À vrai dire, quand j'articule le mot "causerie", j'ai présents à l'esprit non seulement le commencement, le milieu et la fin du mot, mais encore les mots qui ont précédé, mais encore tout ce que j'ai déjà prononcé de la phrase ; sinon, j'aurais perdu le fil de mon discours. Maintenant, si la ponctuation du discours eût été différente, la phrase eût pu commencer plutôt ; elle eût englobé, par exemple, la phrase précédente, et mon "présent" se fut dilater encore davantage dans le passé. Poussons ce raisonnement jusqu'au bout : supposons que mon discours dure depuis des années, depuis le premier éveil de ma conscience, qu'il se poursuive en une phrase unique, et que ma conscience soit assez détachée de l'avenir, assez désintéressée de l'action, pour s'employer exclusivement à embrasser le sens > de la phrase : je ne chercherais pas plus d'explications, alors, à la conservation intégrale de cette phrase que je n'en cherche à la survivance des deux premières syllabes du mot "causerie" quand je prononce la dernière. Or, je crois bien que notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase unique entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupé par des points.»)
Le texte que l'on se propose d'étudier aujourd'hui a été écrit par BERGSON , philosophe français du XIXe siècle. Dans celui-ci l'auteur remet en cause la notion du temps . Ainsi il développe la thèse selon laquelle la conscience nous permet de faire la distinction entre le passé et le présent. Selon la définition propre à chacun, le présent est perçu comme une action qui est en cours tandis que le passé est relatif à une époque , une période révolue. Pourtant certains philosophe comme Bergson ne s'arrêtent pas là et voient une distinction entre le présent et le passé beaucoup plus complexe que l'on ne le croit Afin d'appuyer sa thèse Bergson prend part dans l'analyse de la phrase et de sa structure afin de montrer que la conscience n'est que mémoire. Pour cela dans un premier temps il prend l'exemple de la parole pour nous éclairer sur sa réflexion . Il prononce le mot «causerie» » , et met en avant , progressivement l'idée que la conscience permet en elle même de « tracer une ligne de démarcation entre le passé et le présent» . Il poursuit sa réflexion en élargissent ensuite son exemple de la parole à la phrase : « tout ce que j'ai déjà prononcé de la phrase » puis termine son raisonnement en donnant l'exemple de la vie en général : « Or je crois que notre vie intérieur ...» On se rend donc compte que la notion qui est principalement mise en jeu dans cette extrait est la notion de « conscience».Le mot français conscience vient du latin conscientia qui est formé de cum qui signifie « avec », et de scientia pour « science ».Être conscient lorsque nous agissons, éprouvons quelque chose, réfléchissons, etc. c’est ainsi posséder simultanément une connaissance de ces actes, sensations, réflexions. La définition de « la conscience » est en réalité abstraite et il est difficile de la définir réellement. En effet dans un texte célèbre de Bergson : l'Energie spirituelle Bergson demandait «Qu'est ce que la conscience ? » . Et il répondait «Vous pensez bien que je ne vais pas vous définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous» La question à laquelle répond l'auteur est donc la suivante : En quoi et comment notre conscience permet-elle de faire la distinction entre le présent et le passé?
Dans un premier temps , l'auteur «engage une discussion » avec le lecteur : « Je cause avec vous ». Ainsi il prend l'exemple de la parole , en prononçant le mot «causerie » pour mettre en avant l'idée que la conscience joue un rôle primordial dans la distinction entre le passé et le présent. En effet il essaye de montrer à travers cela que c'est grâce à notre conscience que ce mot a pris un sens et que sans elle celui-ci ne serait que l'addition de syllabes l'une derrière l'autre sans aucune réelle signification : « ma conscience se représente ce mot d'un coup». Cependant il utilise l'adverbe « pourtant » qui introduit une opposition à l’énoncé qui le précède. Il s'interroge et un problème se pose devant lui . Comment notre conscience arrive t-elle a se représenter ce mot d'un coup alors que lorsqu'il prononce le mot « causerie » le début de celui-ci est déjà du passé ? « J'articule la dernière syllabe du mot, les deux premières ont été articulées déjà; elles sont du passé par rapport à celle-là ». Mais alors que peut-on désigner comme présent ? Puisque une action présente devient immédiatement du passé ? Ainsi le phénomène se reproduit continuellement . A chaque syllabe d'un mot prononcé , la précédente devient du passé et ainsi de suite. L'auteur explique ce phénomène par un processus de décomposition . En effet on peut lire « le temps, si court soit-il, pendant lequel je l'ai émise ( syllabe) est décomposable en parties , et ces parties sont du passé par rapport à la dernière d'entre elles » . Ce processus est sans fin , c'est à dire qu'il est valable à chaque instant , et que chaque chose présente devient passé immédiatement : « la dernière d'entre elles, qui serait , elle, du présent définitif si elle n'était décomposable à son tour » . Ainsi l'auteur en déduit qu'il est « impossible de tracer une ligne de démarcation entre le passé et le présent ». Et montre également qu'il est impossible de tracer une démarcation entre la mémoire et la conscience . Et donc que la mémoire et la conscience forment un tout qui ne peut être séparé. Bergson poursuit sa réflexion en élargissent ensuite son exemple de la parole à la phrase : « tout ce que j'ai déjà prononcé de la phrase ». Ainsi il élargit son raisonnement, c'est notre conscience qui donne un sens à un mot . Celle-ci permet de nous mettre un mot à l'esprit dans sa totalité mais pas seulement. En effet notre conscience peut également se représenter une phrase ,voir plusieurs et les garder à l'esprit. Pourtant elles sont dans un passé plus lointain. En effet l'auteur à encore à l'esprit « le commencement , le milieu et la fin du mot , mais encore les mots qui ont précédé , mais encore tous ceux que j'ai déjà prononcés de la phrase ».On a pourtant l'impression que tout cela est encore du présent puisque tous les mots et phrases prononcés nous sont encore à l'esprit. La conscience exprime normalement le présent pourtant on à l'esprit des actions passées . Cela semble paradoxal mais montre en réalité la vraie complexité qu'il y a à effectuer une distinction entre le passé et le présent étant donné que l'on ne saurait réellement définir ceux qui sont perçus comme présent ou au contraire comme passé. Le présent est alors « dilaté » dans le passé Enfin l'auteur poursuit son idée jusqu'au bout en donnant à présent l'exemple de la vie . « Supposons que ce discours dure depuis des années , depuis le premier éveil de ma conscience ». A travers cette idée l'auteur essaye de nous montrer que finalement notre conscience garde à l'esprit de nombreux moments passés dans notre vie depuis le début de notre existence . Elle est donc associée à la mémoire qui a l'aptitude à conserver et à restituer des choses passées, c'est une représentation du passé sous une forme mentale. La conscience est donc mémoire; A savoir que si la conscience est mémoire, la mémoire est elle aussi conscience. En effet sans conscience se serait une mémoire qui ne saurait pas faire la différence entre passé et présent . Donc la mémoire et la conscience sont indissociables. Bergson nous fait comprendre que la conscience et la mémoire permettent de donner du sens à nos vies. En effet sans cela nos vies n'auraient pas de sens puisqu'il n y aurait aucune cohérence, on ne pourrait faire la différence entre le présent et le passé- Il est finalement important d'avoir conscience de son passé pour savoir qui on est réellement.
On peut cependant remettre en cause un point de l'argumentation de l'auteur. Bergson distingue une mémoire qui comprend tous les souvenirs et qui peut en tant que telle être remémorée . En effet il compare la capacité de notre conscience à se remémorer une phrase ou discours récemment donné avec la « vie intérieure » - Il met les deux au même niveau. Cette comparaison peut être considérée comme fausse. En effet il nous est plus facile de nous souvenir d'une phrase ou d'un mot par exemple , que de tous les moments passés dans notre vie depuis le début de notre existence. Le philosophe Locke partage cette idée, pour lui la mémoire ne peut pas être totale et personne ne peut se souvenir de tous les évènements de sa vie entière ; Il s'oppose donc à l'argument donné par Bergson. Qui dit mémoire, dit donc oubli . Lorsqu'on dit un discours il nous est impossible de nous souvenir de chaque phrase , chaque mot prononcé, une fois la phrase dite elle sera aussitôt oubliée afin de nous concentrer sur la suivante. En effet certaines choses vont nous marquer et rester encrées dans notre mémoire alors que d'autres non. En outre, on ne peut pas se rappeler de tout notre passé mais celui ci est cependant construit sur des évènements qui ont marqué notre conscience.
Pour conclure on peut dire qu'il nous est impossible de faire la distinction entre le présent et le passé. En effet il est difficile de faire une différence entre les deux . Le présent ne semble jamais réellement exister. L'idée de présent est donnée par notre conscience qui nous permet d'avoir à l'esprit un événement tout juste passé . On a donc une impression de présent qui est donnée par notre conscience , mais en réalité on ne peut pas distinguer le présent du passé. L'enjeu de ce texte est donc de mettre en avant l'idée que le présent n'est « qu'illusion ». Cette illusion nous est donnée par notre conscience qui tente de nous mettre à l'esprit un fait passé en le faisant passer pour présent. Bergson à travers son raisonnement tente à nous faire comprendre que finalement la conscience n'est que mémoire
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Date de dernière mise à jour : 28/07/2021