Diderot, ch. 3 Supplément au voyage de Bougainville

 

ORAUX EAF

 

 

Diderot, Supplément au voyage de Bougainville

Chapitre III :

Dialogue de L'aumônier avec Orou », Supplément au Voyage de Bougainville, Diderot, III de « Eh bien ! Nous croyons que ce monde... » à « ...une pierre qui s'ébranle? »

les philosophes et la civilisation

Problématique : Quelles nouvelles visions de l'Humain la rencontre avec des civilisations différentes autorise-t-elle ?

Objet d'étude : La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation, du XVIe siècle à nos jours.

Perspectives : Le mouvement des Lumières/

Les genres de l'argumentation indirecte : contes philosophiques, dialogues philosophiques, romans épistolaires...

Lectures analytiques:

 « Discours du vieux Tahitien », Supplément au Voyage de Bougainville, Diderot, II de « Puis s'adressant à Bougainville... » à « ...tes inutiles lumières. »

 « Dialogue de L'aumônier avec Orou », Supplément au Voyage de Bougainville, Diderot, III de « Eh bien ! Nous croyons que ce monde... » à « ...une pierre qui s'ébranle? »

 « Candide chez les Oreillons », Candide, Voltaire, Chapitre 16 de « A leur réveil... » à « ...je n'étais pas jésuite. »

 « Le nègre de Surinam », Candide, Voltaire, chapitre 19 de « En approchant de la ville... » à « il entra dans le Surinam »  « Comment peut-on être Persan? », Lettres persanes, Montesquieu, la lettre XXX

Lecture du texte :

L'AUMONIER. Eh bien ! nous croyons que ce monde et ce qu'il renferme est l'ouvrage d'un ouvrier.

OROU. Il a donc des pieds, des mains, une tête ?

L'AUMONIER. Non.

OROU. Où fait-il sa demeure ?

L'AUMÔNIER. Partout.

OROU. Ici même !

L'AUMÔNIER. Ici.

OROU. Nous ne l'avons jamais vu.

L'AUMÔNIER. On ne le voit pas.

OROU. Voilà un père bien indifférent ! Il doit être vieux ; car il a du moins l'âge de son ouvrage.

L'AUMÔNIER. Il ne vieillit point ; il a parlé à nos ancêtres il leur a donné des lois ; il leur a prescrit la manière dont il voulait être honoré ; il leur a ordonné certaines actions, comme bonnes ; il leur en a défendu d'autres, comme mauvaises.

OROU. J'entends ; et une de ces actions qu'il leur a défendues comme mauvaises, c'est de coucher avec une femme et une fille ? Pourquoi donc a-t-il fait deux sexes ?

L'AUMONIER. Pour s'unir ; mais à certaines conditions requises, après certaines cérémonies préalables, en conséquence desquelles un homme appartient à une femme, et n'appartient qu'à elle ; une femme appartient à un homme, et n appartient qu'à lui.

OROU. Pour toute leur vie ?

L 'AUMONIER. Pour toute leur vie.

OROU. En sorte que, s'il arrivait à une femme de coucher avec un autre que son mari, ou à un mari de coucher avec une autre que sa femme... mais cela n'arrive point, car, puisqu'il est là, et que cela lui déplaît, il sait les en empêcher.

L'AUMONIER. Non ; il les laisse faire, et ils pèchent contre la loi de Dieu, car c'est ainsi que nous appelons le grand ouvrier, contre la loi du pays ; et ils commettent un crime.

OROU. Je serais fâché de t'offenser par mes discours ; mais si tu le permettais, je te dirais mon avis.

L'AUMONIER. Parle.

OROU. Ces préceptes singuliers, je les trouve opposés à la nature, contraires à la raison ; faits pour multiplier les crimes, et fâcher à tout moment le vieil ouvrier, qui a tout fait sans tête, sans mains et sans outils ; qui est partout, et qu'on ne voit nulle part ; qui dure aujourd'hui et demain, et qui n'a pas un jour de plus ; qui commande et qui n'est pas obéi ; qui peut empêcher, et qui n'empêche pas. Contraires à la nature, parce qu'ils supposent qu'un être sentant, pensant et libre, peut être la propriété d'un être semblable à lui. Sur quoi ce droit serait-il fondé ? Ne vois-tu pas qu'on a confondu, dans ton pays, la chose qui n'a ni sensibilité, ni pensée, ni désir, ni volonté ; qu'on quitte, qu'on prend, qu'on garde, qu'on échange sans qu'elle souffre et sans qu'elle se plaigne, avec la chose qui ne s'échange point, qui ne s'acquiert point ; qui a liberté, volonté, désir ; qui peut se donner ou se refuser pour un moment ; se donner ou se refuser pour toujours ; qui se plaint et qui souffre ; et qui ne saurait devenir un effet de commerce, sans qu'on oublie son caractère, et qu'on fasse violence à la nature ? Contraires à la loi générale des êtres. Rien, en effet, te paraît­il plus insensé qu'un précepte qui proscrit le changement qui est en nous ; qui commande une constance qui n'y peut être, et qui viole la nature et la liberté du mâle et de la femelle, en les enchaînant pour jamais l'un à l'autre ; qu'une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu ; qu'un serment d'immutabilité de deux êtres de chair, à la face d'un ciel qui n'est pas un instant le même, sous des antres qui menacent ruine ; au bas d'une roche qui tombe en poudre ; au pied d'un arbre qui se gerce ; sur une pierre qui s'ébranle ?

 

Plan pour un commentaire : 

I. Le créateur

II/ Le mariage

 

Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, ch.3, les questions avec réponses en commentaire pour l'oral du bac

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Date de dernière mise à jour : 28/04/2021

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