Biographie de Jaccottet pour l'oral du bac de français
Biographie pour l'oral, Philippe Jaccottet
Philippe Jaccottet s'installe, avec sa famille, à Lausanne en 1933. Son enfance est déjà marquée par l'écriture. À quinze ans, il offre à ses parents un ensemble de poèmes intitulé Flammes noires[1]. À seize ans, le 27 juin 1941, lors de la remise du prix Rambert, Jaccottet découvre Gustave Roud. Cette rencontre est déterminante pour le jeune poète : il la considère lui-même comme « décisive »[2] ; elle donne progressivement naissance à une amitié que va concrétiser l'importante correspondance que s'échangent les deux hommes, de 1942 à la mort de Roud en 1976. Gustave Roud fait connaître au jeune homme le romantisme allemand et les poètes qu'il traduit, Novalis et Hölderlin[3], mais aussi la beauté de la nature et des paysages[4] qui entrent dès lors au cœur de sa sensibilité. C'est aussi la période où il commence à traduire, pour son plaisir : « il y avait spontanément en moi un goût de cela »[5]. Après son baccalauréat, Jaccottet suit des études de lettres à Lausanne, durant lesquelles ses écrits commencent à paraître dans des périodiques : il s'agit d'une pièce de théâtre, Perceval (lue au printemps 1945 à la Guilde du livre[6]), et de premiers poèmes[7], dont « Élégie » (1943-4), « Pour les ombres » (1944) et « Les Iris »[8] en 1945. C'est en mai 1945 qu'est publié son premier ouvrage, Trois poèmes aux démons, dont on dit que Jaccottet détruisait les exemplaires qu'il rencontrait ; puis, en 1946, il écrit une seconde pièce, La Lèpre[9], qu'il n'a pas achevée (il ne reste plus de traces de ces deux pièces[10]). Il obtient sa licence de lettres en juillet 1946, mais ne veut pas enseigner. Cette même année, au cours d'un voyage en Italie, il rencontre et se lie d'amitié avec le poète italien Giuseppe Ungaretti, dont il commence à publier des traductions en 1948 dans Pour l'Art[11]. Puis Jaccottet s'installe à Paris, rue du Vieux Colombier, à l'automne 1946[12] où, engagé par l'éditeur Henry-Louis Mermod (qu'il a rencontré à Lausanne en 1944), il travaille sur des traductions (la première est La Mort à Venise de Thomas Mann), et publie de nombreux textes pour la presse, notamment pour la Nouvelle Revue de Lausanne, où sont publiés entre 1950 et 1970 plus de trois-cent cinquante articles de Jaccottet[13]. Par l'intermédiaire de Mermod, il fait de nombreuses rencontres, dont celle de Francis Ponge, avec qui il se lie d'amitié bien que leurs recherches poétiques soient très différentes[14], de Jean Paulhan. Jaccottet fait découvrir par des textes critiques des poètes et des écrivains de sa génération qui vont devenir ses amis, dont Yves Bonnefoy, Jacques Dupin et André du Bouchet[15]. Ami de Pierre Leyris, il entretient aussi des liens avec le groupe de la revue 84, notamment avec André Dhôtel[16] et Henri Thomas, dont la poésie a grandement influencé L'Effraie. C'est à cette époque, et grâce au contact, aux critiques et aux discussions avec ces amis relevant de groupes différents (entre lesquels Jaccottet se sentait partagé), que le poète commence à trouver « [sa] propre voix », en « baissant le ton » par rapport aux premiers textes[16] (par exemple Requiem en 1947, poème écrit à partir de photographies d'otages durant la guerre et auquel il reprochera plus tard d'avoir été écrit « à partir d’une relation trop indirecte avec la mort »[17]). De cette époque date la rédaction de son premier recueil, L'Effraie. Publié en 1953 chez Gallimard dans la collection, discrète mais souterrainement prestigieuse que dirige Jean Paulhan, « Métamorphoses », ce livre marque un tournant : Jaccottet a longtemps considéré ce recueil comme le début de son œuvre. Son oeuvre Jaccottet écrit des vers et de courtes proses par lesquelles il s'attache à retrouver un rapport à la nature et au monde. À la recherche de la parole la plus juste possible, il tente de préserver l'émotion face aux choses vues, en travaillant à la fois sur le perçu et le ressenti ; c'est ce qui explique que sa poésie est empreinte à la fois de simplicité et de mystère. Le poème en reste au « presque », se tient sur le seuil, sur le point de nous faire accéder à la joie éprouvée face à la beauté de la nature. Outre les poèmes et les essais, l'œuvre de Jaccottet se compose aussi de carnets de notes, qui constituent pour lui une forme alternative de la poésie. Le tout est marqué par une modestie et une retenue, qu'il résume lui-même par la formule « L'effacement soit ma façon de resplendir »[26], et que l'on peut retrouver sous différentes formes chez Charles-Ferdinand Ramuz, Gustave Roud, Maurice Chappaz et Edmond-Henri Crisinel[27]. C'est surtout une très forte exigence de vérité qui motive le poète dans son écriture, d'où une certaine méfiance des images (« l'image cache le réel, distrait le regard », et un doute qui s'inscrit, explicitement, dans le poème : « La vérité semblait pourtant si simple, je n'en garde plus que la coque, vide, même pas : des masques, une singerie... » [28]. Pour éviter ce danger, inhérent à l'emploi de l'image[29], l'écriture jaccotéenne est « une esthétique de la mesure et du non-dit »[30], caractérisée par une recherche d'équilibre et de justesse, ce qui explique les nombreuses corrections présentes dans les poèmes -d'ailleurs, le titre même du recueil "Leçons" fait référence à cette quête de la justesse, puisqu'une leçon peut aussi avoir le sens de "version" d'un texte (on l'utilise pour les textes latins ou grecs par exemple), une version qui n'est pas certaine, qui peut admettre d'autres versions ou corrections- ; il s'agit de se rapprocher le plus possible, par exemple, d'une couleur, que peinent à rendre des mots trop flous et généraux pour satisfaire le souci qu'a Jaccottet de la caractériser : « Les champs de blé : ce n'est plus du jaune, pas encore de l'ocre. Ni de l'or. C'est autre chose qu'une couleur. »[31] Caractérisation qui est plutôt une approche, en rien définitive, de la chose considérée, si ce n'est lorsque la condensation poétique semble réussir à atteindre une justesse presque miraculeuse, mais qui n'exclut pas le doute, comme dans les notes les plus concises de la Semaison, ou les vers conclusifs d'un poème tel que « L'Ignorant ». Dans un discours prononcé en Remerciement pour le prix Rambert, où il expose quelques « éléments de poétique », Jaccottet écrit que le poète n'est plus « le Soleil [...] ni un fils du Soleil ; ni même un Porte-flambeau ou un Phare » (il rejette donc l'image du « poète-prophète ») : la tâche de cet « anonyme [...] vêtu comme n'importe quel autre homme soucieux » est d'essayer de « pei[ndre] » le monde « si merveilleusement » que son œuvre serait à même de détourner l'Homme de sa peur de la mort[32]. Le poète doit donc « veiller comme un berger [et] appeler / tout ce qui risque de se perdre s'il s'endort »[33] ; son « travail est de maintien, de conservation d'une mémoire : il entretient un « maigre feu » contre le vent et l'obscurité », comme l'écrit Maulpoix[34]. C'est en accord avec cette conception que le poète porte un regard critique vers ses débuts, par exemple dans les premières pages de Leçon. Lorsque Poésie, reprenant les premiers recueils, a été édité dans la collection « Poésie/Gallimard », Jaccottet a décidé d'écarter certains poèmes, ceux qu'il « aim[ait] le moins », et de modifier certains autres. Ces changements peuvent être vus dans le sens d'une d'harmonisation des textes du poète encore jeune à ceux du « poète tardif », surtout par rapport à sa conception de l'effacement[35] et de la poésie[36]. En effet le cheminement de Jaccottet le conduit à considérer les moyens mêmes de la poésie avec une certaine méfiance et à ne pas confondre ces moyens avec ses objectifs : aussi considère-t-il la prosodie comme seconde, assimilable à une autre forme de rhétorique[37], parce qu'il y a selon lui « un conflit entre la rime et la vérité »[38]. Cette pensée a donc une influence sur les formes choisies : le sonnet, présent dans L'Effraie, disparait dans les autres recueils au profit de formes plus personnelles, après avoir été « un passage [...] un moyen et un lieu d'expérimentation » pour le jeune poète[39]. Le motif de la lumière est omniprésent dans l'œuvre : en attestent les titres de certains ouvrages et de nombreux poèmes, et les effets de lumière qui apparaissent dans les textes[40]. Jean Starobinski souligne un « amour professé de la lumière, [qu'il] aime assez pour vouloir qu'elle circule dans les mots qu'il trace, et pour veiller à n'écrire aucune ligne qui ne soit pour le lecteur un chemin de clarté »[41].
Notes et références
Sources
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Pour aller plus loin
Date de dernière mise à jour : 15/10/2018