Sujet 10, Corrigé EAF, Séries générales, objet d'étude, le biographique, Diderot, La Rochefoucault, Leiris

 

Leiris

 

 

 

Sujet 10 - Séries générales

*** Sujet AEF corrigé

Objet d’étude : le biographique

  • Textes et document iconographique
  • A. Michel Leiris [ 1901-1990], L’âge d’homme, 1939.
  • B. François de La Rochefoucauld [ 1613-1680], Recueil des portraits et éloges, 1659.
  • C. Denis Diderot [1713-1784], Salon de 1767.
  • D. Document iconographique. Louis-Michel Van Loo [1707-1771], Denis Diderot, écrivain, 1767, Le Louvre.

A. Présentation du sujet

Ce sujet pose le problème de l'écriture de soi à travers un corpus qui juxtapose des

autoportraits et un portrait, celui de Diderot par Van Loo, commenté par Diderot, critique d’art,

et à travers lequel il construit son autoportrait. La clé qui permet d’interroger le dossier peut être

formulée ainsi : les images de soi, destinées aux autres, peuvent-elles prétendre atteindre la

vérité ou au moins l’objectivité ?

En mettant en relation la littérature et la peinture, ce dossier illustre une piste qu’il est

essentiel de développer dans le travail en classe.

B. Question

En quoi le texte de Diderot (texteC) diffère-t-il des deux autres ? En quoi cependant peut-il en être rapproché ?

On propose aux élèves une mise en comparaison de textes pour évaluer leur aptitude à

saisir et à justifier, dans un groupement de textes, leurs points communs et leurs différences. Le

travail sous la forme de groupements de textes doit les avoir entraînés à faire ce type d’analyse

et à en rendre compte dans une mise en ordre étayée d’exemples tirés des textes.

On attend que l’élève formule ce qui fait l’originalité du texte de Diderot puisque son

autoportrait est tracé à partir des choix du tableau peint par Van Loo.

- Les différences se trouvent, dans la première partie du texte, au niveau de l’énonciation

(« sur sa robe de chambre », « on le voit de face ») qui produit un effet de distance par le

dédoublement et presque l’étrangeté de l’image renvoyée. Diderot nie la vérité de ce portrait

« Mes enfants, je vous préviens que ce n’est pas moi. ».

- Les points communs sont nombreux à mettre en évidence. On en attendra plusieurs

accompagnés de l’analyse des passages qui les éclairent : l’énonciation à la première personne

qui apparaît dans la deuxième partie du texte de Diderot comme dans les deux autres, la

recherche de la connivence avec le lecteur obtenue par la mise en évidence dans les trois

textes d’un regard distancié et critique.

On valorisera les réponses qui montrent le rôle du miroir dans les textes A et B et qui verront

que le portrait de Van Loo joue le même rôle dans le texte de Diderot.

C. Commentaire

Vous commenterez le texte de La Rochefoucauld (texte B).

Il s'agit d'un autoportrait "canonique", exemplaire par son organisation comme par le

problème de l'affichage d'une impossible objectivité. Les élèves y retrouvent donc un discours

(le descriptif) et un problème (le regard porté sur soi-même) forcément abordés au cours de la

scolarité. La question préalable les a aidés à entrer aussi dans ce texte.

Le commentaire pourra mettre en évidence :

- l’organisation du portrait qui passe de l’aspect physique à la mise en évidence d’éléments

du caractère (dehors/dedans) ;

- la recherche de l’objectivité par l’étude des tournures syntaxiques et des choix lexicaux qui

refusent la mise en valeur du personnage ;

- l’opposition entre la modestie affichée et la fierté qui dessine l’éloge (dedans/dehors) par la

justification faite par lui-même de ce qui est présenté comme « fidèle » à sa vérité intérieure. Un

travail sur les oppositions lexicales complexes pourra montrer le décalage entre la rhétorique

d’un portrait qui s’affiche comme élogieux par le titre du recueil dont il est tiré, avec les choix

d’écriture qui y sont mis en oeuvre. Le modèle proposé est celui de la lucidité et de l’analyse et

non celui de la personne comme le montre la dernière phrase dont le mouvement est complexe.

L’analyse de la dernière phrase sera à valoriser car elle trace des pistes de réponses sans

qu’on puisse attendre une formulation aussi précise de la part des élèves.

D. Dissertation

En prenant appui sur le corpus proposé, sur les oeuvres que vous avez étudiées au cours de l’année et sur vos lectures personnelles, vous

réfléchirez à l’intérêt et aux difficultés qu’il peut y avoir à se peindre soi-même.

Vous présenterez vos réflexions en un développement ordonné.

Il faut d’abord signaler que le sujet proposé est en extension vis à vis de l’aspect développé

par le corpus. Il renvoie à l'enjeu ou aux enjeux de la représentation de soi, qui traversent

différents arts (visuels ou littéraires) et différents genres (autoportraits, journaux intimes,

autobiographies, voire essais). Les élèves y rattacheront les connaissances acquises dans

l'année sans qu'on attende d'eux le traitement exhaustif d'une question que la critique littéraire

et esthétique considère comme transversale. Les choix personnels des élèves pourront sortir

du cadre littéraire car l’autobiographie représente un genre dont ils apprécient la lecture. Leurs

choix ne les porteront pas toujours vers les textes que nous aurions tendance à attendre. On

veillera à observer l’équilibre de ces choix qui doivent aussi faire appel au travail de l’année et

dont on voudrait trouver une trace dans le développement.

« Se peindre » doit être explicité pour ouvrir à d’autres formes que celle du portrait, qui

auront été travaillées dans l’année et qui pourront illustrer le développement élaboré par l'élève.

Cette explicitation pourra pointer la permanence de ce type d’écriture et l’illustration pourra en

être faite par les textes du dossier en même temps qu’à l’aide des diverses lectures

convoquées par l’élève.

Le libellé du sujet conduira un grand nombre d’élèves à organiser leur développement

autour des termes « difficultés » et « intérêt » en dégageant dans une troisième partie leur

position personnelle ou en la faisant apparaître au fil de l’exposé sous la forme d’une prise de

position étayée.

On pourrait imaginer aussi un développement qui ferait un répertoire des différentes formes

autobiographiques et qui montrerait pour chacune les difficultés et l’intérêt que peut y trouver

celui qui écrit. La problématique serait : quelle forme choisir pour écrire son autobiographie ?

On se place alors du côté de la production et non de la réception, ce qui n’interdirait pas

d’ouvrir, dans ce cas, une dernière partie qui montrerait les préférences du lecteur que nous

sommes et permettrait de justifier un goût pour telle ou telle dont on peut être lecteur assidu.

Pour montrer la difficulté que l’on peut rencontrer à se peindre :

- se connaître, s’observer, mettre à distance les événements, les sentiments ;

- choisir parmi les éléments car on ne peut tout dire ;

- décider d’un ordre pour rendre compte de l’expérience ou de l’état d’esprit qu’on donne à

découvrir ;

- respect de la chronologie ou reconstruction éclairante ;

- choisir son destinataire : écrire pour soi, pour ses contemporains, pour la postérité.

Les élèves s'appuieront sur des arguments qui montreront l’intérêt de l’écriture

autobiographique :

- faire partager une expérience, qu’elle soit originale ou ordinaire ;

- porter témoignage d’une situation dans un moment donné ;

- rendre compte d’un état d’esprit du moment qu’on choisit d’évoquer ;

- se proposer de donner à voir au lecteur des facettes de sa personnalité (effet de

distanciation qui lui permettra de mieux se comprendre). Miroir tendu pour qu’il y retrouve

quelque chose de lui-même ;

- comprendre plus précisément qui on est ou qui on était car souvent il y a un décalage

temporel entre le moment relaté et la mise en mots qu’on doit faire pour le lecteur ;

- témoigner d’une originalité ou s’inscrire dans une filiation qui donne une valeur plus

générale au propos.

On peut imaginer que quelques devoirs pourront proposer une thèse personnelle :

- l’autobiographie est un miroir dans lequel chacun de nous découvre ou retrouve

alternativement ce qu’il est , ce qu’il ne connaissait pas encore, ce qu’il voudrait être ou ce qu’il

cherche à fuir ;

- l’autobiographie part du particulier, de l’anecdotique mais vise à donner une vision plus

générale ;

- l’autobiographie permet de saisir que la conscience claire de ce qu’on est est construite, et

qu’elle doit toujours être mise en regard de l’image que les autres nous renvoient et qu’ils ont

eux-mêmes construite. La vérité ne peut être perçue qu’au croisement de ces divers regards,

donc toute simplification est elle-même illusion.

E. Invention

Le peintre Van Loo défend son oeuvre et tente de démontrer à Diderot que seule la peinture permet de tracer un véritable portrait. L’écrivain

estime quant à lui que seule l’écriture permet d’atteindre ce but. Vous présenterez ce débat sous la forme d’un dialogue entre le peintre et

l’écrivain et donnerez le dernier mot à l’interlocuteur de votre choix.

Ce travail suppose certaines connaissances esthétiques de la part des élèves. L'importance

des confrontations entre le visible et le lisible dans le champ théorique, et l'insistance sur l'étude

de l'image en classe de français, qui y répond au plan didactique, devront les avoir préparés à

ce genre de travaux. Ce sujet est l'occasion de rappeler en conséquence la nécessité de

consacrer une part de l'enseignement à la découverte des arts visuels, que ce soit à l'occasion

de séances régulières (portraits d'écrivains dont on étudie l'oeuvre, analyse d'illustrations, de

dessins de presse, de tableaux, d'affiches de spectacles, de couvertures de livres…) ou dans le

cadre d'une séquence complète organisée autour de ce problème. Certains pourront trouver

dans un tel sujet l’occasion de faire valoir leur culture personnelle. Le tableau qui suit est

destiné à proposer des pistes de réflexion que les élèves auront pu se donner avant d’entrer

dans l’écriture du dialogue.

Arguments de Van Loo

- La saisie des éléments de la personne,

du lieu et de l’époque s’impose dans une

vision instantanée.

- Le cadre autour du tableau délimite

l’espace et fait une place au lieu dans

lequel évolue le personnage.

- La peinture rend compte du mouvement

et saisit la gestuelle.

- Le regard y prend une place importante

et c’est ce qui rend compte de la vie d’un

personnage.

- La comparaison avec d’autres

personnages peut être opérée par le choix

de la construction, des couleurs et des

formes. La mémoire visuelle est forte pour

celui qui observe le tableau.

- Seule la peinture donne à voir la

personne.

Arguments de Diderot

- On peut suivre un personnage dans le

temps au lieu de ne retenir qu’un moment

délimité.

- On peut faire apparaître des facettes

différentes ou convergentes de la personne.

- Le portrait permet de rendre compte du

physique, des traits du visage, des

mouvements d’une personne.

- On donne à comparer l’apparence

extérieure et la pensée. Vision plus

complexe de la personne.

- L'écriture permet de donner un certain

nombre d’informations utiles pour la

compréhension de la situation, de l’état du

personnage. On dépasse le constat ou le

témoignage.

- Les mots évoquent les couleurs, les

mouvements, les formes : ils donnent à voir

comme la peinture.

 

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Date de dernière mise à jour : 13/10/2018

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