Un jour qu'il faisait nuit, Desnos, analyse littéraire
Un jour qu'il faisait nuit Extraits de Corps et biens Langage cuit (1923)
Un jour qu’il faisait nuit Il s'envola au fond de la rivière. Les pierres en bois d'ébène les fils de fer en or et la croix sans branche. Tout rien. Je la hais d'amour comme tout chacun. Le mort respirait des grandes bouffées de vide. Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés. Après cela il descendit au grenier. Les étoiles de midi resplendissaient. Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons sur la rive au milieu de la Seine. Un ver de terre marque le centre du cercle sur la circonférence. En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours. Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la foule. Quand la marche nous eut bien reposé nous eûmes le courage de nous asseoir puis au réveil nos yeux se fermèrent et l'aube versa sur nous les réservoirs de la nuit. |
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Commentaire
Vous commenterez au choix le poème de Robert Desnos ou celui de René de Obaldia. Texte de Robert Desnos Deux modes d’organisation du commentaire peuvent ici être suggérés. 1. Le premier épouse les réactions du lecteur et se situe ouvertement du côté de la réception du poème. - Un poème surprenant et en apparence énigmatique : personnages, énonciation, logique discursive, cadre spatio-temporel. - La reconnaissance d’un mode d’organisation narratif. - La définition du procédé du « langage cuit » et les effets produits : esthétique de la surprise, étonnement, perte des repères, merveilleux, triomphe de l’imaginaire. 2. Le second part d’une interprétation déjà construite et organise un redéploiement du sens : - Un « langage cuit ». - Un récit merveilleux. Le mouvement de la dissertation peut articuler les élément suivants. I. La poésie joue avec la langage. - Refus des règles ordinaires de l’expression quotidienne ; détournement des lois du langage social. - Aspect ludique des exemples proposés dans le corpus (Max Jacob, Desnos, Obaldia, Queneau). - La poésie par ses jeux sur le langage peut apparaître comme une ornementation ou un écart face au langage quotidien. - Le poète apparaît comme un technicien jouant gratuitement avec le langage. - Mais tout jeu de mots, toute recherche formelle ne mènent pas nécessairement à la poésie ; la publicité, le slogan, le langage quotidien travaillent également l’euphonie, le rythme, l’image. Dans bon nombre de cas évoqués la poésie se définit essentiellement par son aspect ludique ; le jeu sur le langage est-il liberté prise avec le langage ou affirmation de nouvelles contraintes linguistiques ? II. La poésie travaille sur le langage et émet de nouvelles contraintes. - Le langage poétique n’est pas simple jeu, il « cède l’initiative aux mots » (Mallarmé, Crise du vers). Ainsi le poète ne va pas rechercher un sens préexistant ; il n’est pas celui qui pense, mais celui à qui s’impose le langage. - La poésie se fonde sur des recherches autour des rimes et des jeux phoniques. - La poésie est travail sur les jeux métriques et rythmiques. - La poésie engage un usage particulier du mot : recherches lexicales, images. - La poésie peut s’inscrire dans l’observation de règles formelles - voir l’exemple fertile du sonnet - règles qui ont nourri son histoire ; « nul n’est poète sans art » (Du Bellay). Exemples divers : les Rhétoriqueurs, la Pléiade, les recherches formelles des classiques sur le beau vers. La poésie n’est pas seulement élaboration ludique ou formelle, pure gratuité ; elle engage un sens. III. Un jeu entre liberté et contraintes qui répond à différentes fonctions. - La poésie comme expression des sentiments et de la subjectivité (fonction lyrique) ; exemple des romantiques qui choisissent les voies de l’effusion. - La poésie peut aussi être engagement et message adressé aux hommes (fonctions polémique et politique) ; exemple des écrivains engagés dans les tourments de l’Histoire pendant la Seconde Guerre mondiale. - La poésie peut être contemplation et interrogation sur le monde et la vie (finalités philosophiques) ; exemple des surréalistes qui explorent les hasards des rencontres et le dérèglement de la conscience. Conclusion Nombre de poètes modernes privilégient le jeu de mots conscient, le « travail sur la langue » pour construire leur oeuvre poétique, comme le montrent les exemples donnés dans le corpus. Le poète est celui qui accorde aux mots tout leur poids ; le poète invite le lecteur à redécouvrir le côté tangible et palpable du langage.
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Pour aller plus loin
Date de dernière mise à jour : 12/10/2018