Commentaire littéraire, A une passante, Baudelaire, théâtralité de la poésie : préparer l'oral de français
- Le 05/02/2018
- Dans Commentaires EAF, français
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1) Théâtralité du poème – 2) Souffrance du poète – 3) La femme fatale
Charles Baudelaire, "A une passante"
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Introduction :
Accroche : La figure de la muse traverse l’œuvre de tous les poètes. Les Fleurs du Mal publié en 1857 fait scandale et on y rencontre parfois des muses aux visages singuliers, voire effrayants comme dans les deux sonnets « la muse malade », « la muse vénale ».
Sujet : Le poème « A une passante », qui s’inscrit dans la dernière section du recueil, « les tableaux parisiens » met très certainement en scène une de ces muses qui fascinent Baudelaire en même temps qu’elle le tue.
Problématique : Nous nous demandons en quoi la théâtralité du poème contribue à la mise en scène d’un idéal féminin qui incarne l’inspiration par Baudelaire avec tout ce que celle-ci peut comporter d’ambiguïté.
Plan : 1) Théâtralité du poème – 2) Souffrance du poète – 3) La femme fatale
I – THEATRALITE DU SONNET
A – LE DECOR
« la rue […] hurlait » : Personnification. Métonymie de (Paris).
On est dans les « Tableaux parisiens » 2ème partie des Fleurs du Mal.
« Assourdissante » : Intensité comme de la vieille saine
« ici » : Second marqueur topographique qui reste très vague. Baudelaire oppose ici [-] à là-bas [+] (Cf. Anywhere out of the world)
« je buvais » : métaphore de l’ivresse amoureuse qui appelle dans la conscience du lecteur l’image d’un café parisien.
« La nuit » « l’éclair » : lumières. Antithèses. Le décor minimaliste très simple, très stylisé au bord de l’abstraction. Il suffit à mettre en scène un drame ( ?) qui sera essentiellement intérieur.
B – L’ENTREE SCENE DE L’HEROINE
Héroïne anonyme à qui le poème est dédiée : « A une passante »
« Une femme passa » : Entrée en scène retardée au vers 3. Rejet de la proposition principale. Violence du passé simple. Inversion de l’ordre syntaxique classique. Ici, les compléments circonstanciels et les adjectifs arrivent avant le sujet et le verbe. Effet dramatique ( ?) au jour de l’apparition.
« Noble » ; « fastueuse » « majestueuse » : Une héroïne de tragédie est noble. Champ lexical de la noblesse.
« Un grand deuil » ; « douleur » : champ lexical de la pitié (pathos = douleur) Sentiment central dans la tragédie classique.
- Sonnet écrit en alexandrins : mètre de la tragédie classique (cf. Racine)
II – FEMME FATALE
Définition : Archétype de la poésie baudelairienne. Femme supérieure, fantasmée, qui chasse psychologiquement le poète. Muse terrible qui empêche le poète de créer et le conduit au désespoir. Idole, divinité, intouchable inaccessible, qui rend fou.
A – CRUAUTE DE LA FEMME
« Une femme passa » : Indifférence de la femme. Elle ne fait que de passer
« Fugitive beauté » : Apostrophe désespérée à l’inconnue
« ô toi qui le savais ! » : en croisant le regard du poète, elle avait deviné qu’il l’aimait. Elle a choisi de l’ignorer.
« Jamais » : peut-être du discours indirect libre, un mot définitif qu’elle aimait prononcer.
B – IDEAL BAUDELAIRIEN
« jambe de statue » : Baudelaire compare la femme (comparé) à une œuvre d’art (comparant) car il préfère l’art à la nature.
« ouragan » « éclair » : si la nature est évoquée c’est une surnature, très puissante.
« un grand deuil » : Elle est habillée en noir : couleur préférée de Baudelaire.
« longue, mince » : physique baudelairien très moderne
Bref : idéal féminin selon Baudelaire.
« dont le regard m’a fait soudainement renaître » : elle est une allégorie de la beauté idéale et elle peut faire revivre comme une déesse. Pouvoir de vie et de mort sur lui. (cf. Hymne à la beauté)
III – UNE TRAGEDIE INTIME
A – SOUFFRANCE DU POETE
« le plaisir qui tue » : Paradoxe, mettant l’accent sur le caractère hyperbolique du plaisir
« je buvais […] la douceur […] le plaisir » : métaphore de l’ivresse. Il souffre et boit pour oublier sa souffrance.
« moi […] crispé » : recroqueville. Dénote le malaise physique et psychique.
« Statue »/ « tue » : la rime embrassée montre que Baudelaire est victime de cette beauté (II – A)
« … [… ] ! » : La ponctuation traduit un grand désordre intérieur aposiopèse .
B – SOLITUDE DE BAUDELAIRE
Il est le représentant du poète maudit, c’est-à-dire un artiste incompris par ses contemporains et donc rejeté, marginalisé.
Cette femme « hautaine » affiche une sorte de mépris pour lui.
Il la tutoie « toi » « ô toi », il tente de créer un dialogue mais il n’y a pas de véritable échange.
S’il y a un jour une rencontre, elle ne se fera pas « ici » mais dans « l’éternité » : métaphore de l’au-delà.
« toi que j’eusse aimée » : subjonctif : mode du virtuel, action possible.
« Ciel livide » : métaphore des yeux blancs, ceux d’une morte d’une statue => Solitude de Baudelaire.
Conclusion : Le sonnet montre ainsi le fulgurant passage d’un idéal, incarné en une femme inaccessible. Cette passante devient l’incarnation de la Beauté et de l’idéal selon Baudelaire. Il s’agit d’un idéal qui conduit au « spleen », à la mélancolie. Mais, comme dans son autre poème « Hymne à la Beauté », Baudelaire est en quête de cet idéal même s’il sait que ce dernier peut le malmener. On retrouve ici également la psychologie ambigüe de Baudelaire à l’égard des femmes, le poète étant tout à la fois fasciné par elles et très misogyne. Et enfin, le thème de la ville, thème baudelairien par excellence, sert de cadre à ce poème qui nous donne une image de la poésie moderne.
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