•Ecriture poétique et quête du sens, corpus bac français 2012 : Du Bellay, La Fontaine, Verlaine, Rimbaud
- Le 16/02/2017
- Dans Questions corpus
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Bac 2012, français, sujets séries S et ES
Question du corpus
Objet d’étude : Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen Age à nos jours
Corpus :
- Texte A : Joachim Du Bellay, « Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil… », sonnet 150, Les Regrets, 1558 (orthographe modernisée)
- Texte B : Jean de La Fontaine, « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », Fables, livre I, 6, 1668
- Texte C : Paul Verlaine, « L’enterrement », Poèmes saturniens, 1866
- Texte D : Arthur Rimbaud : « A la musique », Poésies, 1870
- TEXTE A : Joachim Du Bellay, « Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil… », sonnet 150, Les Regrets, 1558
- De retour en France après son séjour à Rome où ses fonctions le conduisirent à fréquenter la cour du Pape, Du Bellay poursuit sa peinture des courtisans.
- Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon oeil
- Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
- Sinon en leur marcher les princes contrefaire2,
- Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
- 5 Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
- S'il ment, ce ne sont eux qui diront le contraire,
- Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
- La lune en plein midi, à minuit le soleil.
- Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage4,
- 10 Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage:
- S'il le reçoit mauvais5, ils le montrent au doigt.
- Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite6,
- C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
- Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi. _
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1 Seigneur : apostrophe conventionnelle en début de sonnet ; Du Bellay adresse son poème à un puissant. 2 Contrefaire : imiter l’allure des princes quand ils marchent. 3 Appareil : d’un vêtement digne d’un cérémonial magnifique. 4 Si quelqu’un reçoit [...] un bon visage : est bien accueilli par le roi, ou par un puissant. 5 S’il le reçoit mauvais : s’il est mal accueilli. 6 Me dépite : ce qui m’irrite et me peine.
TEXTE B : Jean de La Fontaine, « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », Fables, livre I, 6.
La Génisse, la Chèvre, et leur soeur la Brebis,
- Avec un fier Lion, Seigneur du voisinage,
- Firent société1, dit-on, au temps jadis,
- Et mirent en commun le gain et le dommage.
- 5 Dans les lacs2 de la Chèvre un cerf se trouva pris.
- Vers ses associés aussitôt elle envoie.
- Eux venus, le Lion par ses ongles3 compta,
- Et dit : « Nous sommes quatre à partager la proie.»
- Puis en autant de parts le cerf il dépeça ; 1
- 0 Prit pour lui la première en qualité de Sire :
- « Elle doit être à moi, dit-il, et la raison, C’est que je m’appelle Lion :
- À cela l’on n’a rien à dire.
- La seconde, par droit, me doit échoir4 encor :
- 15 Ce droit, vous le savez, c’est le droit du plus fort.
- Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
- Si quelqu’une de vous touche à la quatrième,
- Je l’étranglerai tout d’abord. »
1 Firent société : s’allièrent. 2 Lacs : cordons lacés pour tendre un piège. 3 Par ses ongles : avec ses griffes. 4 Me doit échoir : doit me revenir.
- TEXTE C : Paul Verlaine, « L'enterrement », Poèmes saturniens
- Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
- Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
- La cloche, au loin, dans l’air, lançant son svelte trille1,
- Le prêtre en blanc surplis2, qui prie allègrement,
- 5 L’enfant de choeur avec sa voix fraîche de fille,
- Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement,
- S’installe le cercueil, le mol éboulement
- De la terre, édredon du défunt, heureux drille3,
- Tout cela me paraît charmant, en vérité ! 10
- Et puis, tout rondelets, sous leur frac4 écourté,
- Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,
- Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
- Et puis, coeurs élargis, fronts où flotteune gloire,
- Les héritiers resplendissants !
1 Trille : note musicale, sonorité qui se prolonge.
2 Surplis : vêtement à manches larges que les prêtres portent sur la soutane.
3 Drille : homme jovial.
4 Frac : habit noir de cérémonie.
TEXTE D : Arthur Rimbaud, « A la musique », Poésies
Place de la Gare, à Charleville.
- Sur la place taillée en mesquines pelouses,
- Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
- Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
- Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses. 5 –
- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
- Balance ses schakos1dans la Valse des fifres :
- – Autour, aux premiers rangs, parade le gandin2 ;
- Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
- Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
- 10 Les gros bureaux3 bouffis traînent leurs grosses dames
- Auprès desquelles vont, officieux cornacs4,
- Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
- Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
- Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme, 15
- Fort sérieusement discutent les traités,
- Puis prisent en argent5, et reprennent : "En somme !..." Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
- Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
- Savoure son onnaing6 d'où le tabac par brins 20 Déborde – vous savez, c'est de la contrebande ;
- – Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
- Et, rendus amoureux par le chant des trombones, Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious7
- Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
- – Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
- Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
- Elles le savent bien ; et tournent en riant,
- Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes. Je ne dis pas un mot : je regarde toujours 30
- La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
- Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
- Le dos divin après la courbe des épaules. J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- – Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres. 35 Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- – Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...
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1 Schakos : coiffure militaire rigide. 2 Gandin : jeune élégant plus ou moins ridicule. 3 Bureaux : personnes qui travaillent dans les bureaux. 4 Cornacs : au sens premier, conducteur d’éléphant.
I – Vous répondrez d’abord à la question suivante (4 points) :
En quoi les quatre textes du corpus relèvent-ils de la poésie satirique ?
Objet d’étude : Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen Age à nos jours
Eléments de corrections : la question du corpus
Nous avons un corpus de quatre poèmes :
la poésie de Rimbaud fait une peinture des bourgeois de Charleville de façon très satirique Le sonnet de Verlaine au contrait est un éloge de l'enterrement La fable de La Fontaine dénonce les dangers de s'associer aux Grands Du Bellay dans son sonnet fait une satire des courtisans Le dénominateur commun de ces quatre poésies est la satire. Les poètes critiquent en ridiculisant : il s'agit donc de poésie satirique. Chez Rimbaud, la satire des bourgeois de Charleville est une peinture humoristique, il met en avant le ridicule de ces bourgeois. Les figures de style comme les métaphores, « officieux cornacs « ou encore les hyperboles renforcent l'aspect comique de la satire. La parole est en outre donnée aux bourgeois afin d'accentuer de manière ironique les ridicules de cette classe sociale. L'état d'esprit du poète est ironique, cela se traduit par la prise de parole : « Et reprennent : « En somme... c'est de la contrebande ». La satire chez La Fontaine se traduit par l'intermédiaire des arguments du lion. Ces derniers ne sont que tromperies diverses cachant le recours à la force. Les pseudo-arguments du lion sont ainsi dénoncés de façon explicite. Les comportements ridicules sont satiriquement critiqués chez Du Bellay. Vices et ridicules dans l'imitation des courtisans « ils feront pareil » visant ainsi la reproduction de la gestuelle du roi. L'aspect grotesque et ridicule de la situation est encore sous-jacente par les contradictions évoquées dans les figures de rhétorique comme les antithèses. « ils vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ». Enfin la bouffonerie des ces gens sans identité qui cherchent à reproduire la pâle copie du comportement royale est suggérée par l'épigramme : rire pour faire comme le roi : « Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite, C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite, Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi. » Enfin, Verlaine se distingue des trois autres poètes dans les sens où il fait un éloge mais un éloge paradoxal qui est en fait une dénonciation : Il procède en faisant la peinture élogieuse d'un sujet qui au contraire devrait susciter le dégoûr. La satire est dans ce contraste.
ÉCRITURE
1. Commentaire :
Vous ferez le commentaire du texte de Paul Verlaine, « L'enterrement » (texte C).
2. Dissertation :
Dans quelle mesure la poésie est-elle un genre efficace pour présenter une critique de la société ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.
3. Invention :
Vous imaginerez un dialogue entre deux critiques littéraires au cours d'un débat sur la poésie. L'un pense que la poésie doit être utile et éveiller l'esprit critique du lecteur ; l'autre estime que l'on ne saurait la réduire à cette seule fonction. Chacun des points de vue devra comporter plusieurs arguments, illustrés par des références précises à des poèmes.