•Questions sur corpus corrigées, EAF, série littéraire, objet d'étude,l 'épistolaire, Voltaire, Sévigné
- Le 24/02/2017
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Questions sur corpus corrigées, EAF, série littéraire, objet d'étude,l 'épistolaire, Voltaire, Sévigné
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Questions sur corpus corrigées, EAF, série littéraire, objet d'étude,l 'épistolaire, Voltaire, Sévigné
Série littéraire
Objet d’étude : l’épistolaire
TEXTES
- A. Guilleragues [1628-1685], Lettres portugaises, quatrième lettre, 1669.
- B. Madame de Sévigné [1626-1696], Correspondance, 5 octobre 1673.
- C. Voltaire [1694-1778], Correspondance, 18 décembre 1752.
A. Présentation du sujet
La confrontation de ces trois textes, couvrant une période de deux siècles correspondant à
l’âge d’or de l’épistolaire, présente un triple intérêt problématique car elle permet de dégager
certains enjeux paradoxaux du genre.
- La diversité du genre
Un roman épistolaire (texte A) où la lettre est un gage d’authenticité et joue sur la frontière
réel/fiction ; une lettre authentique (texte B) et une lettre adressée autant à son destinataire
réel, d’ailleurs fort effacé, qu’à la postérité (texte C).
- Place du lecteur-destinataire dans la lettre
(Réflexion amorcée à partir des questions initiales et qui offrent des pistes intéressantes
pour traiter les trois sujets). Un bref repérage des marques de l'énonciation permet de
distinguer plusieurs fonctions de l’écriture épistolaire.
Le texte C est sans doute davantage écrit pour la postérité (références à L’Encyclopédie)
comme le suggère la rareté des occurrences désignant le destinataire de la lettre. Un tel
déséquilibre souligne les ambivalences profondes de l’échange épistolaire. A rapprocher de la
lettre ouverte et de l’écriture comme arme dans le combat des philosophes.
Le texte B semble plus classique et atteint une sorte d’équilibre entre les marques du « je »
et celle du « vous » ; ce qui laisse à penser que la lettre fonctionne d’une part comme l’aveu
lyrique du manque (dimension d’introspection), d’autre part comme tentative d’incarner l’absent,
de le rendre présent à travers l’acte même de l’écriture. La lettre remplit pleinement une
fonction de catharsis.
Le texte A présente l’écart le plus grand et souligne la parenté de la lettre avec le journal
intime (une sorte « d’autobiographie morale fragmentée » selon Fumaroli) puisque le moi
scripteur finit par prendre une place prépondérante, se livrant à une introspection du moi intime,
le destinataire n’étant alors perçu que comme une écoute privilégiée. La lettre, par nature
dialogale ou dialogique, se fait ici miroir narcissique et tourne au monologue, au lamento où
l’autre finit par n’être qu’une altérité fantasmée.
- La lettre mise en abyme en tant qu’objet
Il est remarquable que les trois lettres, à des degrés différents, fassent mention de l’objet
lettre afin d’en souligner les enjeux paradoxaux. Le problème de la transparence et de
l’hypocrisie est posé à la fin du texte C. Le texte B (ligne 26) montre la vanité de l’écriture
épistolaire qui tente d’abolir la distance et de rendre présent l’absent alors que paradoxalement
c’est cette absence même qui est le moteur premier de la communication épistolaire. Quant au
texte A, en montrant que l’envoi de la lettre et sa réception restent secondaires, il confirme la
parenté de l’épistolaire avec le journal intime.
B. Questions
Analysez la place qui est dévolue au destinataire dans chacune de ces lettres.
Quel est d’après vous l’enjeu de chaque lettre ?
Proposition de corrigé
L’originalité de chaque missive s’affiche dans la manière dont la lettre, expression du moi,
crée non seulement un message mais dessine également la figure du destinataire. Les trois
lettres offrent chacune un rapport spécifique au récepteur de la lettre. Dans le texte de
Guilleragues, la présence du destinataire est explicite à travers un ensemble de questions,
d’apostrophes, d’ordres, qui confère à l’amant un caractère tangible (on pourrait parler de
dimension performative du langage ; un énoncé performatif est un énoncé qui accomplit l’acte
qu’il énonce) ; la lettre affirme par ailleurs l’omniprésence d’un moi qui se livre au lecteur. Le
texte de Madame de Sévigné atteint une sorte d’équilibre entre les marques du « je » et celles
du « vous » ; la lettre fait l’aveu du manque, mais simultanément elle comble par l’acte d’écrire
l’absence du destinataire chéri. Le texte de Voltaire se caractérise par la rareté des occurrences
désignant le destinataire de la lettre ; la lettre perd ici son caractère privé et intime.
Dans le roman épistolaire de Guilleragues, la lettre s’apparente au journal intime ; elle
permet au destinataire de livrer son moi profond sous la forme dialogale du lamento. La lettre
de Madame de Sévigné - correspondance réelle inscrite dans les conventions sociales du
XVIIème siècle - permet d’exprimer dans une parole mi-publique mi-privée la souffrance de la
séparation, mais dans le même temps de l’objectiver et donc de l’épurer. Le texte de Voltaire
utilise la lettre pour mener une véritable explication des conventions de la vie de cour. Voltaire
dénonce le mensonge des mots et inscrit sa lettre bien au delà d’une communication privée ; il
vise le combat philosophique et d’une certaine façon la postérité.