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   Les sujets tombés au baccalauréat de philosophie : Pondichéry, bac 2018

Sujets de la série ES

Terminale ES 

Sujets de la série ES au choix 

 

Dissertation 1 - Doit-on attendre de la technique qu’elle mette fin au travail ?

Dissertation 2  - Peut-on vivre sans morale ?

Commentaire - Auguste COMTE, Opuscules de philosophie sociale

Sujet n°3

Expliquer le texte suivant :

Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu’eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n’appartient qu’à eux d’avoir une opinion à ce sujet. Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d’admettre ce principe, qui, effectivement considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde. Car les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d’avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie. Une condition capitale pour un publiciste1 qui veut se faire des idées politiques larges, est de s’abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur ? Mais on est tombé, à cet égard, d’un excès dans un autre. En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s’ériger en législateur. Il est singulier que les hommes jugent impertinent de prétendre savoir la physique ou l’astronomie, etc., sans avoir étudié ces sciences, et qu’ils croient en même temps que tout le monde doit savoir la science politique, et avoir une opinion fixe et tranchante sur ses principes les plus abstraits, sans qu’il soit nécessaire d’avoir la peine d’y réfléchir, et d’en avoir fait un objet spécial d’étude. Cela tient à ce que la politique n’est point encore une science positive : car il est évident que, quand elle le sera devenue, tout le monde comprendra que, pour la connaître, il est indispensable d’avoir étudié les observations et les déductions sur lesquelles elle sera fondée.

Auguste COMTE, Opuscules de philosophie sociale

 

BAC PONDICHERY – philosophie – sujets ES

 

Sujet 1 : peut-on vivre sans morale ?

Les distinctions conceptuelles qu’il nous faudra travailler dans notre dissertation :

Possible // souhaitable

Vivre // exister // agir

Morale = devoir + volonté

Le questionnement s’organise autour de la possibilité de mener une vie humaine sans les fondements de la morale.

Reformulation : l’homme est-il capable d’exister sans la morale ?

Problématisation : attention à bien utiliser la polysémie du « peut-on » : est-ce possible ; est-ce souhaitable ? Le sujet suggère d’une part que la vie sans la morale est possible ; de l’autre, qu’elle n’est peut-être pas souhaitable. Il soulève les questions suivantes :

Quel est le rôle de la morale dans la vie humaine ? Pourquoi vivre selon la morale ?

La morale est-elle nécessaire ? Est-elle-même possible ?

Plan possible

I- Oui, il est tout à fait envisageable que l’homme existe en se passant de la morale.

A/ Je peux exister sur terre en faisant le mal. La simple existence des criminels permet de voir qu’on peut, jusqu’à un certain point, vivre sans faire le bien.

B/ il est très difficile de vivre avec la morale. Je peux très bien vouloir vivre selon la morale mais ne pas y arriver au plus profond de moi. Il ne suffit pas de vouloir être bon pour l’être : la volonté n’est jamais libre, mais toujours déterminée (Spinoza).

C/ La morale n’existe pas. Pour Nietzsche, les valeurs « morales » sont créées par le ressentiment de ce qu’il appelle les esclaves. La volonté de puissance, qui est la vie, est quant à elle volonté de dominer avant tout. On peut vivre sans morale puisque la vie n’est pas morale mais puissance.

II- Vivre sans la morale semble possible, mais ce n’est pas souhaitable.

A/ C’est en voulant vivre selon le bien que j’apprends à le faire. Epictète nous dit que c’est par la volonté de ma liberté intérieure que je domine le tyran : il semble nécessaire d’au moins chercher à vivre selon la morale.

B/ Vivre sans la morale, c’est vivre sans la société. La société est fondée sur un partage des mêmes valeurs morales : qui décide impunément de ne pas vivre selon ces valeurs, érigées en lois, sera au mieux mis à l’écart, au pire jeté en prison. La société ne peut se faire qu’ensemble, par l’acquiescement de toutes les volontés particulières pour fonder la volonté générale (Rousseau).

III- Je peux exister sans la morale ; mais je ne peux pas vivre sans elle.

A/ La morale est au fondement de la vie et de la liberté humaine. On peut voir avec Kant que le devoir trouve son origine dans l’autonomie de la personne. C’est dans ma volonté libre (autonomie) que je trouve mon devoir, et ensemble ils fondent la morale qui me permet de vivre en suivant les impératifs catégoriques et pratique, c’est-à-dire suivant le respect de la personne humaine.

B/ Je me réalise comme homme en suivant le bien. La philosophie antique prône ainsi de faire ce qui doit être : c’est de cette manière qu’on peut être homme, c’est-à-dire citoyen, juste, bon.

C/ Vivre selon la morale est la condition pour accéder au bonheur. La morale est une doctrine qui nous permet d’être dignes du bonheur (Kant). Or n’est-ce pas la consécration même d’une vie humaine que de parvenir au bonheur, ou tout du moins de le chercher ?

 

Sujet 2 : doit-on attendre de la technique qu’elle mette fin au travail ?

Les distinctions conceptuelles qu’il nous faudra travailler dans notre dissertation :

Travail // technique

Liberté // aliénation

Nécessaire // souhaitable // possible

Le questionnement s’organise donc autour des possibles risques de la technique sur la liberté et la responsabilité humaine.

Reformulation : faut-il vouloir que la technique permette aux hommes de ne plus travailler ?

Problématisation : il faut veiller à bien utiliser le « doit-on », polysémique, qui permet de faire jouer les différents niveaux de réflexion : doit-on c’est-à-dire est-ce nécessaire, mais également : est-ce souhaitable ? Est-ce même possible ?

Le sujet suggère d’une part que la technique peut effectivement mettre fin au travail (c’est-à-dire au travail humain), et que l’homme doit pouvoir attendre d’elle qu’elle le fasse. D’autre part la forme interrogative du sujet suggère que la réponse n’est pas si évidente, et il conviendra d’interroger ce postulat de départ. Il soulève les questions suivantes :

La technique est-elle dangereuse ?

La technique peut-elle libérer l’homme ou ne fait-elle que l’asservir ?

Quel est le rôle du travail pour l’homme ?

Plan possible

I- Il faut vouloir que la technique permette à l’homme de ne plus travailler

A/ La technique à l’origine de l’humanité. Comparé aux autres animaux l’homme est assez mal pourvu par la nature : il n’a ni griffes, ni plumes, ni fourrure, ni bec etc. Le mythe de Prométhée exposé dans le Protagoras de Platon présente ainsi l’apparition de la technique (le feu) comme une compensation de sa plus faible nature : l’homme survit grâce à sa capacité à maîtriser la technique.

B/ La technique est le propre de l’homme, alors que le travail l’aliène. Selon Bergson, l’homme est d’abord un technicien qui se distingue de l’animal en créant des outils. A l’inverse, le travail aliène. Le travail, de plus en plus mécanique, dévalorise et asservit l’ouvrier : il faut donc que l’homme sorte du travail par et pour la technique.

C/ La technique permet à l’homme d’accroître son pouvoir et sa liberté. C’est par la technique que l’homme peut se rendre « comme maître et possesseur de la nature », selon la célèbre affirmation de Descartes.

II- Il est dangereux d’attendre de la technique qu’elle mette fin au travail

A/ La technique correspond à la « fin essentielle et existentielle de l’homme » (Jonas). Trop de technique dans le travail n’est pas libérateur mais abrutissant. Or travailler sans plaisir est absurdité. Pour Nietzsche par exemple, mieux vaut mourir que travailler sans plaisir.

B/ La technique dépasse l’homme. L’homme devient l’instrument de sa propre technique. Hegel et Marx théorisent tous les deux l’aliénation du travailleur : l’objet acquiert une indépendance vis-à-vis de lui. Par la technique le travail dépasse l’homme pour mieux le dominer.

C/ La technique dans le travail déshumanise. La machine est complètement disproportionnée à l’existence humaine, et exige un supplément d’âme : c’est la thèse de Bergson. Or ne conserver que la technique sans le travail, c’est déshumaniser la technique, et par là-même déshumaniser l’homme.

III- Toutefois il semble que même si l’homme le souhaitait, la technique ne pourrait pas mettre fin au travail.

A/ La liberté humaine. L’homme est un « faire » libre qui n’existe que par la réalisation de son projet, que par ses œuvres (Sartre). Il ne peut donc pas se départir du travail, sans lequel il n’existe pas vraiment.

B/ La technique est certes conditionnante, mais pas déterminante. Il n’appartient qu’à l’homme de faire attention à ne pas se laisser dépasser par la technique, en adoptant le principe de responsabilité par exemple (Jonas).

C/ La technique est avant tout humaine. « L’essence de la technique n’a rien de technique » nous dit Heidegger. La technique ne pourra jamais gagner une autonomie nécessaire pour que l’homme n’ait plus besoin de travailler ; il faudra toujours des hommes pour concevoir les machines !

 

Sujet 3 : explication de texte.

Texte d’Auguste Comte discutant de la prétention des hommes à connaître la politique.

Distinctions conceptuelles :

Théorie / pratique

Science positive (« dure ») / sciences sociales (« molles »)

Gouvernants / gouvernés

Problématique : pourquoi les hommes pensent-ils tout savoir de la politique ?

Plan : le texte se divise en deux parties, correspondant aux deux paragraphes. Il faut faire attention dans le cas d’un commentaire de texte à bien respecter le mouvement du texte étudié, et à ne surtout pas essayer à tout prix de le découper en trois parties. Certains textes s’y prêtent, d’autres pas du tout.

I- (paragraphe 1) Les gouvernants et les gouvernés : d’absurdes prétentions

A/ (du début à « tout à fait absurde) : une prétention partagée par gouvernants et gouvernés. Comte nous montre que les gouvernants comme les gouvernés pensent être les plus aptes à comprendre la politique et à raisonner sur elle, et qu’ils sont par conséquents les seuls légitimes à avoir une opinion dessus. Comte remet déjà cette idée en question, qu’il considère comme « absurde ». La structure du texte ici (parallélisme) met en avant le fait que cette prétention est absurde des deux côtés.

B/ la théorie et la pratique (de « Car les gouvernants » à « acteur et spectateur ». L’auteur explique l’absurdité de la prétention à tout savoir de la politique : on ne peut pas être à la fois acteur et spectateur, dans la théorie et dans la pratique. Autrement dit on ne peut pas à la fois exercer le pouvoir et raisonner sur lui ; mais d’un même mouvement on ne peut pas raisonner sur le pouvoir tout en l’exerçant (exemple du publiciste).

C/ l’absurde excès (de « mais on est tombé » à « législateur »). On tombe alors dans un nouvel excès : les gens pensent, ce qui est tout aussi ridicule que le reste, que puisque les gouvernants ne disposent pas du monopole du savoir politique, tout le monde peut se former à ce savoir.

II- Les raisons du problème (paragraphe 2)

Comte va alors s’atteler à montrer pourquoi les gouvernants comme les gouvernés se font des idées ridicules sur le savoir politique : c’est parce que la politique n’est pas considérée comme une science positive au même titre que les mathématiques ou la biologie par exemple. Les gens pensent donc qu’elle est facile d’accès, alors même qu’elle nécessite une étude et un apprentissage tout aussi rigoureux que les mathématiques, la physique ou la chimie. L’auteur plaide pour une nouvelle perception de la politique afin qu’elle soit mieux étudiée, donc mieux comprise, donc mieux exercée.

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Date de dernière mise à jour : 20/04/2021

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