J. Fourastié : pourquoi travaillons-nous? Révisions bac philo, séquence culture, le travail
Pourquoi travaillons nous ? Jean Fourastié Une certaine conception du monde place dans le passé l'âge d'or de l'humanité. Tout aurait été donné gratuitement à l'homme dans le paradis terrestre, et tout serait au contraire pénible et vicié de nos jours. Jean-Jacques Rousseau a donné une couleur populaire et révolutionnaire à cette croyance, qui est restée vive au cœur de l'homme moyen : ainsi l'on entend parler de la vertu des produits «naturels» et bien des Français croient que la vie d'autrefois était plus «saine» qu'aujourd'hui. En réalité, tous les progrès actuels de l'histoire et de la préhistoire confirment que la nature naturelle est une dure «.marâtre pour l'humanité. Le lait «natureirdes vaches «natu- relles» donne la tuberculose, et la vie «saine» d'autrefois fai- sait mourir un enfant sur trois avant son premier anniversaire. Et des deux qui restaient, dans les classes pauvres, un seul dépassait, en France encore et vers 1800, l'âge de 25 ans. A une humanité sans travail et sans technique, le globe terrestre ne donne qu'une vie limitée et végétative : quelques centai- nes de millions d'individus subsistant animalement dans quel- ques régions subtropicales. Toutes les choses que nous consommons sont en effet des créations du travail humain, et même celles que nous jugeons en général les plus «naturelles» comme le blé, les pommes de terre ou les fruits. Le blé a été créé par une lente sélection de certaines graminées; il est si peu «naturel» que si nous le livrons à la concurrence des vraies plantes naturelles, il est immédiatement battu et chassé; si l'humanité disparaissait de la surface du sol, le blé disparaîtrait moins d'un quart de siècle après elle ; et il en serait de même de toutes nos plantes «cultivées», de nos arbres fruitiers et de nos bêtes de boucherie; toutes ces créations de l'homme ne subsis- tent que parce que nous les défendons contre la nature ; elles valent pour l'homme; mais elles ne valent que par l'homme. A plus forte raison, les objets manufacturés, des textiles au papier et des montres aux postes de radio, sont des produits artificiels, créés par le seul travail de l'homme. (...) En réalité, la seule planète que nous connaissons, celle sur laquelle nous sommes, sans trop savoir pourquoi ni même s'il y en a d'autres moins inhumaines, est assez peu adaptée à nos aspirations, à nos facultés d'agir, à nos besoins. Elle satisfait libéralement et sans travail à un seul de nos besoins essentiels : la respiration. L'oxygène est le seul produit naturel qui satisfasse entièrement et parfaitement l'un des besoins de l'homme. Pour que l'humanité puisse subsister sans travail, il faudrait donc que la nature donne à l'homme tout ce dont il éprouve le besoin comme elle lui donne l'oxygène. (L'eau, il faut déjà la puiser, la pomper et souvent la filtrer.) Nous travaillons pour transformer la nature naturelle qui satisfait mal ou pas du tout les besoins humains, en éléments artificiels qui satisfassent ces besoins. (...) On appelle économiques toutes les activités humaines qui ont pour objet de rendre la nature ainsi consommable par l'homme. (...) La science économique est celle qui a pour objet la production, la consommation et l'échange de biens ou de services rares. 1 J. Fourastié, Pourquoi travaillons-nous? P.U.F., 1959 1- Quelle est la thèse soutenue par Fourastié dans ce texte? Quels arguments: invoque-t-il pour défendreson point de vue? Son argumentation 'vous paraît-elle convaincante? Pourquoi ? 2- Quelle définition de l'activité économique se dégage de ce texte? Donner des exemples d'activités qui vous paraissent avoir un caractère économique? Correspondent-elles à la définition de Jean Fourastié ? 3- Certains economistes ajoutent aux domaines cités par Jean Fourastié les problèmes relatifs à la répartition des biens. Citez ces problèmes. En quoi vous paraissent-ils économiques ? |
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Date de dernière mise à jour : 28/07/2021