Maupassant, Pierre et Jean, ch.1 à l'oral

 

ORAUX EAF

 

 

Maupassant: Pierre et Jean - Chapitre 1

*** Oral préparé 

Texte :

Mais une vague jalousie, une de ces jalousies dormantes qui grandissent presque invisibles entre frères ou entre sœurs jusqu’à la maturité et qui éclatent à l’occasion d’un mariage ou d’un bonheur tombant sur l’un, les tenait en éveil dans une fraternelle et inoffensive inimitié. Certes ils s’aimaient, mais ils s’épiaient. Pierre, âgé de cinq ans à la naissance de Jean, avait regardé avec une hostilité de petite bête gâtée cette autre petite bête apparue tout à coup dans les bras de son père et de sa mère, et tant aimée, tant caressée par eux.
Jean, dès son enfance, avait été un modèle de douceur, de bonté et de caractère égal ; et Pierre s’était énervé, peu à peu, à entendre vanter sans cesse ce gros garçon dont la douceur lui semblait être de la mollesse, la bonté de la niaiserie et la bienveillance de l’aveuglement. Ses parents, gens placides, qui rêvaient pour leurs fils des situations honorables et médiocres, lui reprochaient ses indécisions, ses enthousiasmes, ses tentatives avortées, tous ses élans impuissants vers des idées généreuses et vers des professions décoratives.
Depuis qu’il était homme, on ne lui disait plus : « Regarde Jean et imite-le ! » mais chaque fois qu’il entendait répéter : « Jean a fait ceci, Jean a fait cela, » il comprenait bien le sens et l’allusion cachés sous ces paroles.

 

Maupassant: Pierre et Jean - Chapitre 1

1) Quel sens donner au texte? Que faut-il comprendre?

L'accent dans ce passage est mis sur la jalousie d'un des frères : Pierre. Elle est perçue comme étant son défaut majeur mais c'est aussi une loi naturelle entre les deux frères ainsi que le suggère le présent de vérité générale.

"Mais une vague jalousie, une de ces jalousies dormantes qui grandissent " = le "Mais" introduit cette notion de jalousie comme un problème et le lecteur comprend que le narrateur l'explique sur la base d'une note morale. Elle sera présente tout au long du roman. Notons que la première phrase d'une longueur certaine permet de présenter l'évolution de la jalousie jusqu'à l'inimitié ou encore hostilité. La relation entre les deux frères repose exclusivement sur une jalousie dont l'oxymore "fraternel et inoffensif inimitié" souligne l'ambiguité. Nous avons en outre une opposition qui renforce ce rapport paradoxal : " Certes ils s'aimaient, mais ils s‘épiaient "

Il y a une analepse, passage au passé puis une prolepse qui permet à Maupassant de suggérer la suite de l'histoire. La focalisation est interne, c'est-à-dire que Jean est vu par Pierre, on peut à cet égard citer l'anaphore "et tant aimée, tant caressée par eux. "

Le portrait de Jean fait par le narrateur est flatteur, il représente la douceur la bonté et la bonne humeur mais son frère Pierre contredit ce portrait psychologique "Jean, dès son enfance, avait été un modèle de douceur, de bonté et de caractère égal ; et Pierre s’était énervé, peu à peu, à entendre vanter sans cesse ce gros garçon dont la douceur lui semblait être de la mollesse, la bonté de la niaiserie et la bienveillance de l’aveuglement". Pierre contrairement à ses parents ne considère pas Pierre comme un modèle.

La très nette préférence des parents pour Pierre transparaît dans ce passage et se trouve mises en avant par le dialogue au style direct : " Regarde Jean et imite le" ou encore "Jean a fait ceci, Jean a fait cela "

2) Les éléments naturalistes : Quels sont-ils? 

Quels sont les éléments naturalistes? Maupassant concernant la jalousie tente de donner une explication psychologique. Pierre a un caractère très jaloux, il subit et est dominé par ses passions : il ne semble pas toujours se contrôler et sa perte de contrôle se traduit dans la phrase suivante : "ses indécisions, ses enthousiasmes, ses tentatives avortées, tous ses élans impuissants". En tant que fils illégitime, il ressemble malgré tout aux parents et remplit un rôle essentiel dans l'histoire. Par conséquent l'aspect psychologique domine dans l'étude de la jalousie - Maupassant remonte à la quête des origines. Il nous fait un portrait très précis puisque ce caractère est tel depuis ses "cinq ans, à la naissance de jean", "Dès son enfance", il perdure jusqu'à l'âge adulte "Depuis qu'il était homme".

L'aspect social permet à Maupassant de montrer que Jean a reçu une autre éducation. Il a un caractère bien formé, d'humeur égale. Sa nature a été forgée par une éducation : donc autre élément naturaliste, l'explication par l'élément social. Un milieu social est en cause ici qui permet de rendre compte du personnage. On peut souligner la phrase " Ses parents, gens placides, qui rêvaient pour leurs fils des situations honorables et médiocres, " car elle est d'une importance capitale : elle fait comprendre au lecteur l'état d'esprit sans grandeur et sans idéal des parents faisant de Pierre un être à part.

3) Une dimension autre : La nature humaine

Nous retrouvons donc les tentatives d'explications psychologiques et sociales donc rationnelles du naturalisme mais il y a en outre une autre dimension dans le texte.

La nature humaine est en cause et plus particulièrement, son aspect sombre, son animalité, sa violence = " une hostilité de petite bête gâtée cette autre petite bête " = l'homme a une nature qu'il faudrait prendre le temps d'analyser car elle pousse à commettre quelques contradictions et actes violents et bestiaux. L'homme subit sa nature.

Ainsi nous dépassons le stade de la jalousie dont on peut rendre compte à deux niveaux, psychologique et social. Par la personnification "ces jalousies dormantes qui grandissent", la jalousie prend possession de l'homme avec une grande violence et sa puissance est telle qu'elle grandit "presque invisible" comme une force du mal à l'intérieur de l'homme. On peut anticiper et mettre en place le thème de la folie.

 

CONCLUSION :

Cette scène est essentielle car c'est une scène de présentation propre au naturalisme. Cependant nous mettrons en avant la connotation philosophique très forte et sa réflexion possible sur la nature humaine suggérées par la présence d'une jalousie excessive du personnage.

 

Questions sur le commentaire :

*** Toutes les réponses aux questions sont dans le commentaire

I -

Sur quel argument repose l’explication du narrateur tout au long du roman? Citez pour justifier votre réponse

Que souligne le présent généralisant « la jalousie est une loi naturelle… »

Comment la progression de la jalousie se traduit-elle?

Relevez un oxymore et analysez le

Relevez l’analepse, la prolepse

Avons-nous une focalisation intérieure? Expliquez et justifiez votre réponse

Comment le narrateur décrit-il Jean?

Comment les parents considèrent-ils Jean?

Montez l’importance du langage dans ce passage

Analysez le dialogue au style direct qui souligne la préférence des parents pour Jean

II -

Quels sont les éléments naturalistes?

Relevez les éléments qui montrent que l’explication s’articule autour de la quête des origines, psychologiques et sociales

Que peut-on dire sur Pierre?

Que peut-on dire sur Jean?

Quelle est l’intention de Maupassant?

Relevez les termes péjoratifs

Relevez une antithèse

Comment Maupassant met-il Pierre en avant pour le rendre plus sympathique?

III -

Cet extrait n’a t’-il que des explications rationnelles propres au naturalisme?

Quelle autre dimension l’écriture suggère t’-elle?

Relevez une comparaison relativement à l’animalité

Qu’illustre t’-elle?

Comment le thème de la possession est-il mis en avant?

En quoi la jalousie n’est-elle plus une donnée psychologique?

Analysez la personnification qui en fait une puissance

Etudiez les manifestations de la folie à travers le personnage de Jean

Questions sur la conclusion

Cette scène est-elle importante? En quoi?

En quoi peut-on parler d’une dimension fantastique du texte?

Quelle image avons-nous de l’homme?

 
Quelques définitions :

 

Roman : long texte en prose la plupart du temps imagé où l'auteur cherche à éveiller l'intérêt par la peinture des moeurs, l'analyse des caractères et la singularité des aventures.
Le héros Le héros tragique : Il est exemplaire mais il doit affronter un destin où tout est perdu d'avance. Il est à la fois coupable et innocent alors la seule solution qui lui reste pour faire disparaitre ses malheurs est la mort.
Le héros problématique Le héros de roman : Le sens de sa vie a perdu son côté transparent. Il n'a pas de destin. Il n'a pas non plus de modèles de destin. Il ne sait pas pourquoi il vit et ne connait aucunement ses valeurs. Son moi est changeant et son être instable.
Anti héros : Personnage de fiction n'ayant pas les caractéristiques habituelles du héros
Naturalisme : Mouvement littéraire qu prolonge le réalisme et qui s'attache à peindre la réalité en s'appuyant sur un travail de documentation et de méthode du psychologiste.
 
 

Questions sur le roman :

 

  • Le roman et ses personnages : visions de l'homme et du monde, série de questions
  • 1. Donner une définition du roman.
  •  Le roman est, au XIIème siècle, un récit en vers français. A partir du XIVème siècle, le roman renvoie à des textes en prose. Selon son sens moderne, le roman est une « œuvre d’imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, nous fait connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures. »
  • 2. Quelles sont les différentes formes du roman ?
  •  Le roman de chevalerie et les fabliaux (de petites histoires en vers simples et amusants) au Moyen-âge
  •  Le roman comique au XVIIème
  •  Le roman épistolaire et le roman picaresque (dont le héros est un aventurier ou un vaurien) au XVIIIème
  •  Le roman historique, le roman de mœurs, le roman d’aventures, et le roman fantastique au XIXème
  •  Le roman policier, le roman de science-fiction, le roman analyse et le « nouveau roman » au XXème.
  • 3. Quelles sont les interrogations romanesques essentielles ?
  •  La passion amoureuse
  •  L’apprentissage du monde et la découverte du réel
  •  Le jeu de la mémoire et du temps
  •  L’interrogation devant la condition humaine.
  • 4. Quelles sont les fonctions du roman ?
  •  La fonction ludique (se divertir, s’évader, s’identifier…)
  •  La fonction didactique :
  • o le roman comme connaissance du monde (roman historique, roman social, roman témoignage…)
  • o Le roman comme connaissance de l’homme
  • o Le roman comme leçon (le roman engagé, la morale)
  • o Le roman comme interrogation
  • 5. Donner des exemples de romans à fonction didactique?.
  • Romans didactiques : Les lettres persannes de Montesquieu Les liaisons dangereuses de Laclos Le rouge et el noir de Stendhal
  • 6. Qu’est-ce que le schéma actantiel ?
  •  Le schéma actantiel s’applique parfois parfaitement à l’intrigue, et pour certaines œuvre, il ne coïncide que partiellement avec l’action. Les personnages principaux, qui ont une place importante dans le déroulement du récit (parmi eux, le héros) sont classés en deux catégories qui s’opposent :
  • o Les personnages adjuvants, qui aident le héros dans sa quête (de même, peuvent être adjuvants des objets, des évènements…)
  • o Les personnages opposants, qui sont en conflit avec le héros, et tentent de le mettre en échec.
  •  Le héros, entourés des personnages principaux, subit une épreuve principale avant d’atteindre son but.
  • 7. Comment la caractérisation des personnages est-elle réalisée ?
  •  Elle est directe pour les descriptions, les renseignements explicites sur l’identité du personnage
  •  Elle est indirecte quand il s’agit de déduire les traits de la personnalité du héros, de son comportement, ou ses paroles.
  •  On appelle « effet personnage » l’illusion de réalité que donne le roman, le lecteur assemblant mentalement au fil du récit des éléments dispersés qui construisent peu à peu le personnage. Pourtant, celui-ci n’est rien au départ.
  • 8. Quelles sont les fonctions des personnages dans un roman ? Représentation : le portrait des personnages donne au lecteur l’image d’une réalité.
  •  Symbole : Le personnage symbolise souvent toute une catégorie de personnes, il dépasse les perspectives individuelles.
  •  Interprétation : c’est à travers le personnage que se construit le sens du récit.
  •  Identification : les comportements d’un personnage peuvent influencer le lecteur qui a tendance à s’identifier à lui.
  •  Esthétique : il existe un art de la composition du personnage, et de le créer au fil du récit.
  •  Information : Le personnage transmet des indices, des valeurs au lecteur.
  • 9. Qu’est-ce qu’un héros ?
  •  Le personnage principal d'un roman est la personne sur laquelle sont fondée toute l'action, et toute la cohérence de l'histoire contée. Dans notre langage quotidien, nous appelons toujours le personnage principal le héros de l'histoire ; or le véritable héros est l'individu qui parvient à vaincre les difficultés et à régler les problèmes par l'intermédiaire de sa force, son pouvoir ou son intelligence. Les vrais héros de romans vivent de multiples aventures racontées dans de nombreux ouvrages, ils ont déjà des capacités ou des facultés particulières qui autorisent ces aventures. Le mot « héros » désigne à l’origine, un demi-dieu, qui accomplie des exploits, et incarne le courage et des valeurs moral. Cependant, il existe des personnages principaux appelés des antihéros.
  • 10. Qu’est-ce qu’un antihéros ?
  •  On peut distinguer quatre types principaux d’antihéros:
  • o le personnage « sans qualités », l’être ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire
  • o le héros « décalé », un personnage ordinaire, sans qualités, qui par les circonstances se trouve plongé dans une situation extraordinaire.
  • o le héros négatif, porteur de valeurs antihéroïques et en général antisociales, mais sans qualités « héroïques ».
  • o le héros déceptif, un personnage ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en fait pas usage ou les utilise mal ou à mauvais escient, ou qui tend à perdre ces qualités, ou enfin qui se trouve dans un cadre où ces qualités ne sont plus appréciées ou admises.
  • 11. Quelles sont les différents types de héros, et leurs caractéristiques ?
  •  Au XVIIème siècle, prédominent les héros raffinés des romans précieux, les héros joyeux des romans comiques, et les héros parfaits du roman classique.
  •  Au XVIIIème siècle, on assiste à la naissance du héros de roman moderne, avec les personnages entreprenants du réalisme, les héros hédonistes du roman libertin, les héros philosophes du roman des lumières, les héros sensibles des romans du courant pré-romantique.
  •  Au XIXème, le personnage idéalisé du roman romantique apparaît, ainsi que le héro moderne des romans réalistes, et le héro expérimental du roman naturaliste.
  •  Au XXème siècle, on retourne à des personnages forts (vers les années 30), ce sont des héros engagés, aux prises avec les conflits de leur temps. Dans les années 50, les personnages dans le nouveau roman sont remis en question, par exemple en rendant le personnage principal anonyme, ou en ne se focalisant pas sur un personnage principal.
  • 12. Qu’est –ce que la focalisation ?
  •  Pour raconter une histoire, on doit choisir un point de vue, la focalisation : le romancier décide qui perçoit les événements rapportés. (le mot « focalisation » est issu du vocabulaire photographique : c’est le foyer à partir duquel une photo est prise.
  • 13. Quels sont les différents points de vue utilisés dans un roman ?
  •  Le point de vue externe = perception « du dehors », sans connaître les pensées des personnages.
  •  Le point de vue interne = perception d’un seul personnage, dont on suit les pensées, les sensations.
  •  Le point de vue omniscient (ou focalisation zéro) = perception de l’ensemble des sentiments et des sensations de tous les personnages, ainsi que du passé et de l’avenir.
  • 14. Qu’est-ce que les modalités du récit ? Quelles sont-elles dans un roman ?
  •  Le temps romanesque n’est pas linéaire comme le temps réel : le récit peut accélérer ou ralentir l’action, revenir en arrière, s’arrêter brusquement. Les personnages ont dans le roman une vie plus ou moins complète, certains ne font que des apparitions épisodiques, la façon dont ils s’inscrivent dans le temps peut donc être importante dans l’étude du roman. Ce sont ces « effets » que l’on appelle modalités.
  •  La scène :  Elle est calquée sur les évènements.
  •  La pause : Comme son nom l’indique, c’est un arrêt du déroulement des évènements.
  •  Le sommaire : Les évènements sont énumérés ou résumés.
  •  Analepse : c’est un retour en arrière (qui provoque une pause dans le récit. Le temps n’avance plus, mais des renseignements qui font avancer le récit sont dévoilés.)
  •  Prolepse : anticipation du futur
  •  Ellipse : passage sous silence d’une période plus ou moins longue.
  •  Modalité itérative : action répétée une seule fois.
  • 15. Quelle est la structure du récit dans le roman ?
  •  Le récit romanesque est composé de :
  • o La situation initiale : définit le cadre de l'intrigue, met en place le lieu, l'époque, les personnages... le héros vit une situation d’équilibre.
  • o L’élément perturbateur : C'est l'élément qui fait basculer la situation du début, remet en cause l'état initial: rencontre, découverte, événement inattendu...
  • o Les péripéties : c’est une suite de transformations qui modifie la situation des personnages.
  • o L’élément de résolution : il annonce la résolution de l’intrigue. C’est le dénouement.
  • o La situation finale : Le personnage principal trouve une nouvelle situation d'équilibre, sur laquelle s’achève le roman/le récit.
  •  Ce modèle, à l'origine de toute invention narrative, peut être plus ou moins modifié; certaines étapes peuvent être difficiles à reconnaître, ou leur ordre changé. Mais retrouver et analyser ce schéma permet d'enrichir l'étude du roman.

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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