Analyse de Guernica, Picasso
- A consulter :
- Cours sur Guernica
- Etude et interprétation de Guernica
Guernica de Picasso
Guernica est une des œuvres les plus célèbres du peintre espagnol Pablo Picasso. Il la réalisa à la suite du bombardement de la ville de Guernica qui eut lieu le 26 avril 1937, lors de la guerre d'Espagne, et qui devint rapidement un symbole de la violence de la répression franquiste avant de se convertir en symbole de l'horreur de la guerre en général. Toile monumentale s'apparentant à un puzzle aux formes démantelées caractéristique du cubisme, elle est initialement commandée pour décorer le pavillon espagnol de l'Exposition universelle de Paris de 1937 et est exposée au musée de la Reine Sofia à Madrid. Elle a été peinte à Paris.
La peinture
Guernica est une peinture d'une taille imposante (349 x 776 cm)[1].
C'est une peinture d'histoire, à l'huile, exécutée en camaïeu de couleurs gris-noir barré de jaune et blanc car, tout en restant un choix artistique, Picasso a créé ce tableau grâce à la presse écrite, laquelle était encore en noir et blanc en 1937. Elle représente une scène de violence, de douleur, de mort et d'impuissance dont la cause n'est pas représentée explicitement dans la série des études préparatoires du premier jour (le 1er mai 1937) conservées au Musée de la Reine Sofia à Madrid : les flammes causées par les bombes ne sont pas encore présentes sur les toits des maisons et les premiers dessins semblent évoquer une simple querelle entre des chevaux et des taureaux qu'une femme, tendant au bout de son bras une lampe à pétrole, chasse de la place du village par ses cris. Une étude récente montrerait cependant que la toile achevée serait reliée dès ses premières esquisses aux travaux précédents de Picasso sur la Minotauromachie (1930-1937)[2] : le taureau présent sur le tableau n'étant plus que l'avatar du Minotaure et son regard celui du monstre mythique qui a joui de son forfait, le viol d'une jument qui représente symboliquement d'après Picasso lui-même, le peuple espagnol. Quand il aura connaissance au cours de la journée du premier mai 1937 des photographies de Guernica en flammes publiées par les journaux, il intègrera le bombardement dans son œuvre comme une conséquence de ce viol, idée première de la construction, en rajoutant par surimpressions successives, les effets désastreux que le machisme effréné peut avoir sur l'humanité : un cortège de massacres et de villes en flammes. Picasso qui aimait se comparer avant Guernica au Minotaure, monstre mythique aux appétits sexuels jamais assouvis, a su faire émerger à la perfection par le syncrétisme qu'il opère entre la vie intérieure de l'artiste et l'événement historique qui révolutionne sa conscience, la brisure de l'espace intime par l'intrusion du viol collectif.
« La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l'ennemi. »
— Picasso[3]
Le choix d'un effet global de noir et blanc évoque les photos de guerre : Picasso vivait en France depuis 1900 mais son cœur espagnol a été profondément choqué quand il a appris par la presse que Guernica avait été bombardée. Le noir et blanc du tableau résulte également des photographies prises lors de la longue élaboration de l'œuvre par la compagne de Picasso, Dora Maar, photographe surréaliste, qui apportait régulièrement au peintre dans son atelier de la rue des Grands-Augustins, les clichés des états successifs de l'œuvre[4]. Picasso consultait les états antérieurs de sa toile pour modifier la peinture par une nouvelle balance des blancs et des noirs pour que Guernica apparaisse comme un immense poster compréhensible par tous, dénonçant le crime contre l'humanité qui venait de se produire. Ainsi, dans le pavillon de la République espagnole de l'Exposition Universelle, Picasso put exposer une critique des totalitarismes qui étaient intervenus militairement dans la guerre d'Espagne, juste à côté de leurs pavillons monumentaux, instruments de leur propagande.
La figure centrale du tableau est un cheval blessé, une jument plus exactement, dont le corps est marqué par le viol. À gauche, une femme porte son enfant mort et hurle de douleur. Derrière elle, un taureau, impassible, image de la cruauté et de la force brutale. À droite du tableau, trois femmes désarticulées pleurent ou hurlent dont le personnage de la mère qui reprend le thème du Massacre des innocents de Nicolas Poussin. En fond de tableau, des formes géométriques sombres évoquent des immeubles effondrés. En bas, une tête d'homme et un bras coupé tient une épée brisée. Seule minuscule trace d'espoir, une main porte une toute petite fleur.
« La guerre d'Espagne est la bataille de la réaction contre le peuple, contre la liberté. Toute ma vie d'artiste n'a été qu'une lutte continuelle contre la réaction et la mort de l'art. Dans le panneau auquel je travaille et que j'appellerai Guernica et dans toutes mes œuvres récentes, j'exprime clairement mon horreur de la caste militaire qui a fait sombrer l'Espagne dans un océan de douleur et de mort. »
— Picasso
Historique de l'œuvre
La toile exprime toute l'horreur et la colère ressenties par Picasso à la suite du bombardement de Guernica. Sa réalisation commença le 1er mai 1937 à Paris, sous la commande du gouvernement républicain espagnol, pour être exposée le 25 mai, moins d'un mois après donc, au pavillon représentant l'Espagne lors de l'Exposition universelle de Paris de 1937. Après une période où elle fut présentée à travers le monde de 1937 à 1939 pour notamment lever des fonds pour les Républicains espagnols, la toile resta aux États-Unis (principalement au MoMA de New York) durant une quarantaine d'années en raison de l'entrée de l'Europe dans la Seconde Guerre mondiale et du refus catégorique de Picasso, engagé auprès du Parti communiste, que l'œuvre aille en Espagne tant qu'une démocratie n'y serait pas effective.
Cette œuvre est finalement arrivée en Espagne en 1981, après la mort de Franco en 1975. Elle est exposée au musée de la Reine Sofia à Madrid. Elle est le symbole fort de la fin de la dictature.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Picasso vivant rue des Grands-Augustins à Paris, reçut la visite d'Otto Abetz, l'ambassadeur nazi. Ce dernier lui aurait demandé devant une photo de la toile de Guernica (alors conservée à New York au MoMA) : « C'est vous qui avez fait cela ? », Picasso aurait répondu : « Non... vous »[5]. De plus aux visiteurs allemands des années 1940, il distribuait des photos de Guernica, les narguant d'un « Emportez-les. Souvenirs, souvenirs ! »[5].
Références
- Obras : Guernica [archive] sur www.museoreinasofia.es. Consulté le 22 mai 2012
- [1] [archive]
- Ressources documentaires - Académie de Nantes [archive]
- Quelques photographies sont reproduites dans l'ouvrage de Mary Ann Caws « Les Vies de Dora Maar », Thames & Hudson, Paris, 2000, p. 101, 104-105 et 108-109
- Picasso par Roland Penrose (1958), collection Champs chez Flammarion nº607 p393.
Pour aller plus loin
Date de dernière mise à jour : 01/08/2021