Voltaire, relation de la maladie...

 
ORAUX EAF
 
 
 
 

Deuxième partie de l'entretien : Relation de la maladie, de la confession, de la mort et de l'apparition de Jésuites de Voltaire

 
 
*** Entretien préparé 
 
 
Lecture du texte :
 
Ce fut le 12 octobre 1759 que frère Berthier(35) alla, pour son malheur, de Paris à Versailles avec frère Coutu, qui l’accompagne ordinairement. Berthier avait mis dans la voiture quelques exemplaires du Journal de Trévoux(36),pour les présenter à ses protecteurs et protectrices; comme à la femme de chambre de madame la nourrice, à un officier de bouche, à un des garçons apothicaires du roi, et à plusieurs autres seigneurs qui font cas des talents. Berthier sentit en chemin quelques nausées; sa tête s’appesantit: il eut de fréquents bâillements. « Je ne sais ce que j’ai, dit-il à Coutu, je n’ai jamais tant bâillé. — Mon révérend père, répondit frère Coutu, ce n’est qu’un rendu. — Comment! que voulez-vous dire avec votre rendu? dit frère Berthier. — C’est, dit frère Coutu, que je bâille aussi, et je ne sais pourquoi, car je n’ai rien lu de la journée, et vous ne m’avez point parlé depuis que je suis en route avec vous. » Frère Coutu, en disant ces mots, bâilla plus que jamais. Berthier répliqua par des bâillements qui ne finissaient point. Le cocher se retourna, et les voyant ainsi bâiller, se mit à bâiller aussi; le mal gagna tous les passants: on bâilla dans toutes les maisons voisines. Tant la seule présence d’un savant a quelquefois d’influence sur les hommes!
Cependant une petite sueur froide s’empara de Berthier. « Je ne sais ce que j’ai, dit-il, je me sens à la glace. — Je le crois bien, dit le frère compagnon. — Comment, vous le croyez bien! dit Berthier; qu’entendez-vous par là? — C’est que je suis gelé aussi, dit Coutu. — Je m’endors, dit Berthier. — Je n’en suis pas surpris, dit l’autre. — Pourquoi cela? dit Berthier. — C’est que je m’endors aussi », dit le compagnon. Les voilà saisis tous deux d’une affection soporifique et léthargique, et en cet état ils s’arrêtèrent devant la porte des coches(37) de Versailles. Le cocher, en leur ouvrant la portière, voulut les tirer de ce profond sommeil; il n’en put venir à bout: on appela du secours. Le compagnon, qui était plus robuste que frère Berthier, donna enfin quelques signes de vie; mais Berthier était plus froid que jamais. Quelques médecins de la cour, qui revenaient de dîner, passèrent auprès de la chaise; on les pria de donner un coup d’oeil au malade: l’un d’eux, lui ayant tâté le pouls, s’en alla en disant qu’il ne se mêlait plus de médecine depuis qu’il était à la cour. Un autre, l’ayant considéré plus attentivement, déclara que le mal venait de la vésicule du fiel, qui était toujours trop pleine; un troisième assura que le tout provenait de la cervelle, qui était trop vide.
Pendant qu’ils raisonnaient, le patient empirait, les convulsions commençaient à donner des signes funestes, et déjà les trois doigts dont on tient la plume étaient tout retirés, lorsqu’un médecin principal, qui avait étudié sous Mead(3 et sous Boerhaave(39), et qui en savait plus que les autres, ouvrit la bouche de Berthier avec un biberon, et, ayant attentivement réfléchi sur l’odeur qui s’en exhalait, prononça qu’il était empoisonné.
A ce mot tout le monde se récria. « Oui, messieurs, continua-t-il, il est empoisonné; il n’y a qu’à tâter sa peau, pour voir que les exhalaisons d’un poison froid se sont insinuées par les pores; et je maintiens que ce poison est pire qu’un mélange de ciguë, d’ellébore noire, d’opium, de solanum, et de jusquiame. Cocher, n’auriez-vous point mis dans votre voiture quelque paquet pour nos apothicaires? — Non, monsieur, répondit le cocher; voilà l’unique ballot que j’y ai placé par ordre du révérend père. » Alors il fouilla dans le coffre, et en tira deux douzaines d’exemplaires du Journal de Trévoux. « Eh bien, messieurs, avais-je tort? » dit ce grand médecin.
Tous les assistants admirèrent sa prodigieuse sagacité; chacun reconnut l’origine du mal: on brûla sur-le-champ sons le nez du patient le paquet pernicieux, et les particules pesantes s’étant atténuées par l’action du feu, Berthier fut un peu soulagé; mais comme le mal avait fait de grands progrès, et que la tête était attaquée, le danger subsistait toujours. Le médecin imagina de lui faire avaler une page de l’Encyclopédie dans du vin blanc, pour remettre en mouvement les humeurs de la bile épaissie: il en résulta une évacuation copieuse; mais la tête était toujours horriblement pesante, les vertiges continuaient, le peu de paroles qu’il pouvait articuler n’avaient aucun sens: il resta deux heures dans cet état, après quoi on fut obligé de le faire confesser.
Deux prêtres se promenaient alors dans la rue des Récollets: on s’adressa à eux. Le premier refusa: « Je ne veux point, dit-il, me charger de l’âme d’un jésuite, cela est trop scabreux: je ne veux avoir à faire à ces gens-là, ni pour les affaires de ce monde, ni pour celles de l’autre. Confessera un jésuite qui voudra, ce ne sera pas moi. » Le second ne fut pas si difficile. « J’entreprendrai cette opération, dit-il; on peut tirer parti de tout. »
Aussitôt il fut conduit dans la chambre où le malade venait d’être transporté; et comme Berthier ne pouvait encore parler distinctement, le confesseur prit le parti de l’interroger. « Mon révérend père, lui dit-il, croyez-vous en Dieu? — Voilà une étrange question, dit Berthier. — Pas si étrange, dit l’autre; il y a croire et croire: pour s’assurer de croire comme il faut, il est nécessaire d’aimer Dieu et son prochain; les aimez-vous sincèrement ? — Je distingue, dit Berthier. — Point de distinction, s’il vous plaît, reprit le confessant; point d’absolution si vous me commencez par ces deux devoirs. — Eh bien! oui, dit le confessé, puisque vous m’y forcez, j’aime Dieu, et le prochain comme je peux.
 
 
 

Analyse du texte :

Voltaire a été l'un des plus prolifiques philosophes du 18e siècle, époque des lumières, en devenant chef du parti philosophique. Grand défenseur de la tolérance religieuse, il écrivit de nombreuses oeuvres pour affirmer ses opinions dont "Relation de la maladie, de la confession, de la mort, et de l'apparition de Jésuites", parut en 1759. Le titre de ce texte nous annonce les étapes que le personnage principal va traverser. On peut alors penser que Voltaire va critiquer à travers ces étapes de la mort vues par les catholiques la religion, un thème qui lui est cher.

Annonce du plan.

 


Plan de l'étude :

  • I. Une relation. ( suppose le fait d'un récit réel )
  • II - Un texte satirique
  • III - la progression du récit

 

  • Problématique :
  • En quoi l'argumentation se met-elle au service de la dénonciation?

 

I. Une relation. ( suppose le fait d'un récit réel )

● Indices de réalité : Date précise "12 Octobre 1759", même année que l'écriture du texte, journal Trévoux ( réel )

● Contexte spécial : Paris, Versailles.

● Tableau de la cours ( beaucoup de personnel ), univers hiérarchisé. "frère Couture", "frère Berthier", des médecins de la cour, deux prêtres.

● Satire de la médecine de l'époque; les médecins ne veulent pas soigner n'importe qui, comme les jésuites.

● Référence à Mead et Boeurhaave dans un texte polémique : ces indices identifient clairement les cibles visées : l'ordre des jésuites, la cour, les médecins.

● C'est un pamphlet, court et virulent qui remet en cause l'ordre établi : les jésuites

● C'est un conte donc l'enchainement des faits est relativement rapide

L'intérêt est donc maintenu pour le lecteur par le narrateur.

Obstacle du récit : le diagnostic du médecin

 

Questions pour l'oral d'après le plan : les réponses sont dans le commentaire
 
I - Questionnaire
  • - Quel est le thème du texte à étudier?
  • - Relevez les indices de réalité
  • - Analysez le contexte
  • - Comment le tableau de la cour apparaît-il?
  • - Est-ce une satire de la médecine de l'époque?
  • - Citez pour justifier votre réponse
  • - Quelles sont les autres cibles visées?
  • - Montrez qu'il s'agit d'un pamphlet
  • - Avons-nous les caractéristiques du conte?
  • - Quel est l'obstacle du récit

 

II. Un texte satirique.

●Mise en scène:

Enchainement très rapide des faits; Berthier s'évanouit, les premiers médecins essayent de trouver le mal de Berthier en donnant des explications fantaisistes : "la vésicule du fiel, "la cervelle..était trop vide"

L'Etat du patient empire, vient alors l'arrivée du médecin principal, " qui avait étudié sous Mead et sous Boerhaave". Voltaire nous indique ici que c'est un médecin qui a des idées recues; il est contre les jésuites. D'ailleurs, il va brûler les deux douzaines d'exemplaires du Journal de Trévoux, qui est la cause du poison. ( Tableau ironique )

Frère Berthier va alors se sentir mieux, et pour le guérir, le médecin va utiliser un contre poison; une page de l'encyclopédie. ( Tableau ironique )

La raison des philosophes l'emportent sur l'obscurantisme et la bêtise des jésuites.

Voltaire prend une revanche contre les jésuites: il prend l'exemple du médecin anglais, il représente le progrès scientifique contre l'obscurantisme des trois médecins. Cet combat contre l'obscurantisme est un thème récurrent chez Voltaire.

● Choix des personnages:
 

II - Questionnaire
  • - Analysez la mise en scène
  • - Que pouvez-vous en dire?
  • - Citez pour justifier votre réponse
  • - Le tableau est-il ironique?
  • - Quel est le poison?
  • - Quel est le contre-poison?
  • - Peut-on dire qu'il y a une opposition entre la raison du philosophe et l'obscurantisme?
  • - Citez pour justifier votre réponse
  • - Ce thème est-il récurrent chez Voltaire?
  • - Citez deux autres apologues qui traitent des mêmes thèmes

 

III. La progression du récit.

Une histoire démonstrative : même symptôme, même discours.

Mise en scène du bâillement qui se propage et qui enchaine la contamination de la maladie. Baillements, puis sueurs froides, vertiges, du mal à articuler.

La mise en scène des symptômes de la maladie + les critiques de Versailles et  des  personnages.

Berthier est frappé sur tous les organes du corps qu'il utilise pour faire du mal aux autres. Les médecins défilent, les premiers refusent de le soigner, le deuxième et le troisième trouvent des causes fantaisistes au mal de Berthier. Vient alors le quatrième médecin, qui "en savait plus que les autres" et découvre le mal de Berthier, qui est en fait d'avoir porté sur les  exemplaires du Journal de Trévoux, qui est en fait un poison.

C'est un récit court pour être démonstratif. Présentation de la situation. ( en 7 lignes ) Berthier et Coutu vont vendre des exemplaires du Journal de Trévoux à Versailles, mais une fois arrivés, ils sont pris de fatigue, et finissent par s'évanouir.

Le narrateur ne donne que les détails importants, ce qui accélère la scène et donne l'impression que tout s'enchaine.

On voit tout de suite les personnages en action, en train de dialoguer.

( Berthier et frère Couture )

Le narrateur ne donne que les détails importants pour la suite de l'histoire.

Rapide dialogue.

L'auteur procède par allusions, étapes de la confession du malade. Série de petits dialogues qui révèle les tords de Berthier, "j'aime Dieu, et le prochain comme je peux" : Il est malade de « méchanceté »

Conclusion :

Voltaire était déiste. Cela signifie qu'il croyait en une entité spirituelle sans pour autant adhérer à la religion révélée avec tout ce que cela suppose, c'est-à-dire, la confession, la prière ....

On peut donc affirmer que dans ce texte il encourage la foi sans pour autant sombrer dans les préjugés de la religion qu'il dénonce comme avec le "Journal de Trévoux" qui est cencé être la cause des douleurs du frère Berthier.

Ce texte dénonce ainsi l'ordre établit par les jésuites.

 III - Questionnaire

  • - Que peut-on dire sur la progression du récit?
  • - Montrez l'évolution de la mise en scène du baillement
  • - Est-ce un récit démonstratif?
  • - Que savez-vous du journal de Trévoux?
  • - Le narrateur donne t'-il tous les détails?

 

Ouverture;

Est-ce que dans chacun de ses apologues Voltaire dénonce les mêmes choses ?

ou

Dans quel autre apologue, Voltaire dénonce t'il les préjugés religieux?

 
Deuxième partie de l'entretien : Questions sur Voltaire et le siècle des lumières
 
 
Problématique : En quoi l'argumentation se met-elle au service de la dénonciation?
 
 
  • Questions sur Voltaire et le siècle des lumières:
  • Quelles sont les dates de Voltaire?
  • né le 21 novembre 1694 à Paris et y meurt le 30 mai 1778
  • Quel est son vrai nom?
  • François Marie Arouet
  • Citez trois contemporains de Voltaire qui sont aussi des encyclopédistes
  • Diderot, Rousseau, D’Alembert
  • Quelle place Voltaire occupe t-'il dans la mémoire collective française?
  • Il occupe une place essentielle dans la mémoire collective française car il est l’intellectuel qui s’est battu pour la vérité et la liberté de pensée

Peut-on dire qu'il représente l'idéal des lumières?

  • Il défend les valeurs des lumières comme ses contemporains qui ont tous participé à la révolution intellectuelle du 18ème siècle.  Symbole des Lumières, chef de file du parti philosophique, son combat est aussi consacré à défendre la tolérance et en particulier la tolérance religieuse.

 

L'exposé sur le siècle des lumières vous permet de répondre aux questions suivantes :
  • Définir les lumières
  • Situez le contexte historique
  • Qu'est-ce qu'un philosophe éclairé?
  • Quels sont les principes des lumières?

 

  • Le siècle des Lumières
  • I - L'esprit des lumières
  • Définition des lumières :
  • Les penseurs du 18ème siècle éclairaient les hommes en les aidant à lutter contre l'ignorance ainsi qu'en témoigne le projet de l'Encyclopédie. Les philosophes veulent asseoir le règne de la raison.
  • Contexte historique : on voit la philosophie de John Locke s'imposer progressivement en France. Le peuple est selon lui le souverain véritable et l'homme a des droits naturels inaliénables. Nous sommes dans ce contexte historique, sous Louis XIV qui meurt en 1715. La régence s'ouvre mais au début du règne de Louis XV, la France est secouée par les guerres et les famines, guerre de sept ans. Louis XVI tente de réorganiser les finances du royame en s'appuyant sur Turgot et Necker. Mais les difficultés persistent, nous arrivons à la crise de 1789 et à la convocation des Etats généraux.
  • Le philosophe éclairé : L'état d'esprit des lumières est très particulier, le philosophe doit s'engager et proposer des solutions pour réformer le système politique. La réflexion critique permet de libérer l'homme des croyances diverses. La tyrannie est ainsi pensée comme indissociable de l'ignorance. Voilà comment Kant définit les lumières : "Qu'est ce que les lumières? La sortie de l'homme de sa minorité dont il est lui même responsable. Minorité, c'est à dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d'autrui, monorité dont il est lui même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l'entendement, mais dans un manque de décision et de courage de s'en servir sans la direction d'autrui. "
  • Questions sur le siècle des lumières :
  • I - L'esprit des lumières
  • Donnez une définition des lumières
  • Quel est le contexte historique?
  • Développez votre réponse en quelques lignes.

 

  • Les principes des lumières
  • - La raison : il y a une mise en avant de la raison et des sciences dans le but de lutter et de combattre l'ignorance. On voit Voltaire se battre contre le fanatisme et l'intolérance, traité sur la tolérance, 1763, il met en avant le respect de toutes les religions et le droit à la dignité humaine.
  • - Le modèle naturel : Montesquieu considère que l'homme doit s'inspirer pour fonder la société civile, des lois naturelles qui nous viennent de Dieu. On voit Rousseau distinguer l'homme de l'animal par sa perfectibilité. L'homme est bon selon le penseur, c'est la société civile qui l'a corrompu, il lui faut donc retrouver les lois naturelles.
  • - La critique de la religion : La religion est remise en question, on le voit avec le déisme de Voltaire, la question du mécanisme classique, de la théorie qui assimile l'univers à une mécanique, est remise en cause. Rousseau pense que l'homme est doté d'une conscience morale innée, il propose une religion naturelle.
  • Questions sur le siècle des lumières :
  • Les principes des lumières
  • Quel concept est-il mis en avant?
  • A quoi la raison et les sciences sont-elles associées?
  • Vers quels idéaux Voltaire se tourne t'-il?
  • Quel est son combat?
  • Que met-il en avant?
  • Que pouvez-vous dire du concept de "modèle naturel"?
  • Comment Montesquieu le perçoit-il?

 

 
 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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