Baudelaire, Les Fleurs du mal, Spleen LXXV : un sonnet parfait pour exprimer le spleen du poète
Spleen (LXXV)
Les fleurs du mal (1861)
Charles Baudelaire, 1821 - 1867
Pluviôse, irrité contre la ville entière,
De son urne à grands flots verse un froid ténébreux
Aux pâles habitants du voisin cimetière
Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.
Mon chat sur le carreau cherchant une litière
Agite sans repos son corps maigre et galeux ;
L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière
Avec la triste voix d'un fantôme frileux.
Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée
Accompagne en fausset la pendule enrhumée,
Cependant qu'en un jeu plein de sales parfums,
Héritage fatal d'une vieille hydropique,
Le beau valet de cœur et la dame de pique
Causent sinistrement de leurs amours défunts.
Commentaire littéraire
Les fleurs du mal, « Spleen et idéal »
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Comment Baudelaire transcende-t-il la laideur du monde moderne et le Spleen intérieur dans les Fleurs du mal ?
Notes
Poème précédent : la cloche fêlée
« Spleen » LXXV en 1851 publié dans une revue = choléra
« Mon chat » double du poète ; âme du poète
le début et la fin se renvoient « pluviôse » et « défunts »
Univers sonore
La tristesse est transformée en sonnet parfait
Transcendé en pure beauté par un sonnet magnifique et mystérieux et la tristesse peut être belle
Plan de la LA
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La mort, un thème omniprésent
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Un cadre sinistre
Champ lexical de l’eau et du froid : mort
Pris sous l’étaux de Pluviôse qui étouffe la ville
« Pluviôse » « froid ténébreux » « ville entière » « cimetière » « faubourg brumeux »
Le deuxième quatrain est soumis à la même violence, du froid et de la mort, le poète et son chat sont victimes, "frileux", "gouttière", "maigre et galeux vers".
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La mort est partout
La mort dans la ville se poursuit par les images des vers du quatrain : "urne", "froid ténébreux", "cimetière", "mortalité", "brumeux". Le champ lexical de la grisaille se mêle à celui de la mort. Les connotations sont mortuaires et répondent à l'état d'âme du sonnet. La sensation se traduit d'un point de vue physique et "toute la ville " est frappée. La mort semble appeler de manière violente et angoissante les habitants. La ville est persécutée par l'appel de la mort
"Aux pâles habitants du voisin cimetière
Et la mortalité sur les faubourgs brumeux. "
Amène la mort sur les faubourgs et non sur les cimetières // avec le choléra par le public en vue de la situation de 1851
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Des personnifications péjoratives
Personnification de Pluviôse
Personnification du mois en allégorie
Personnification filée
Le mois est une notion abstraite
Le chat est tel le poète et inversement, ils se substituent l'un à l'autre. Il y a une identification du poète au chat, au chat. Mais le poète est diminué, "triste voix" peut connoter la vision d'un poète mourrant, incapable d'écrire, en proie à l'angoisse despotique du spleen : le poète ne peut plus créer. L'écriture poétique n'est plus salvatrice, elle ne libère plus le poète de ses maux, il ne la maîtrise plus, il n'est plus que victime d'un spleen trop violent, trop puissant. La litière devient cercueil;
"L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière
Avec la triste voix d'un fantôme frileux. "
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Exprimé dans un sonnet parfait par le Spleen intérieur du poète
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Un sonnet « parfait » ?
De tous les poèmes « Spleen » celui-ci est le plus classique ; forme très travaillée ; seule exceptions la virgule après pluviôse
Structure des rimes féminines et masculines en chiasme
Spleen fait perdre ses repères : dépersonnalisation
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L’extérieur reflète l’état intérieur du poète
Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.
Le paysage extérieur devient un paysage intérieur « âme du poète »
Entière cimetière litière gouttière
Ténébreux brumeux galeux frileux : mots péjoratifs : état de la nature et du poète
Enfumée enrhumée
Parfums défunts
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Une dépersonnalisation
Un seul adj possessif « mon » tout se passe à l’extérieur
Le poète est désigné à la troisième personne « L’âme d’un vieux poète erre »
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Un futur sombre
Le futur est ici évoqué par l'image des cartes : "Le beau valet de cœur et la dame de pique" : Les cartes disent l'avenir mais c'est un jeu "plein de sales parfums". Nous nous éloignons des Correspondances/ Les parfums exotiques ne sont pas mis en valeur. Les parfums, les couleurs et les sons ne se répondent plus. Il n'y a plus d'harmonie "fausset", "sales parfums". Cela peut se rapprocher de l'oxymore des Fleurs du mal
Les cartes connotent la fatalité, le destin du poète : ce à quoi il ne peut échapper. Les cartes annoncent au poète qu'il est condamné à la mort de l'amour.
Connotation religieuse, divine avec le déluge, thème de l’eau, mal intérieur, culpabilité
Intertextualité avec les Spleen
Laforgue
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Date de dernière mise à jour : 05/10/2018