Sujet corrigé de français, brevet 2013. Sujet métropole
DIPLÔME NATIONAL DU BREVET
SESSION 2013
- Questions (15 points) et réécriture (4 points) 1 h 10
- Dictée (6 points) 20 minutes
On fera faire la dictée les vingt dernières minutes de la première partie, soit une heure dix aprèsle début de l’épreuve.Le sujet se compose de 3 pages numérotées de 1/3 à 3/3. Dès que le sujet vous est remis,assurez-vous qu’il est complet.
- Rédaction (15 points)
Le sujet se compose d’1 page.
Les candidats veilleront à conserver le sujet de la 1ère partie durant toute l’épreuve.
L’usage de la calculatrice et de tout document est interdit.Pour la deuxième partie (rédaction), l’usage d’un dictionnaire de langue française est autorisé.
FRANÇAIS
Série générale
Coefficient : 2
Première partie : 1 h 30Deuxième partie : 1 h 30
Dans le sud de l’Italie, une vieille femme évoque son enfance, au cours de laquelle sa famille a tenté de fuir le pays pour s’installer à New-York. Elle s’adresse à un personnage nommé don Salvatore. L’action se déroule dans la première moitié du XX siècle.
51015202530Don Giorgio nous a menés jusqu’au port et nous avons embarqué sur un de cespaquebots construits pour emmener les crève-la-faim d’un point à un autre du globe, dansde grands soupirs de fioul
. Nous avons pris place sur le pont au milieu de nos semblables.Miséreux d’Europe au regard affamé. Familles entières ou gamins esseulés. Comme tousles autres, nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dans la foule.Comme tous les autres, la première nuit, nous n’avons pu trouver le sommeil, craignant quedes mains vicieuses
ne nous dérobent la couverture que nous nous partagions. Commetous les autres, nous avons pleuré lorsque l’immense bateau a quitté la baie de Naples.« La vie commence », a murmuré Domenico. L’Italie disparaissait à vue d’œil. Comme tousles autres, nous nous sommes tournés vers l’Amérique, attendant le jour où les côtesseraient en vue, espérant, dans des rêves étranges, que tout là-bas soit différent, lescouleurs, les odeurs, les lois, les hommes. Tout. Plus grand. Plus doux. Durant la traversée,nous restions agrippés des heures au parapet
, rêvant à ce que pouvait bien être cecontinent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. Les jours étaient longs, maiscela importait peu, car les rêves que nous faisions avaient besoin d’heures entières pour sedévelopper dans nos esprits. Les jours étaient longs mais nous les avons laissés couleravec bonheur puisque le monde commençait.Un jour enfin, nous sommes entrés dans la baie de New York. Le paquebot se dirigeaitlentement vers la petite île d’Ellis Island. La joie de ce jour, don Salvatore, je ne l’oublierai jamais. Nous dansions et criions. Une agitation frénétique avait pris possession du pont.Tout le monde voulait voir la terre nouvelle. Nous acclamions chaque chalutier de pêcheurque nous dépassions. Tous montraient du doigt les immeubles de Manhattan. Nousdévorions des yeux chaque détail de la côte.Lorsque enfin le bateau fut à quai, nous descendîmes dans un brouhaha de joie etd’impatience. La foule emplit le grand hall de la petite île. Le monde entier était là. Nousentendions parler des langues que nous prîmes d’abord pour du milanais ou du romain
,mais nous dûmes ensuite convenir que ce qui se passait ici était bien plus vaste. Le mondeentier nous entourait. Nous aurions pu nous sentir perdus. Nous étions étrangers. Nous necomprenions rien. Mais un sentiment étrange nous envahit, don Salvatore. Nous avions laconviction que nous étions ici à notre place.Laurent Gaudé,
Le Soleil des Scorta
, 2004.
1
« fioul » : carburant, dérivé du pétrole, qu’utilisent les bateaux.
2
« mains vicieuses » : mains de voleur.
3
« parapet » : barrière placée sur le bord du pont pour empêcher les passagers de tomber à l’eau.
4
« du milanais ou du romain » : dialectes italiens.
Toutes vos réponses devront être rédigées.
QUESTIONS (15 points)
1. « […] ce continent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. »(lignes 13-14)a) De quel continent s’agit-il ?b) Qui est désigné par l’expression « les crasseux » ? Que pensez-vous decette formulation ?
2. En vous appuyant précisément sur le texte, expliquez ce que lespersonnages attendent de ce nouveau pays.
3. a) Par quels sentiments successifs passent les personnages aux différentesétapes du voyage ? Illustrez votre réponse par des éléments précis du texte.
b) Pourquoi le « sentiment » évoqué à la ligne 29 est-il qualifiéd’« étrange » ?
4. « Le paquebot se dirigeait lentement vers la petite île d’Ellis Island. La joie dece jour, don Salvatore, je ne l’oublierai jamais. Nous dansions et criions.»(lignes 18 à 20) : identifiez les deux temps utilisés et justifiez l’emploi dechacun.
5. « Miséreux d’Europe au regard affamé. Familles entières ou gaminsesseulés. » (ligne 4) :
a) Quelle remarque grammaticale pouvez-vous faire sur la construction deces deux phrases ?
b) Quel effet produisent-elles sur le lecteur ?
6. Pensez-vous que Domenico a raison en murmurant « La vie commence. »(ligne 9) ? Développez votre réponse en quelques lignes. Vous prendrez appui sur le texte et éventuellement votre culture personnelle.
RÉÉCRITURE (4 points)
Réécrivez les phrases suivantes, en remplaçant les pronoms de la 1ère personne du pluriel(nous) par la 3 ème
personne du pluriel (ils).Vous ferez toutes les modifications nécessaires.« Comme tous les autres, nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dansla foule. Comme tous les autres, la première nuit, nous n’avons pu trouver le sommeil, craignantque des mains vicieuses ne nous dérobent la couverture que nous nous partagions. »
Dictée (6 points)
Consignes pour la dictée à l’attention du surveillant-lecteur :On fera faire la dictée
les vingt dernières minutes
de la première partie, soit une heure dixaprès le début de l’épreuve.On notera au tableau : «
Écrire les nombres en toutes lettres
».Lors de la dictée, on procédera successivement :1) à une lecture préalable, lente et bien articulée du texte ;2) à la dictée effective du texte, en précisant la ponctuation et en marquantnettement les liaisons ;3) à la relecture, sans préciser cette fois-ci la ponctuation mais en marquant toujoursles liaisons. À l’issue de cette relecture, on transcrira lisiblement au tableau lenom de l’auteur et le titre : Georges PEREC,
Ellis Island
.On demandera aux candidats d’écrire une ligne sur deux.On ne répondra pas aux questions éventuelles des candidats après la relecture du texte ; ils enseront avertis avant cette relecture.
Tous les émigrants n’étaient pas obligés de passer par Ellis Island. Ceux quiavaient suffisamment d’argent pour voyager en première ou en deuxième classe étaientrapidement inspectés à bord par un médecin et un officier d’état civil et débarquaientsans problèmes. Le gouvernement fédéral estimait que ces émigrants auraient de quoisubvenir à leurs besoins et ne risqueraient pas d’être à la charge de l’État. Les émigrantsqui devaient passer par Ellis étaient ceux qui voyageaient en troisième classe [...] dansde grands dortoirs non seulement sans fenêtres mais pratiquement sans aération etsans lumière, où deux mille passagers s’entassaient sur des paillasses superposées.
Georges PEREC,
Ellis Island
, 1980.
La rédaction
Les candidats conserveront le texte de la première partie de l’épreuve.Vous traiterez au choix l’un des deux sujets de rédaction suivants.Vous écrirez une ligne sur deux.L’utilisation d’un dictionnaire de langue française est autorisée.1.
Sujet 1
Imaginez la suite de ce texte, dans laquelle la narratrice raconte les premiers jours despersonnages à New-York.Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).
2. Sujet 2
Le monde d’aujourd’hui laisse-t-il encore place, selon vous, à un ailleurs qui fasse rêver ?Vous donnerez votre réponse dans un développement argumenté et organisé.Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).
ELEMENTS DE CORRECTION CONCERNANT LES QUESTIONS ET LA REECRITURE
QUESTIONS (15 points)
1. « […] ce continent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. »
(ligne 13-14)
a) De quel continent s'agit-il ?
Il s'agit du continent américain.
b) Qui est désigné par l'expression « les crasseux » ? Que pensez-vous de cette formulation ?
L'expression « les crasseux » désigne les « miséreux d'Europe » (l. 4), c'est-à-dire les émigrants pauvres venus d'Europe en espérant réussir à mieux gagner leur vie en Amérique. La formulation « les crasseux » est volontiers dépréciative. Elle dénote une forme d'autodérision de la part de la narratrice.
2. En vous appuyant précisément sur le texte, expliquez ce que les personnages attendent de ce nouveau pays.
Les personnages, pauvres en Europe, espèrent, en débarquant en Amérique, commencer une nouvelle vie. Ils souhaitent repartir à zéro dans un lieu où tout sera « différent, les couleurs, les odeurs, les lois, les hommes. » (l.11-12) C'est bien sûr le rêve américain qu'ils ont tous à l'esprit et déjà, sur le bateau, ils ne font que s'adonner au rêve.
3. a) Par quels sentiments successifs passent les personnages aux différentes étapes du voyage ? Illustrez votre réponse par des éléments précis du texte.
Les personnages passent d'abord, durant le voyage, par des sentiments de crainte et de douleur : ils pleurent même lorsque « l'immense bateau a quitté la baie de Naples » (l. . Puis, c'est l'espoir face au continent américain : « la joie » (l. 19) les envahit, avec aussi un sentiment « d'impatience » (l. 25).
b) Pourquoi le « sentiment » évoqué à la ligne 29 est-il qualifié d' « étrange » ?
Ce sentiment peut paraître étrange car il s'inscrit en opposition avec le cadre et les circonstances dans lesquelles arrivent les passagers. Tout devrait leur indiquer qu'ils sont étrangers et pourtant, ils se sentent déjà adoptés : « nous étions ici à notre place. »
4. « Le paquebot se dirigeait lentement vers la petite île d'Ellis Island. La joie de ce jour, don Salvatore, je ne l'oublierai jamais. Nous dansions et criions. » (lignes 18 à 20) : identifiez les deux temps utilisés et justifiez l'emploi de chacun.
On retrouve dans ce passage l'emploi majoritaire de l'imparfait de l'indicatif, avec « se dirigeait », ou « dansions » mais également, de façon isolée, un verbe au futur simple de l'indicatif, « oublierai ». Ce dernier est employé par la narratrice en référence au moment de l'énonciation de ses souvenirs. Cela appartient au présent de la narratrice. A contrario, l'imparfait correspond au passé, aux souvenirs qu'évoque la vieille femme en s'adressant à don Salvatore.
5. « Miséreux d'Europe au regard affamé. Familles entières ou gamins esseulés. » (ligne 4) :
a) Quelles remarques grammaticale pouvez-vous faire sur la construction de ces deux phrases ?
Ces deux phrases sont non-verbales, elles ne sont constituées que de groupes nominaux.
b) Quel effet produisent-elles sur le lecteur ?
Ces deux phrases nominales descriptives contribuent à brosser un portrait très dur des êtres qui sont sur le départ. Cela peut susciter chez le lecteur un sentiment de compassion face à la misère ainsi décrite brutalement, sans marques d'émotion. L'ensemble donne l'impression d'une masse d'individus qui se trouvent à la dérive.
6. Pensez-vous que Domonico a raison en murmurant « La vie commence. » (ligne 9) ? Développez votre réponse en quelques lignes. Vous prendrez appui sur le texte et éventuellement votre culture personnelle.
En murmurant « La vie commence », Domenico fait, avec raison, résolument le choix de se tourner vers l'avenir qui les attend, avec beaucoup d'espoir. Les Etats-Unis se sont, depuis leurs origines, construits sur l'immigration. Ce processus continua, tout au long du XXème siècle, à offrir une possible réussite à ceux qui vivaient misérablement en Europe. Ce « rêve américain » fut cependant mis à mal par la crise de 1929 mais redevint réalité à l'issue de la Seconde guerre mondiale.
REECRITURE (4 points) :
« Comme tous les autres, nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dans la foule. Comme tous les autres, la première nuit, nous n'avons pu trouver le sommeil, craignant que des mains vicieuses ne nous dérobent la couverture que nous nous partagions. »
Réécrivez les phrases suivantes, en remplaçant les pronoms de la première personne du pluriel (nous) par la troisième personne du pluriel (ils). Vous ferez toutes les modifications nécessaires.
Correction de la réécriture :
« Comme tous les autres, ils se sont tenus par la main pour ne pas se perdre dans la foule. Comme tous les autres, la premère nuit, ils n'ont pu trouver le sommeil, craignant que des mains vicieuses ne leur dérobent la couverture qu'ils se partageaient.»
Pour aller plus loin
Date de dernière mise à jour : 01/05/2021