Ionesco, Rhinocéros
L'oral EAF sur l'acte I, tableau 1 de rhinocéros : commentaire et questionnaires : Document 1
Lecture de la scène :
Acte premier
- Bérenger, venant de la gauche
- Bonjour, Jean
- Jean
- Toujours en retard, évidemment ! (Il regarde sa montre-bracelet.) Nous avions rendez-vous à onze heures trente. Il est bientôt midi.
- Bérenger
- Excusez-moi. Vous m’attendez depuis longtemps ?
- Jean
- Non. J’arrive, vous voyez bien.
- Ils vont s’asseoir à une des tables de la terrasse du café.
- Bérenger
- Alors, je me sens moins coupable, puisque…vous-même…
- Jean
- Moi, c’est pas pareil, je n’aime pas attendre, je n’ai pas de temps à perdre. Comme vous ne venez jamais à l’heure, je viens exprès en retard, au moment où je suppose avoir la chance de vous trouver.
- Bérenger
- C’est juste… c’est juste, pourtant…
- Jean
- Vous ne pouvez affirmer que vous venez à l’heure convenue !
- Bérenger
- Évidemment…je ne pourrais l’affirmer.
- Jean et Bérenger se sont assis
- Jean
- Vous voyez bien.
- Bérenger
- Qu’est-ce que vous buvez ?
- Jean
- Vous avez soif, vous, dès le matin ?
- Bérenger
- Il fait tellement chaud, tellement sec.
- Jean
- Plus on boit, plus on a soif, dit la science populaire…
- Bérenger
- Il ferait moins sec, on aurait moins soif si on pouvait faire venir dans notre ciel des nuages scientifiques.
- Jean, examinant Bérenger
- Ça ne ferait pas votre affaire. Ce n’est pas d’eau que vous avez soif, mon cher Bérenger…
- Bérenger
- Que voulez-vous dire par là, mon cher Jean ?
- Jean
- Vous me comprenez très bien. Je parle de l’aridité de votre gosier. C’est une terre insatiable.
- Bérenger
- Votre comparaison, il me semble…
- Jean, l’interrompant
- Vous êtes dans un triste état, mon ami.
- Bérenger
- Dans un triste état, vous trouvez ?
- Jean
- Je ne suis pas aveugle. Vous tombez de fatigue, vous avez encore perdu la nuit, vous baillez, vous êtes mort de sommeil.
- Bérenger
- J’ai un peu mal aux cheveux…
- Jean
- Vous puez l’alcool !
- Bérenger
- J’ai un petit peu la gueule de bois, c’est vrai !
- Jean
- Tous les dimanches matin, c’est pareil, sans compter les jours de la semaine.
- Bérenger
- Ah !
- Non, en semaine, c’est moins fréquent, à cause du bureau…
- Jean
- Et votre cravate, où est-elle ? Vous l’avez perdue dans vos ébats !
- Bérenger, mettant la main à son cou
- Tiens, c’est vrai, c’est drôle, qu’est-ce que Jai bien pu en faire ?
- Jean, sortant une cravate de la poche de son veston
- Tenez, mettez celle-ci.
- Bérenger
- Oh, merci, vous êtes bien obligeant.
- Il noue la cravate à son cou.
- Jean, pendant que Bérenger noue sa cravate au petit bonheur
- Vous êtes tout décoiffé ! (Bérenger passe les doigts dans ses cheveux.) Tenez voici un peigne !
- Il sort un peigne de l’autre poche de son veston
- Bérenger, prenant le peigne
- Merci.
- Il se peigne vaguement
- Jean
- Vous ne vous êtes pas rasé ! Regardez la tête que vous avez.
- Il sort une petite glace de la poche intérieure de son veston, la
- Tend à Bérenger qui s’y examine ; en se regardant dans la glace,
- Il tire la langue.
- Bérenger
- J’ai la langue bien chargée.
- Jean, reprenant la glace et la remettant dans sa poche
- La cirrhose vous menace, mon ami.
- Bérenger, inquiet
- Vous croyez,…
- Jean, à Bérenger qui veut lui rendre la cravate.
- Gardez la cravate, j’en ai en réserve.
- Bérenger, admiratif
- Vous êtes soigneux, vous
- Jean, continuant d’inspecter Bérenger
- Vos vêtements sont tout chiffonnés, c’est lamentable, votre chemise est d’une saleté repoussante, vos souliers… (Bérenger essaye de cacher ses pieds sous la table). Vos souliers ne sont pas cirés… Quel désordre !... Vos épaules …
- Bérenger
- Qu’est-ce qu’elles ont, mes épaules,…
- Jean
- Tournez-vous. Allez, tournez-vous. Vous vous êtes appuyé contre un mur… (Bérenger étend mollement sa main vers Jean.) Non, je n’ai pas de brosse sur moi. Cela gonflerait les poches. (Toujours mollement, Bérenger donne des tapes sur ses épaules pour en faire sortir la poussière blanche ; Jean écarte la tête.)
- Oh ! Là là…Où donc avez-vous pris cela ?
- Bérenger
- Je ne m’en souviens pas.
- Jean
- C’est lamentable, lamentable ! J’ai honte d’être votre ami.
- Bérenger
- Vous êtes bien sévère…
- Jean
- On le serait à moins !
- Bérenger
- Écoutez, Jean. Je n’ai guère de distractions, on s’ennuie dans cette ville, je ne suis pas fait pour le travail que j’ai… tous les jours, au bureau, pendant huit heures, trois semaines seulement de vacances en été ! Le samedi soir, je suis plutôt fatigué, alors, vous me comprenez, pour me détendre.
- Jean
- Mon cher, tout le monde travaille et moi aussi, moi aussi comme tout le monde, je fais tous les jours mes huit heures de bureau, moi aussi, je n’ai que vingt et un jours de congé par an, et pourtant, pourtant vous me voyez. De la volonté, que diable !...
- - De quel siècle Ionesco est-il?
- Du 20 ème siècle
- - Est-il le représentant du théâtre de l'absurde?
- Oui il représente le théâtre de l'absurde
- - Citez deux oeuvres de Ionesco illustrant l'absurde
- La Cantatrice chauve, Rhinocéros, les Chaises
- - Citez deux de ses contemporains
- Cioran, Mircéa Eliade
- - Citez sa pièce la plus célèbre
- Rhinocéros
- - Quel est le thème de rhinocéros?
- Le totalitarisme
- - Combien d'actes cette pièce a t'elle?
- pièce de théâtre en quatre tableaux pour trois actes (le deuxième est divisé en deux tableaux), en prose
- - Est-ce un incipit traditionnel?
- - Justifiez votre réponse
- Cet incipit présente deux des personnages principaux de la pièce (..) et sème des indices sur la contamination totalitaire qui va suivre
- Si un cadre plutôt réaliste et banal, est mis en place, ce qui va être raconté par la suite , c'est-à dire la transformation en rhinocéros des habitants de la ville, sera totalement décalé et la pièce bien plus absurde que dans cet incipit
- - Quelles sont les caractéristiques d'un incipit traditionnel ?
- l'exposition de l'incipit traditionnel : elle informe le spectateur de la situation initiale par des renseignements sur le lieu et le temps, les personnages et l'action.
Questions sur le théâtre de l’absurde :
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Donnez une définition du théâtre de l’absurde
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Le terme de théâtre de l'absurde nous vient de Martin Esslin en 1962. On peut définir le théâtre de l'absurde comme un type de théâtre à partir de 1940 qui rompt avec les genres classiques comme le drame et la comédie. Le thème récurrent dans le théâtre de l'absurde est l'absurdité de la condition humaine en général.
-
Quand est-il apparu?
- Dans les années 1940
- Quelles sont ses caractéristiques?
- rupture totale par rapport aux genres plus classiques, tels que le drame ou la comédie
- Quelle est l’origine de cette pensée?
- Le traumatisme de la seconde guerre mondiale. Le théâtre de l'absurde devient l'expression de l'impuissance de l'homme face à son destin et à l'absurdité de la condition humaine dans laquelle il est enfermé.
- Qui le représente?
- Ionesco, Adamov, Beckett, Genet. Les sources philosophiques : Artaud, Sartre
- Quelles sont les œuvres littéraires représentatives du théâtre de l’absurde de Ionesco et de Beckett?
- En attendant Godot de Beckett. Rhinocéros, la Cantatrice chauve de Ionesco
- Quelle est l’origine philosophique du concept d’absurde?
- Le théâtre et son double Artaud, la distanciation de Brecht, l'existentialisme, Sartre et Camus
- Faites une fiche sur les caractéristiques du théâtre de l’absurde
- Recherches personnelles
- Une fiche sur les précurseurs, les pionniers et les héritiers
- Les précurseurs :
- Guillaume Apollinaire (1880–1918)
- Antonin Artaud (1893–1948)
- Albert Camus (1913–1960)
- Les Pionniers
- Samuel Beckett (1906–1989) :
- Eugène Ionesco (1909–1994)
- Les héritiers :
- Max Frisch (1911–1991)
- Robert Pinget (1919–1997)
- Boris Vian (1920–1959) :
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Définir les termes suivants :
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- Action
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- Acte
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- L’exposition
-
- Nœud
-
- Dénouement
-
- Didascalie
- - Une tirade
- - Une réplique
- - L'unité de lieu
- - L'unité de temps
- - L'unité d'action
- L'action dramatique :
- quelles sont les règles des trois unités? Les règles ont été élaborées tout au long du 17 ème siècle
- - règle du temps : l'action ne doit pas dépasser 24 heures
- - règle du lieu : un décor de palais pour une tragédie
- un intérieur bourgeois pour la comédie
- - l'action : tenir l'intrigue à une action principale
- - la vraisemblance : vise ce que le public peut croire
- - la bienséance : elle interdit de faire couler le sang sur scène
- - découpage d'une pièce de théâtre : les actes sont en général au nombre de 5 , il n'y en a que 3 parfois dans les comédies.
- La structure interne :
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- l'exposition : elle informe le spectateur de la situation initiale par des renseignements sur le lieu et le temps, les personnages et l'action.
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- le noeud dramatique : il situe les obstacles et les conflits qui empêchent la progression de l'action. Celle ci est ponctuée de péripéties comme les sentiments de situation, les coups de théâtre, les quiproquos qui retardent l'action et les rebondissements qui compliquent l'intrigue.
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- le dénouement : Il permet de résoudre les conflits présents dans l'intrigue.
-
La scène théâtrale :
-
Un espace de jeu : les décors, les costumes, les maquillages contribuent au symbolisme de la scène en soulignant les choix du metteur en scène.
- Etude de l'incipit
- incipit de Rhinocéros
Introduction :
Le texte que nous allons étudier est tiré de la pièce de théâtre Rhinocéros d’Eugène Ionesco, représentée pour la première fois en 1960. Cette pièce, appartenant au théâtre d’avant-garde, raconte l’histoire de la population d’un petit village provincial qui se transforme petit à petit en rhinocéros. Eugène Ionesco, un auteur dramatique et écrivain roumain et français représentant du théâtre de l'absurde. Cette pièce est une de ses pièces les plus célèbres. Elle est composée de trois actes.
Bien que Ionesco se refuse à un théâtre engagé, cette transformation symbolise la montée du totalitarisme contre lequel s’est battu l’auteur durant toute sa vie. Nous avons une mise en scène de la contamination de toute la population par une épidémie du nom de rhino cérite. On assiste ainsi à la transformation progressive des habitants.
Dans cette scène d’exposition deux amis, Jean et Bérenger, se rencontrent à la terrasse d’un café
Deux hommes sont assis à la terrasse d'un café, et avaient rendez-vous. Bérenger était en retard, tandis que Jean venait d'arriver sur les lieux. Nous verrons d'abord que la scène semble être d'une extrême banalité, puis nous verrons l'opposition entre les deux personnages.
Questions sur l'incipit de rhinocéros :
Plan de l'étude :
- I - Banalités
- A - Décor et personnages
- B - Les dialogues
- II - Béranger et Jean
- A - Jean
- B - Bérenger
- III - L'absurde
Problématique possible :
- - En quoi cet incipit est - il atypique ou traditionnel?
Questions :
I)Banalité
A] Décor/personnages et dialogues
→ didascalies très descriptives, extrêmement longues, précises, abondance de précisions spatiales. « au fond », « au rez de chaussée », « dans lointain », « à droite » des CC de lieu. Toutes ces précisions nous donnent un univers banal et familier de l'époque « petite ville », « deux fenêtres », « petite rue « , « chaise », « table ». → univers étriqué, petite ville provinciale où rien ne vient déranger.
I -
A - Questionnaire
- - Relevez deux didascalies
- - Analysez les
- - Qu'apportent-elles à l'incipit?
- - Citez deux précisions spatiales
- - Qu'apportent-elles au décor de l'incipit?
- - En quoi l'univers mentionné est-il banal?
- - Citez pour justifier votre réponse
- - Relevez le champ lexical qui montre que l'univers est étriqué
B] dialogue
→ Part importante aux didascalies ( décor costume mouvement de scène) On a l'impression qu'on veut nous construire une image, une atmosphère avant les paroles et ensuite, le dialogue frappe par son extrême banalité ( thème récurrent : le retard , l'apparence, le travail)
B - Questionnaire
- - Que peut-on dire des dialogues?
- - Quels sont les thèmes récurrents?
- - Le dialogue a t'-il plus d'importance que le décor?
II) Opposition Bérenger/Jean
A] Jean
Nous avons tout d’abord une description physique de Jean. En effet, il faut attention aux apparences ainsi que le suggère la longue didascalie sur son costume et l’adverbe de manière « soigneusement vêtu ». Sa tenue est dominicale, « faux cols parfaitement bien ciré ». On devine qu’il appartient à une monde formaté, il ne cherche pas à se faire remarquer.
→ On voit qu'il fait très attention aux apparences :
Jean , longue didascalie sur son costume avec tous les détails minutieux, (où ressort une idée d'opposition entre les deux personnages dés leur aspect; ) Il est valorisé « soigneusement vêtu »
( faux col, parfaitement, bien ciré » . Le soin de Jean indique son appartenance à un monde très formaté, il ne faut pas sortir du lot ni se faire remarquer.
Au niveau des caractères nous retrouvons les mêmes oppositions c’est-à-dire, que le physique de Bérenger reflète son caractère. Jean au contraire se sent supérieur, »moi », « évidemment », « toujours ». Les impératifs « mettez celle-ci », « tenez » et les remarques trahissent son complexe de supériorité de manière très manifeste : « vous puez l’alcool ». Sa tendance à vouloir dominer est très claire, il s’octroie le monopole de la parole, « interrompant », « continuant d’examiner Béranger ». Il juge son ami et ses critiques sont acerbes, « j’ai honte d’être votre ami » mettant ainsi en évidence son intolérance et son autorité vis -à- vis de Bérenger. On aura déjà compris que le personnage de Jean satisfait aux exigences des normes de la société, il répond aux normes de bienséance il est donc le plus prédisposé à succombé à la rhino cérite.
→Ensuite, on voit que c'est un personnage autoritaire :
1/-Jean « moi », il se sent supérieur. « toujours », « évidemment ».
2/Des exclamations, des reproches Comme « toujours en retard, évidemment », « vous puez l'alcool », donne des ordres , impératifs. « mettez celle-ci », « tenez »,
3/ Tendance à globaliser « tous les dimanches, c'est pareil! » .
4/ Il cherche à dominer : « interrompant »,
5/ Il se conduit comme un inquisiteur : « continuant d'examiner Berenger ».
II -
A - Questionnaire
- - Mettez en avant les grandes caractéristiques psychologiques de jean
- - Que marquent les didascalies le concernant?
- - Est-il dominateur?
- - Etudiez la ponctuation
- - En quoi est-il intolérant?
- - Relevez une gradation
- - Vous semble t'-il enclin à succomber à la rhinocérite? En quoi
- - Justifiez votre réponse.
B] Bérenger
Au contraire de Jean, Bérenger fait l’objet de tous les reproches de son ami qui fait remarquer son coté négligé, débraillé et peu présentable. Il n’accorde aucune importance aux apparences, on le décrit comme n’étant pas « rasé », « tête nue », « mal peigné » et enfin « tout exprime chez lui la négligence. Il est en complète opposition avec Jean.
→ Au niveau de l'apparence, la description de Berenger montre le peu d'importance qu'il donne aux apparences : Par exemple « pas rasé », « tête nue », « mal peigné » « tout exprime chez lui la négligence. » : Il ne correspond pas au standard.
Au contraire, Bérenger se manifeste comme un personnage décalé de part son apparence ainsi que par son comportement. Il est inapte à se plier aux règles et aux exigences du conformisme donc incapable de s’adapter socialement parlant. Il boit dès le matin « j’ai un eu la gueule de bois, c’est vrai ». Il trahit son manque de confiance en lui du fait de son alcoolisme. Il parait en outre mal et en situation de malaise jusque dans la vie quotidienne, « je m’ennuie dans cette ville », « je ne suis pas fait pour le travail que j’ai ». Il reste hermétique aux réflexions de son ami, tout ce que fait et dit Jean ne le change en aucune façon, il ne remet rien en question : »il essaye mollement de « , « mollement ».
B - Questionnaire
- - Quelles sont les caractéristiques de Bérenger?
- - Peut-on dire qu'il est un personnage marginal?
- - En quoi?
- - Semble t'-il capable d'une véritable amitié vis-à-vis de Jean?
III] Absurde
L’absurde et le symbolisme du passage
1 - L’absurde
L’absurde transparait à travers ces deux personnages de la scène d’exposition. Le décor est réaliste mais la pièce s’ouvre sur des connotations absurdes. Nous n’avons de repères temporels, nous savons seulement que l’action se situe un « dimanche, à midi ». On voit ensuite Jean reprocher à Bérenger son retard alors qu’il ne l’a pas attendu. L’absurde du langage domine par les banalités échangées, on est en pleine crise du langage. Les mots servent à dominer l’autre au point que les dialogues semblent être vides de sens. Nous voyons Jean s’octroyer le monopole de la parole comparativement à Bérenger qui s’exprime très peu. Ionesco remet en question la fonction première du langage qui est de véhiculer des informations en permettant la communication entre deux personnes. Les références au théâtre sont peu nombreuses, on notera seulement, le « plateau » et « la levée du rideau ».
2 - Le symbolisme
Les critiques se multiplient, Ionesco fait tout d’abord celle de l’anticonformisme. Il représente le refus des règles et le modèle de l’antihéros en proie aux malaises divers, existentiels. Inadapté, incompétent, inapte à la vie quotidienne, la vie professionnelle, incapable de se projeter dans le temps, il se dévoile comme le stéréotype de la marginalité. Antihéros mais très humain du fait de mal-être.
En second lieu, Jean incarne la maîtrise, l’organisation, la morale du devoir, le désir de réussir, le besoin de perfection presque antipathique du fait de son manque de défauts et de son complexe de supériorité. Trop tourné vers les apparences, il se trahit sa rigidité et son intolérance pour les différences. Ionesco se sert du personnage de Jean pour organiser et mettre en avant ses critiques du conformisme. Jean symbolisera l’idéologie nazie, il en est annonciateur.
→ Crise du langage qui ne sert qu'à dire des banalités ou à dominer l'autre.
III - Questionnaire
- - Quels sont les éléments absurdes de l'incipit?
- - Citez
- - Etudiez les degrés de l'absurde du langage dans la scène
- - L'affranchissement des règles contribue t'-il à mettre en avant l'absurde?
Conclusion :
Cet incipit présente deux des personnages principaux de la pièce (..) et sème des indices sur la contamination totalitaire qui va suivre
(ouverture) : Si pour l'instant, un cadre plutôt réaliste et banal, est mis en place, ce qui va être raconté par la suite , c'est-à dire la transformation en rhinocéros des habitants de la ville, sera totalement décalée et la pièce bien plus absurde que dans cet incipit.
Nous pouvons nous poser la question de savoir si ces deux personnages présentés dans la scène d’exposition sont annonciateurs de la suite de l’histoire. L’opposition de Jean et de Bérenger sera bientôt dominée par la question du totalitarisme, Jean au-delà des apparences ne résistera pas contrairement à Bérenger à la montée du totalitarisme. Nous assisterons donc à la transformation de Jean en rhinocéros, il sera un des premiers à se métamorphoser car il représente la morale et les principes qui en sont à l’origine.
l'entretien sur l'acte II, tableau 1 de rhinocéros : Commentaire et questionnaires : Document 2
- Problématique possible :
- - En quoi cette scène est-elle inquiétante?
- I - Scène de travail qui glisse peu à peu dans la folie.
- A - Personnages toujours en mouvement
- B - Les répliques
- C - Les sons
- II - Le mélange des genres
- A - Comique
- B - L'inquiétude de la scène
introduction :
Eugène Ionesco est un auteur dramatique et écrivain roumain et français représentant du théâtre de l'absurde.Ce texte est extrait de Rhinocéros, publié en 1959, sans doute une de ses pièces les plus célèbres. Elle est constituée en trois actes, elle met en scène la contamination d’une population par une étrange épidémie de « rhinocérite ». Les habitants sont les uns après les autres transformés en rhinocéros…La scène est située dans le tableau I de l'acte II et prend place dans un bureau avec comme personnage principal de cette scène bérenger qui est plutôt anti-conformiste depuis le début de la pièce, négligée, Daisie, la secrétaire du Bureau, monsieur papillon le patron et deux autres employés dudard et botard. L'extrait commence lorsque mme Boeuf, la femme d'un employé absent ce jour là, arrive paniquée, en expliquant qu'elle s'est fait poursuivre par un rhinocéros. ( qui n'est autre que son mari) Cette scène est importante pour la suite de l'intrigue, on comprend d'où viennent les rhinocéros. Nous verrons d'abord que cette scène de travail glisse peu à peu dans la folie, et ensuite que Ionesco mélange le registre comique et une ambiance plus inquiétante.
I) Scène de travail qui glisse peu à peu dans la folie.
A] Personnage toujours en mouvement
→ D'abord les didascalies montrent que les personnages se déplacent presque en permanence sur la scène : Bérenger « se précipite en direction du palier », « suivit de daisy
mme Boeuf « s'était levée », « avait rejoint le groupe »
Botard « suivant le cortège », « ils se dirigent tous vers la fenêtre », « fait mine de la suivre », « courant vers la gauche », « se précipite ».
→ De plus, les didascalies montrent aussi que les personnages sont souvent en action
Dudard « se tournant », « s'évanouissant », « béranger aidé par Dudart et daisy traine mme Boeuf jusqu'à la chaise et l'installe
Mme boeuf « se lève brusquement », « saute »
→ Cette impression de mouvement est aussi suggérée par le rhinocéros qui pendant toute la scène « tourne en rond »;
Il règne donc une agitation permanente sur la scène qui contribue à une impression de folie.
B] Les répliques
→ On peut remarquer une succession de répliques à un rythme élevé et très divers.
On peut voir des phrases déclaratives, mais une abondance de phrases exclamatives et interrogatives.
On peut voir de nombreuses questions « vous allez mieux madame le boeuf? », « c'est bien un rhinocéros n'est-ce pas, », « Vous le voyez maintenant? », « pourquoi la mienne et pas la vôtre? »
Ainsi que des phrases exclamatives « En bas! C'en est un ! » Papillon, « Pauvre bète » daisy, « Ce n'est pas le moment messieurs ! « , « mon dieu est-ce possible! » « oh ! Ah oh ! »
→ Ces répliques diverses s'entrecroisent ce qui apporte une grande confusion à la scène
Par exemple, pendant que monsieur papillon parle du Rhinocéros et du fait qu'il ait détruit l'escalier. des répliques de bérenger où il s'interroge sur la race du rhinocéros s'entrecroisent: Bérenger : « ah ! Je ne sais plus si le rhinocéros africain à deux cornes ou une corne. » et la réplique suivante « il nous a démoli l'escalier, tant mieux, une chose pareille devait arriver » plus loin « voyons voyons, la bicornuité caractérise t'elle le rhinocéros d'asie ou d'afrique? «
C] Sons
Enfin, les sons apportent en plus une impression de grande cacophonie :
→ Tout d'abord, les phrases exclamatives que nous avons déjà citées induisent souvent des cris et de fortes exclamations.
--> Ensuite, barrissements incessants «
barrit abominablement », « le rhinocéros n'avait cessé de barrir », « barrissements violents ».
→ « vague bruit de conversation téléphonique »
II) Mélange des genres :
A] Comique
→ Comique de mots
Le choix des noms de famille d'animaux : Mme boeuf , M.Papillon, : noms opposés
→ Comique décalage
Les répliques qui s'entrecroisent donnent un effet comique à la scène à cause du décalage entre la gravité de l'effondrement de l'escalier dont parle m. papillon et la question inutile que se pose Béranger.
D'autres répliques semblent décalées vis-à vis de la situation ce qui crée aussi un effet comique :
Au moment où Mme Boeuf comprend que son mari est le rhinocéros, la première réaction de Monsieur papillon est « je le mets à la porte cette fois-ci » + Caricature du chef d'entreprise.
→ Parodie du tragique
-D'abord au moment de l'évanouissement : On imagine Mmme Boeuf la cinquantaine, un peu ronde, et elle évanouit comme une frêle jeune fille = parodie
-Ensuite elle répète toutes ses phrases deux fois, ce qui donne un effet tragique mais exagéré donc comique
« il m'appelle, il m'appelle », « je ne peux pas le laisser comme ça, je ne peux pas le laisser comme ça », « je ne peux pas l'abandonner, je ne peux pas l'abandonner » « Je viens mon chéri je viens »
Le fait qu'elle saute , et des répliques comme « c'est son de voir », « elle est courageuse », « elle ne va pas mourir » accentuent cette parodie du tragique.
B] Cependant, on a quand même une certaine inquiétude dans cette scène
→ une situation angoissante
D'abord la présence du Rhinocéros, en bas, qui cherche à monter est dangereuse. De plus l'atmosphère est angoissante : les barrissements incessants du rhinocéros « angoissés », les bâtiments qui se sont effondrés, mme Boeuf qui panique et s'évanouit.
→ De plus, la réaction des personnages est inquiétante pour la suite.;;
Lorsqu' ils apprennent que M.Boeuf s'est transformée en rhinocéros, pas d'étonnement . La première réaction de M.papillon est de vouloir le renvoyer « cette fois je vais le mettre à la porte », Dudard « est-il assuré »? Daisy « comment payer les assurances dans un cas semblable? » Monsieur papillon « juridiquement que peut on faire » « si vous voulez divorcer, vous avez maintenant une bonne raison »
Leur réaction est inappropriée, et ils ne semblent pas comprendre la gravité de la situation;
Conclusion :
Dans un véritable monde à l'envers, où certains moments sont comiques, la scène dégage un côté inquiétant : Outre l'atmosphère angoissante de la scène, les personnages semblent enfermés dans un système de pensées inadéquats. Devant un événement improbable, les réactions sont étranges et donc inquiétantes. Cette absence de réaction explique que plus tard dans la pièce, tous ces personnages hormis Bérenger seront transformés en Rhinocéros.
- - Analysez les didascalies de la scène
- - Que montrent-elles?
- - Relevez les verbes de mouvement
- - Quels sont les détails qui prouvent que le mouvement domine la scène?
- - Que peut-on dire des répliques?
- - Que marquent les phrases déclaratives? Exclamatives et interrogatives?
- - La scène peut-elle être qualifiée de confuse?
- - Justifiez votre réponse
- - Comment l'impression de cacophonie est-elle mise en évidence?
- - Citez afin de justifier votre réponse
- - Etudiez le mélange des genres
- - Comment transparaît-il tout au long de la scène?
- - Quels sont les effets du comique?
- - A quels niveaux se manifestent-ils?
- - Relevez le champ lexical relatif au comique de mots
- - Quels sont les effets de décalage de la scène?
- - Analysez les
- - Renforcent-ils le comique de la situation?
- - En quel sens peut-on parler d'une parodie du tragique?
- - Comment se traduit-il? Citez pour justifier votre réponse
- - Analysez l'angoisse progressive de la scène
- - L'inquiétude domine t'-elle la scène?
Commentaire et entretien préparé : la scène de la transformation de Jean, II, 2 : Document 3
Le bac en ligne : réussir l'oral
Première partie de l'entretien : la scène de la transformation de Jean
Scène de la transformation de Jean
introduction :
Eugène Ionesco est un auteur dramatique représentant du théâtre de l'absurde. Il est l'auteur de Rhinocéros dont nous allons étudier le tableau 2 de l'acte II; Sa pièce fut publiée en 1959, c'est très probablement l'une de ses pièces les plus célèbres. Nous assistons à la contamination de toute la population par une épidémie appelée rhinocérite.
La scène est située dans le tableau II de l'acte II et prend place chez Jean qui semble malade mais qui en réalité est entrain de se transformer en rhinocéros. Nous verrons dans un premier temps les symptômes de la transformation de Jean en opposition, Bérenger défend l'humanité
I) Transformation de Jean
A] Transformation physique
Les symptômes physiques de sa transformation
→ Ses allers retours incessants font penser à un animal tournant en rond : « allant et venant dans la pièce, entrant et sortant de la salle de bain ». Les didascalies nous montrent qu'il continue ce manège tout au long de la scène par : « même jeu »
→ La difficulté croissante à respirer : « je veux respirer » , puis le souffle de plus en plus bruyant se transformant même en barrissement vers la fin : « soufflant bruyamment », « il barrit presque », « brr, brr » , ainsi que des difficultés à parler « voix très rauque , difficilement compréhensible : Jean apparaît de moins en moins humain
→ On sait que précédemment dans la scène Jean avait le teint verdâtre, comme s'il avait une maladie, mais à présent cela semble plutot être une caractéristique de la rhinocérocerie : « Jean est devenu tout à fait vert »
→ Enfin la bosse devenu corne sur le front confirme tout ce que l'on à pu penser auparavant.
B] Les transformations morales
→ On a un rejet de la civilisation et de l'humanisme qu'il qualifie de « périmé » . Il rejette la notion d'homme, d'humanité.
→ La force et l'agressivité, l'instinct de vie dominent sous sa forme la plus primaire. Jean qui était si imprégné de morale au début de la pièce proclame à présent le retour à la nature sans aucun état d'âme. L'instinct a remplacé la morale. « la nature à ses lois, la morale est anti-naturelle »
→ les forts écrasent les faibles : il occupe tout l'espace pendant que Bérenger ne bouge pas, domination.
C] Le discours de Jean s'apparente aux idéologies totalitaires
→ la reprise anaphorique de « il faut » donne l'impression que Jean impose ses idées sous forme de slogan : « il faut dépasser la morale », « il faut reconstituer les fondements de notre vie », « il faut retourner à l'intégrité primordiale »
→ Il reprend des formules toutes faites, par automatisme, sans réfléchir. Phrases clichés « elle est belle la morale », « la nature à ses lois ».
→ Il cache la brutalité de son idéologie derrière des périphrases « l'intégralité primordiale », « les fondements de notre vie » pour parler de l'état bestial
II) Le personnage de Bérenger va défendre l'humanité
A] un personnage profondément humain
→ Il éprouve de la sollicitude, de l'amitié pour Jean : cela montre son humanité : « mon cher jean », veut appeler un médecin
→ fait des concessions, des efforts pour comprendre son ami : « accordons que », « je vous comprends »
B] Il s'efforce d'exprimer ses conceptions philosophiques
→ D'abord le champ lexical de la réflexion : « vous rendez-vous compte », « je juge », « si je comprends », « réfléchissez », « philosophie », « pensée profonde » « l'esprit ».
→Puis il tente de défendre l'humanisme : argument de la conscience d'appartenir à une lignée « des siècles de civilisation »
C] Inefficace
Malgré les efforts déployés, sa patience est inefficace façe au rhinocérorisme.
→ On lui coupe la parole.Il se transforme.
Conclusion :
Dans cette scène, on assiste pour la première fois à la transformation d'un homme en rhinocéros, qui se manifeste par de multiples symptômes physiques mais aussi moraux puisque Jean rejette peu à peu la civilisation humaine. Bérenger ne veut pas comprendre ce qui arrive à son ami et essaie de le raisonner. Jean incarne un personnage profondément en opposition à la bête que devient Jean. Mais tous ses efforts semblent inefficaces face à la rhinocérocerie. Cette scène est très inquiétante, la transformation des rhinocéros progresse et atteint même des personnes qui semblent imprégnées de morale, ce qui montre que personne n'est à l'abri et que bientôt, tous succomberont comme la pièce le montre. Bérenger, qui était l'anti-intellectuel est le seul qui résiste à cette épidémie.
Deuxième partie de l'entretien sur rhinocéros de Ionesco : la scène de la transformation de Jean
Questions sur la transformation de Jean : toutes les réponses aux questions sont dans le commentaire : respect des axes d'étude.
Plan de l'étude :
- I - Transformations de Jean
- A - Transformations physiques
- B - Transformations morales
- C- Le discours de Jean s'apparente aux idéologies totalitaires
- II - Le personnage de Bérenger va défendre l'humanité
- A - Un personnage très humain
- B - Ses conceptions philosophiques
- C - Inefficace
Questions, Acte II, 2
I - Questionnaire
A -
- - Comment comprendre la transformation de Jean?
- - Quels sont les symptômes physiques de sa métamorphose?
- - A quoi peut-on le comparer?
- - Justifiez votre réponse
- - Que suggèrent les didascalies?
- - Quels sont les expressions de Jean qui traduisent sa difficulté à respirer?
- - Quelles sont les caractéristiques de la "rhinocérite"?
B -
- - Quelles sont les caractéristiques de la transformation de Jean?
- - Justifiez votre réponse
- - L'instinct a t-il remplacé la morale?
C -
- - Peut- on dire que le discours de Jean s'apparente aux idéologies totalitaires?
- - Citez pour justifier votre réponse
- - Relevez une anaphore
- - Que souligne t'-elle?
- - Relevez une phrase cliché : expliquez
- - Relevez une périphrase
II - Questionnaire
A -
- - Comment Bérenger apparaît-il?
- - En quoi pouvons-nous affirmer qu'il défend l'humanité?
- - Citez pour justifier votre réponse
B _
- - Peut-on dire que Bérenger exprime ses conceptions philosophiques?
- - En quoi? Expliquez
- - Relevez le champ lexical de la réflexion
- - Expliquez l'expression " des siècles de civilisation"
C -
- - Face à la montére du rhinocérisme, peut-on dire que sa patience soit efficace?
- - Trouvez vous cette scène inquiétante?
- - Que suggère la fin de la scène?
- - Que représente Bérenger?
- - Pourquoi résiste t'-il à l'épidémie?
Rhinocéros, Ionesco
Acte III : Commentaire, extrait d'un passage, Document 4
Lecture du passage
Bérenger
Cela en avait bien l’air pourtant. Si vous aviez vu dans quel état… l’expression de sa figure…
Dudard
C’est parce que c’est vous qui vous trouviez par hasard chez lui. Avec n’importe qui cela se serait passé de la même façon.
Bérenger
Devant moi, étant donné notre passé commun, il aurait pu se retenir.
Dudard
Vous vous croyez le centre du monde, vous croyez que tout ce qui arrive vous concerne personnellement ! Vous n’êtes pas la cible universelle !
Bérenger
C’est peut (être juste. Je vais tacher de me raisonner. Cependant le phénomène en soi est inquiétant. Moi, à vrai dire, cela me bouleverse. Comment l’expliquer ?
Dudard
Pour le moment, je ne trouve pas encore une explication satisfaisante. Je constate les faits, je les enregistre. Cela existe, donc cela doit pouvoir s’expliquer. Des curiosités de la nature, des bizarreries, des extravagances, un jeu, qui sait ?
Bérenger
Jean était très orgueilleux. Moi, je n’ai pas d’ambition. Je me contente de ce que je suis.
Dudard
Peut-être aimait-il l’air pur, la compagne, l’espace… peut-être avait-il besoin de se détendre. Je ne dis pas ça pour l’excuser…
Bérenger
Je vous comprends, enfin j’essaye. Pourtant, même si on m’accusait de ne pas avoir l’esprit sportif ou d’être un petit-bourgeois, figé dans un univers clos, je resterais sur mes positions.
Dudard
Nous resterons tous les mêmes, bien sur. Alors pourquoi vous inquiétez-vous pour quelques cas de rhino cérite ? Cela peut-être aussi une maladie.
Bérenger
Justement, j’ai peur de la contagion.
Dudard
Oh ! N’y pensez plus. Vraiment, vous attachez trop d’importance à la chose. L’exemple de Jean n’est pas symptomatique, n’est pas représentatif, vous avez dit vous-même que Jean était orgueilleux. A mon avis, excusez-moi de dire du mal de votre ami, c’était un excité, un peu sauvage, un excentrique, on ne prend pas en considération les originaux. C’est la moyenne qui compte.
Bérenger
Alors cela s’éclaire. Vous voyez, vous ne pouviez pas expliquer le phénomène. Eh bien, voilà, vous venez de me donner une explication plausible. Pourtant, il avait des arguments, il semblait avoir réfléchi à la question, muri sa décision… Mais Bœuf, Bœuf, était-il fou lui aussi ?... et les autres, les autres ?...
Dudard
Il reste l’hypothèse de l’épidémie. C’est comme la grippe. Ça c’est déjà vu des épidémies.
Bérenger
Elles n’ont jamais ressemblé à celle-ci. Et si ça venait des colonies ?
Dudard
En tout cas, vous ne pouvez pas prétendre que Bœuf et les autres, eux aussi, ont fait ce qu’ils ont fait, ou sont devenus ce qu’ils sont devenus, exprès pour vous ennuyer. Ils ne se seraient pas donné ce mal.
Bérenger
C’est vrai, c’est sensé ce que vous dites, c’est une parole rassurante… ou peut-être, au contraire, cela est-il plus grave encore ? (On entend des rhinocéros galoper sous la fenêtre du fond.) Tenez, vous entendez ? (Il se précipite vers la fenêtre.)
Dudard
Laissez-les donc tranquilles ! (Bérenger referme la fenêtre.) En quoi vous gênent-ils ? Vraiment, ils vous obsèdent. Ce n’est pas bien. Vous vous épuisez nerveusement. Vous avez eu un choc, c’est entendu ! N’en cherchez pas d’autres. Maintenant, tachez tout simplement de vous rétablir.
Bérenger
Je me demande si je suis bien immunisé.
Dudard
De toute façon, ce n’est pas mortel. Il y a des maladies qui sont saines. Je suis convaincu qu’on en guérit si on veut. Ç a leur passera, allez.
Bérenger
Ça doit certainement laisser des traces ! Un tel déséquilibre organique ne peut pas ne pas en laisser…
Dudard
C’est passager, ne vous en faites pas.
Bérenger
Vous en êtes convaincu ?
Dudard
Je le crois, oui, je le suppose.
Bérenger
Mais si on ne veut vraiment pas, n’est-ce pas, si on ne veut vraiment pas attraper ce mal qui est un mal nerveux, on ne l’attrape pas, on ne l’attrape pas !...Voulez-vous un verre de cognac ?
Ionesco, Rhinocéros, acte III
Introduction
Nous allons étudier un passage de Rhinocéros de Ionesco, l'acte III. Eugène Ionesco est né le 26 novembre 1909 en Roumanie et mort le 28 mars 1994 à Paris.
C'est un écrivain dramaturge représentant du théâtre de l'absurde en France. Il est également l'auteur de la Cantatrice chauve et des Chaises.
Rhinocéros est une pièce de théâtre parue pour la première fois en 1959. Elle appartient au théâtre de l'absurde. A travers cette pièce, Ionesco traduit son effroi pour les formes de totalitarisme. Il manifeste ainsi son engagement politique dans toute la littérature mondiale.
Le théâtre de Ionesco nous fait réfléchir à l'étrangeté du monde, l'absurde, la solitude de l'homme et son vide existentiel.
Situation du passage.
Dans le passage qui nous intéresse, le lecteur voit les personnages se transformer tour à tour.
Ionesco met en scène une épidémie imaginaire de rhinocérite = les humains se transforment en rhinocéros. C'est une allégorie qui représente la montée du totalitarisme au Xxe siècle. Bérenger sera le seul personnage de la pièce à ne pas se métamorphoser, il se s'animalise pas. Il est aussi celui qui fera une véritable crise identitaire.
Juste après la transformation de Jean, Bérenger commence à ressentir les mêmes symptômes (car il ne s'est pas jusque là transformé en rhinocéros) décrits préalablement par Jean. Son ami Dudard lui rend visite.
Un dialogue se met en place et nous en analyserons le sens et la portée.
Annonce du plan
Nous verrons dans un premier temps la portée dans la progression du dialogue chez Dudard et en second lieu l'humanisme de Bérenger.
I – Progression dans le dialogue / Les arguments de Dudard
Portée de cette progression à trois niveaux
II – L'humanisme de Bérenger
Développement
I – Progression dans le dialogue : portée de cette progression à trois niveaux
Première justification médicale : déculpabilisation de la métamorphose
Folie et fatalité
Nous voyons le personnage Dudard tenter de comprendre l'animalisation des personnages victimes de la métamorphose en rhinocéros. Sa tentative de compréhension est tout d'abord médicale. Il approche la question du rhinocérisme d'un point de vue médical. En effet, il essaye de déculpabiliser, de déresponsabiliser les personnages métamorphosés car estime t'-il, c'est une épidémie. Ce sont donc de simples victimes qui n'ont pas choisi cela et qui subissent la transformation animale. Nous avons toutefois une autre cause évoquée, celle de la folie. La déshumanisation est assimilée à l'impuissance de l'homme comme si ce dernier devait fatalement quitter son humaine condition. Le passage de la condition humaine à la condition animale se justifie donc dans un premier temps par l'aspect médical de la question mais bien vite, elle sera envisagée autrement. Le tragique de la situation est atténué par la phrase pleine d'espérance du personnage, celui qui se transforme est une simple victime mais « on en guérit si on veut ». Cette précision traduit la méconnaissance des causes du rhinocérisme car en fait les causes de la transformation ne sont pas identifiées. C'est pourquoi, il tente une seconde approche.
Deuxième justification possible de la métamorphose
C'est une simple logique
L'analyse est tout d'abord empirique, «je constate les faits, je les enregistre ». On part des faits pour établir d'un point de vue déductif, une vérité logique qui semble incontournable car en fait, la logique est par définition formellement vraie donc le raisonnement ne peut échapper à la vérité. Ainsi de cette logique purement déductive, l'animalisation se voit réduite à une logique implacable à laquelle on ne peut échapper, «cela existe, donc cela doit s'expliquer ». Les tentatives de rationalisation, d'intellectualisation ne rendent pas vraiment compte du tragique de cet état mais simplement de l'effort fourni pour le comprendre. La relation causale entre les faits et l'explication n'est pas une approche suffisante pour rendre compte au niveau déductif de l'absurdité de la métamorphose animale de l'homme en rhinocéros. C'est pourquoi, il tente une troisième tentative explicative.
Troisième justification possible de l'animalisation
Les origines restent inconnues donc, peut-être est-ce purement psychologique
Dudard ne parvient pas à identifier la cause = il tente une nouvelle approche par la psychologie et banalise le phénomène en ces termes = « peut-être aimait-il la campagne, l’espace.. peut-être avait-il besoin de se détendre » ou encore, « c’était un excité, u peu sauvage, un excentrique ». Son impuissance à comprendre vraiment les causes profondes de la métamorphose transparaît à ce niveau d'analyse car ainsi que le suggère la citation, rien ne justifie une telle assimilation à des causes psychologiques. L'excentrique ou l'amoureux de la campagne ne sont pas pour autant destinés à s'animaliser. Rien ne justifie une telle réduction de la question.
Transition
L'impuissance de Dudard à rendre compte du phénomène du rhinocérisme laisse place dans le dialogue à l'humanisme de Bérenger qui se manifeste par rapport à la question de manière plus rationnelle.
II – L'humanisme de Bérenger
Une compréhension plus philosophique.
Une attitude socratique et cartésienne
L'attitude de Bérenger n'a rien de commun avec Dudard. On pourrait assimiler son questionnement à l'attitude socratique. En effet, il s'interroge, se concentre, se questionne, remet en cause, tente de comprendre à un autre niveau la métamorphose de l'homme en animal rhinocéros. Son attitude socratique est donc philosophique, son approche est nouvelle et plus cohérente car il est le survivant de la race humaine. Il s'applique à remonter à l'essence de l'homme car cette race est en voix de disparition. L'homme laisse place au rhinocéros, mais pourquoi ? Voici la question fondamentale. Il doute tel Descartes dans son cheminement de pensée, il doute encore et encore, se dévoile philosophe en pensée et en acte. Il doute pour exister et trouver la justification à la transformation de l'existence humaine à l'existence animale.
Le rhinocérisme est incompréhensif
Du doute cartésien au doute sceptique
Aucune justification n'est trouvée
Malgré ses efforts de compréhension, Bérenger échoue. Il ne parvient pas vraiment à comprendre ce phénomène, il n'est pas séduit pas les tentatives d'explication de Dudard mais ne trouve pas non plus de réelles causes du mal. La parole de Dudard est assimilée à une simple parole rassurante mais sans grande portée.
Sa volonté demeure cependant intacte, son désir de comprendre est intègre, le doute en manifeste l'authenticité = « pourtant, même si on m’accusait…, je resterais sur nos positions ». A défaut d'intellectualisation, il prend possession d'un désir rassurant, une conviction profonde = « Si on ne veut vraiment pas attraper ce mal… on ne l’attrape pas ».
CONCLUSION
La question du rhinocérisme met en avant les oppositions idéologiques des personnages en scène, Dudard et Bérenger. Nous verrons Bérenger à la fin de la pièce prêt à combattre les rhinocéros, il réaffirmera son humanité à travers la phrase, « je suis le dernier homme ».
Pour ce qui est du troisième acte, il progresse dans les oppositions idéologiques, nous avons d'un côté Dudard qui ne prend parti pour aucune cause et de l'autre Bérenger, humaniste plus engagé en quête de vérité.
Ouverture possible
Il incarne le héros tragique. Cependant Rhinocéros est ouvert à de multiples interprétations. Devons-nous faire de Bérenger un anti-héros ? Un résistant ? Le lecteur spectateur est libre dans son interprétation du dénouement.
Ionesco, Rhinocéros, acte III le monologue final, commentaire : Document 5
- Rhinocéros, : Eugène Ionesco
- le monologue final de Bérenger
- Pièce jouée pour la première fois en 1958
Lecture du texte :
-
Rhinocéros, Ionesco
-
Acte III, le monologue final de Bérenger
Bérenger, se regardant toujours dans la glace.
Ce n’est tout de même pas si vilain que ça un homme. Et pourtant, je ne suis pas parmi les plus beaux! (Il se retourne.) Daisy! Daisy! Où es-tu, Daisy? Tu ne vas pas faire ça! (Il se précipite vers la porte). Daisy! (Arrivé sur le palier, il se penche sur la balustrade.) Daisy! Remonte! Reviens, ma petite Daisy! Tu n’as même pas déjeuné! Daisy, ne me laisse pas tout seul! Qu’est-ce que tu m’avais promis! Daisy! Daisy! ((Il renonce à l’appeler, fait un geste désespéré et rentre dans sa chambre.) Evidemment. On ne s’entendait plus. Un ménage désuni. Ce n’était plus viable. Mais elle n’aurait pas du me quitter sans s’expliquer. (Il regarde partout.) Elle ne m’a pas laissé un mot. Ça ne se fait pas. Je suis tout à fait seul maintenant. (Il va fermer la porte à clé, soigneusement, mais avec colère.) On ne m’aura pas, moi. (Il ferme soigneusement les fenêtres.) Vous ne m’aurez pas, moi (Il s’adresse à toutes les têtes de rhinocéros.) Je ne vous suivrai pas, je ne vous comprends pas ! Je reste ce que je suis. Je suis un être humain. Un être humain. (Il va s’asseoir dans le fauteuil.) La situation est absolument intenable. C’est ma faute, si elle est partie. J’étais tout pour elle. Qu’est-ce qu’elle va devenir ? Encore quelqu’un sur la conscience. J’imagine le pire, le pire est possible. Pauvre enfant abandonnée dans cet univers de monstres ! Personne ne peut m’aider à la retrouver, personne, car il n’y a plus personne. (Nouveaux barrissements, courses éperdues, nuages de poussière.) Je ne veux pas les entendre. Je vais mettre du coton dans oreilles. (Il se met du coton dans les oreilles et se parle à lui-même dans la glace.) Il n’y a pas d’autre solutions que de les convaincre, les convaincre, de quoi ? Et les mutations sont-elles réversibles ? Hein, sont-elles réversibles ? Ce serait un travail d’Hercule, au dessus de mes forces. D’abord, pour les convaincre, il faut leur parler. Pour leur parler, il faut que j’apprenne leur langue. Ou qu’ils apprennent la mienne ? Mais quelle langue est-ce que je parle ? Quelle est ma langue ? Este du français, ça ? Ce doit bien être du français ? Mais qu’est-ce du français ? On peut appeler ça du français, si on veut, personne ne peut le contester, je suis seul à le parler. Qu’et-ce que je dis ? Est-ce que je me comprends, est-ce que je me comprends ? (Il va vers le milieu de la chambre.) Et si, comme me l’avait di Daisy, si c’est eux qui ont raison ? (Il retourne vers la glace.) Un homme n’est pas laid, un homme n’est pas laid ! (Il se regarde en passant la main sur sa figure.) Quelle drôle de chose ! A quoi je ressemble alors ? A quoi ? (Il se précipite vers un placard, en sort des photos, qu’il regarde.) Des photos ! Qui sont-ils tous ces gens-là ? M. Papillon, ou Daisy plutôt ? Et celui-là, est-ce Botard ou Dudard, ou Jean ? Ou moi, peut-être ! (Il se précipite de nouveau vers le placard d’où il sort deux ou trois tableaux.) Oui, je me reconnais ; C’est moi, c’est moi. (Il va raccrocher les tableaux sur le mur du fond, à coté des têtes des rhinocéros.) C’est moi, c’est moi. (Lorsqu’il accroche les tableaux, on s’aperçoit que ceux-ci représentent un vieillard, une grosse femme, un autre homme. La laideur de ces portraits contraste avec les têtes des rhinocéros qui sont devenues très belles. Bérenger s’écarte pour contempler les tableaux.) Je ne suis pas beau, je ne suis pas beau. (Il décroche les tableaux, les jette par terre avec fureur, il va vers la glace.) Ce sont eux qui sont beaux. J’ai eu tort ! Oh ! Comme je voudrais être comme eux. Je n’ai pas de corne, hélas ! Que c’est laid, un front plat. Il m’en faudrait une ou deux, pour rehausser mes traits tombants. Ca viendra peut-être, et je n’aurai plus honte, je pourrai aller tous les retrouver. Mais ça ne pousse pas ! (Il regarde les paumes de ses mains.) Mes mains ont moites. Deviendront-elles rugueuses ? (Il enlève son veston, défait sa chemise, contemple sa poitrine dans la glace.) J’ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc, et poilu ! Comme je voudrais avoir une peau dure et cette magnifique couleur d’un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur ! (Il écoute les barrissements.) Leurs chants ont du charme, un peur âpre, mais un charme certain ! Sine pouvais faire comme eux. (Il essaye de les imiter.) Ahh, ahh, brr ! Non, ça n’est pas ça ! Essayons encore, plus fort ! Ahh, ahh, brr ! Non, non, ce n’es pas ça, que c’est faible, comme cela manque de vigueur ! Je n’arrive pas à barrir. Je hurle seulement. Ahh, ahh, brr ! Les hurlements ne sont pas des barrissements : Comme j’ai mauvaise conscience, j’aurais du les suivre à temps. Trop tard maintenant ! Hélas, je suis un monstre, je suis un monstre. Hélas, jamais je ne deviendrai rhinocéros, jamais, jamais ! Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. J’ai trop honte ! (Il tourne le dos à la glace.) Comme je suis laid ! Malheur à celui qui veut conserver son originalité ! (Il a un brusque sursaut.) Eh bien tant pis ! Je me défendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine ! (Il se retourne face au mur du fond où sont fixées les têtes des rhinocéros, tout en criant) Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le renterai jusqu’au bout! Je ne capitule pas!
COMMENTAIRE
Sujet :
Vous ferez le commentaire de cet extrait de Rhinocéros de Ionesco, vous pouvez étudier le rôle de la parole impuissante et disloquée pour illustrer l’absurde au niveau du langage, puis la portée philosophique du texte.
Plan proposé de l'étude :
- I - L'absurde au niveau du langage : l'enfermement de l'homme dans la parole
- 1 - L'impuissance de la parole
- 2 - Le malaise dans la communication des personnages
- Transition
- II - La portée philosophique du monologue
- 1 - La portée existentielle
- 2 - La loi de la majorité
- Conclusion avec ouverture
INTRODUCTION
Dans le cadre de notre étude, nous verrons le monologue final de Bérenger. Ce passage est extrait de Rhinocéros de Ionesco, auteur dramaturge du Xxème siècle dont la thématique essentielle et dominante est l'absurde qui se manifeste à différents niveaux dans toute son oeuvre. Parmi les plus représentatives de ses tendances littéraires théâtrales “absurdes”, nous citerons, la cantatrice chauve et rhinocéros. Nous savons que le théâtre de l'absurde, terme qui nous vient de l'écrivain Martin Esslin en 1962, est un genre apparu dans les années 1940 qui a pour caractérique essentielle de rompre avec le genre classique comme le drame par exemple, ou encore la comédie. Le thème majeur est celui de l'absurdité de la vie et de la condition humaine en général qui conduit fatalement à la mort, autre concept au ressort absurde et à connotation existentielle. Concernant l'origine de cette pensée, nous pourrions dire qu'elle correspond à la chute de l'humanisme et qu'elle s situe aux alentours de la seconde guerre mondiale.
Le monologue final que nous nous proposons d'étudier a pour fonction de proposer un dénouement à la pièce de Ionesco.
Pour situer le cadre d'ensemble, nous dirons que le monologue prend forme au moment du départ de Dudart, personnage important de la pièce qui représente l'échec de l'intelligence face à la montée du totalitarisme envahissant. Dans le même temps, en opposition deux autres personnages de l'histoire échappent à cet état d'esprit totalitaire montant en rêvant d'amour et de bonheur à venir, il s'agit de Bérenger et de Daisy. Tous leurs efforts sont concentrés sur leur volonté de résistance face aux assauts des animaux pour sauver le monde en danger. Mais le départ de Daisy va ensuite marquer l'échec du sentiment d'amour face au totalitarisme triomphant. Bérenger se retrouve seul, il est en fait le dernier homme non transformé en rhinocéros et de fait il est le dernier espoir de sauver l'homme et le monde. Il se doit donc de défendre la cause humaine contre la montéé et l'invasion du rhinocérisme.
Dans le but de répondre à notre problématique :
en quoi ce monologue est il absurde? Nous verrons dans un premier temps l'absurde au niveau du langage qui enferme l'homme dans la parole et en second lieu les implications et visées philosophiques de Ionesco, le sens profond du monologue.
I – L'absurde au niveau du langage : l'enfermement de l'homme dans la parole
1 – L'impuissance de la parole
Le paradoxe s'ouvre dans un premier temps sur la dislocation du langage. Bérender devient héros malgré lui mais il est confronté à l'impuissance du langage. L'absurde qui se situe au niveau du langage dépasse sa signification première, il connote l'absurde de la condition humaine qui, douée de parole, ne peut s'exprimer. L'homme aurait donc un langage disloqué voué au non-sens. Les mots échappent à l'homme, seul être doué de parole. Notre héros se laisse dominer par l'impuissance linguistique et émotive, ses émotions le submergent et dans le même temps que les mots, lui échappent au point que le monologue devient à lui seul, un non sens, une confusion. Pour traduire cet aspect de manière hyperbolique, Ionesco se sert d'une ponctuation abusive. Nous notons en effet un nombre important de points d'exclamation ainsi que des répétitions : “Crois moi Daisy! Daisy! Daisy...” Les points d'interrogation soulignent également l'étrange confusion du monologue, on peut à cet égard citer : “ Daisy, où es tu Daisy? Tu ne vas pas faire ça Daisy?” ou encore : “ Quelle est ma langue? Est-ce du français? “ Les phrases nominales renforcent encore de manière paroxystique l'impuissance du langage : “un ménage désuni”.
2 – Le malaise dans la communication des personnages
Le langage extrêmement confus rend le monologue étrange et incompréhensible et la communication entre les personnages impossible. Nous sommes dans le non-sens qui au niveau plus philosophique pourrait traduire le mal existentiel profond de Bérenger sombrant dans la plus parfaite et irréversible solitude. Sa parole, centrée sur elle-même nous renvoie au malaise du personnage qui se doit de prendre conscience et accéder à la lucidité de son état critique : il est le seul homme à ne pas s'être métamorphosé en rhinocéros, perdu au mileu d'une humanité transformée et victime de rhinocérite aigue. Il est donc porteur d'une humanité a priori perdue qu'il doit sauver en se prouvant qu'il est encore humain. Son recours : le langage, or le langage ne fonctionne plus, il ne remplit plus ses fonctions premières et l'absurde est à son paroxysme : «il n’y a pas d’autre solution que de les convaincre». Les rhinocéros n'entendent pas le langage des hommes, ils sont dépourvus de réflexion et de parole, c'est pourquoi, notre héros décide d'entrer en communication avec les animaux en barrissant. Il va parler «leur langue». En vain, l'échange attendu ne trouve pas de répondant. Il se retrouve seul face à lui même.
Transition
Nous sommes à ce niveau de notre étude confrontés aux thèmatiques inhérentes au théâtre de l'absurde qui trouvent leur expression la plus grande dans le non sens. La communication et donc l'intersubjectivité sont interdites à l'homme enfermé en lui-même.
II/ Le sens philosophique du monologue
1 - La portée existentielle
La question est celle de l'inversion des valeurs. L'absurde pousse Bérenger à vouloir faire en sorte que les rhinocéros redeviennent humains. Il tente de changer l'ordre des choses, ce qui n'est pas sans rappeler les interrogations philosophiques de nos penseurs qui déjà estimaient qu'il fallait mieux changer l'ordre de ses désirs plutôt que l'ordre du monde ( Descartes). Les connotations existentielles sont lourdes, l'angoisse est réelle et se traduit dans cette tentative désespérée. Il y va de la survie du peu d'humanité qu'il porte encore en lui, c'est une obligation morale d'humaniser les hommes devenus “animaux”. La question de l'autre est ainsi abordée dans ce qu'elle a de plus inaccessible, l'autre pourtant un autre moi- même, mon alter ego est perçu comme intouchable, fermé sur lui-même, je suis étranger à l'autre et je ressens pourtant une certaine proximité. Ma conscience qui m'ouvre à autrui est aussi celle qui me ferme sur moi-même et me fait me sentir seul et étranger. Nous trouvons la traduction de ce questionnement philosophique dans l'image du miroir. En effet, Bérenger cherche toujours à refléter son image dans le miroir car son image n'est plus réfléchie dans le regard des autres, cet autre moi-même. «Quelle drôle de chose ! Mais à quoi je ressemble alors?» Son identité semble perdue car aucun homme ne peut plus la refléter.
2 - La loi de la majorité
La question des valeurs et des repères devient dramatique, voire tragique pour Bérenger cherchant toujours son reflet. Mais le symbolisme du miroir nous fait comprendre que la loi dont il est ici question est celle de la majorité. La solitude est si pesante qu'un nouveau glissement des valeurs s'opère, Bérenger ne sait plus ce qu'est un homme et à plus forte raison, qui il est lui-même : «un homme n’est pas laid». Il regrette ainsi de n'être pas lui aussi métamorphosé en rhinocéros » ce sont eux qui sont beaux. J’ai eu tord! Oh! Comme je voudrais être comme eux». Le rhinocérisme est gagnant ce qui illustre le totalitarisme triomphant.
CONCLUSION
Notre héros est en fait à la lecture de ce passage essentiel de la pièce, un anti-héros. Le renversement des valeurs au niveau esthétique est très net, il s'agit de ranger au côté de la majorité, être beau c'est être transformé en rhinocéros. Le danger d'une majorité mal éclairée est ici à l'honneur et objet de critique de Ionesco. Ce combat pour l'humanité agonisante à l'image d'un monde en plein déclin illustre l'absurde de l'homme trahi par le conformisme et condamné à un mal existentiel profond.
Date de dernière mise à jour : 17/05/2019