La Fontaine, la Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf

 

Dnbac commentaires

 

*** Lecture du commentaire dans son intégralité

La grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf

  • Jean de la Fontaine
  • Livre I, fable 3

Jean de la Fontaine

Introduction:

Jean de La Fontaine (8 juillet 1621 à Château-Thierry, 13 avril 1695 à Paris) est un poète français de la période classique dont l'histoire littéraire retient essentiellement les Fables et dans une moindre mesure les contes licencieux. On lui doit cependant des poèmes divers, des pièces de théâtre et des livrets d'opéra qui confirment son ambition de moraliste. Ses Fables constituent la principale œuvre poétique de la période classique, et l’un des plus grands chefs d’œuvre de la littérature française. Travail de réécriture des fables d’Ésope (par exemple La Cigale et la Fourmi), de Phèdre, Abstémius, de Pañchatantra (Pilpay), mais aussi de textes d’Horace, de Tite-Live (« les Membres et l’estomac »), de lettres apocryphes d’Hippocrate (« Démocrite et les Abdéritains »), et de bien d’autres encore, elles constituent une somme de la culture classique latine et grecque, et s’ouvrent même dans le second recueil à la tradition indienne.

 

Lecture de la fable :

LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF

  • Une Grenouille vit un Bœuf
  • Qui lui sembla de belle taille.
  • Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
  • Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
  • Pour égaler l'animal en grosseur,
  • Disant : Regardez bien, ma sœur ;
  • Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
  • Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?
  • Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
  • S'enfla si bien qu'elle creva.
  • Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
  • Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
  • Tout petit prince a des ambassadeurs,
  • Tout marquis veut avoir des pages.

Cette fable allie tradition et innovation . La Fontaine prend partie pour les anciens dans la querelle des anciens et des modernes. C’Est pourquoi, il s’inspire d’auteurs antiques - Phèdre et Horace - pour créer sa fable. Cependant, afin de rendre sa fable plus constructive, le fabuliste cultivé élabore un récit original et plein d’agréments.

Problématique :

-  Peut-on dire que La Fontaine nous instruise avec virtuosité?

Tout d’abord , nous verrons que cette fable est une réécriture des textes antiques, tel que pratiquent les anciens. Puis nous analyserons la manière dons La Fontaine excelle dans le genre de la fable par l’agrément du récit et par la justesse de sa morale. Enfin nous préciserons combien cette fable est un modèle du classicisme par son utilité et son agrément

 

Analyse de la fable

I_ Une fable traditionnelle reprise des anciens: la réécriture.

Dans cette fable, La Fontaine met en scène une grenouille qui symbolise la vanité des hommes. Il s’agit d’une histoire connue. En outre, le genre se sert souvent de la personnification d’animaux pour fustiger les défauts humains.

1. Fable reprise de Phèdre

La Fontaine place la morale à la fin , ménageant le suspens. Il étoffe cette morale un peu brutale en conservant un ton universel « Les gens » ( v. 11) puis en ajoutant une énumération des classes sociales qui vise la société  dont il  est contemporain « bourgeois, grands seigneurs, prince, marquis, pages ».

Il développe l’intrigue: il agrémente la description de l’animal au vers 3 ; il introduit des étapes ou des péripéties: le grossissement procède par efforts successifs que nous repérons grâce à l’introduction d’un dialogue avec une sœur de la grenouille v.6-9

Texte de Phèdre :

Le pauvre, en voulant imiter le puissant, se perd. Dans la prairie un jour une grenouille se mit à contempler un boeuf. Prise de jalousie à la vue d'une si grande taille, elle gonfla sa peau ridée. Puis elle demanda à ses petits si elle n'était pas plus grosse que le boeuf. Ils lui dirent que non. De nouveau elle tendit sa peau avec de plus grands efforts et demanda encore qui des deux était le plus gros. Ils lui dirent : « C'est le boeuf. » Enfin, emportée par le dépit, elle voulut s'enfler davantage, mais elle creva et tomba morte

2. Un dialogue repris d’Horace

Le dialogue ajoute une certaine vivacité dans le récit en aidant l’auditeur à se figurer mentalement le personnage ; il remarquera sa manière personnelle de s’exprimer. Ici, allusion à la fable violente: le verbe « crever » l’illustre:

3.Le plaisir du lecteur/auditeur des fables du XVII éme siècle:

La Fontaine ne peut être accusé de plagiat: ce n’est pas une imitation servile mais un enrichissement de la fable. Le public cultivé des fables lues dans les salons de XVII ème siècle éprouve le plaisir de reconnaître ces œuvres citées et de leur transformation: ces poètes font partie du corpus étudié en classe à l’époque. Les fables sont un discours spirituel destiné aux hommes de cour.

La Fontaine est un auteur classique qui peut être qualifié d’ancien dans la querelle des anciens et des modernes

Transition:

 La fable traditionnelle reprise des anciens est malgré tout innovante par le travail de l’écriture en particulier le classicisme du style

 

II_ Une fable innovante par le travail de l’écriture du style:

La Fontaine suit les règles d’écriture de son époque: Le classicisme. Dans Art poétique, Boileau explique comment l’auteur classique doit rédiger son texte en fonction du genre qu’il choisit. Nous pouvons citer ces vers pour montrer quel soin le poète doit apporter à son travail, nous nous proposons à présent d’analyser le style de La Fontaine

1. Le choix des mots doit être précis et La Fontaine sculpte son texte jusqu’au choix des lettres

Analysez les procédés :

Assonance en [e]: Gr-e-nouill-e, eu, oeu ; Or si l’on compare « grenouille » et « boeuf », il semble que la grenouille doive élargir son [e] comme sa taille

Allitération en [s]: Envieu-s-e, s’-étend, s’-enfle et s-e travaille; on entend le sifflement de l’air qui se comprime dans la peau distendue de la grenouille s’échapper…

Mot inclus dans un autre: Taille = T[rav]aille; Bœuf = Œuf : Ces procédés illustrent le grossissement de l’animal.

2.Recherche du mot juste pour son sens et son étymologie:

- Chétive: mot qui vient du latin « captivus », qui signifie « prisonnier ou malheureux ». Pour le philosophe stoïcien Sénèque, le chétive est un prisonnier d’une passion et pour les chrétiens, le chétive est celui qui est prisonnier du péché:

c’est le misérable. Par la suite le mot désigne une personne faible physiquement.

Ce mot est aussi a l’origine du mot « ch’timi » dans le dialecte du Nord de la France.

Ici, chétive signifie une personne prisonnier de son corps.

- Pécore: animal stupide. C’est une insulte. Nom à valeur péjorative: sa connotation indique un jugement de l’auteur. Cela traduit un mépris de La Fontaine pour cette grenouille.

-Creva: ce mot en latin pouvait signifier : « éclater, mourir ou crier ». C’est trois sens étymologiques sont utilisés par La Fontaine. La grenouille éclate bruyamment après son enflement qui est suggéré par l’allitération (S)

3.Versification:

La longueur des vers mime l’action dans le récit et dans la morale.

Dans la morale, l’alexandrin est suivi d’un décasyllabe puis d’un octosyllabe. La structure suit une réduction constante. Plus le vers est petit, plus la vanité de la personne critiquée est grande .

Transition:

Au Classicisme du fabuliste s’ajoute la morale de la fable utile et instructive.

 

III_ Une fable utile et instructive, le sens de la morale

1.Satire de la nature humaine

Prétention, vantardise, vanité, fatuité, être imbu de soi-même, etre infatué, être un fait, …La morale est à visée universelle d’où le présent de vérité générale « est » v.11. La Fontaine est moraliste .

2.Satire de ses contemporains

Le bourgeois qui veut être Noble est un personnage repris par le bourgeois gentilhomme de Molière. Cela est peut etre une allusion à la rivalité entre Fouquet et Colbert…

À cette époque, les bourgeois enrichis achetent des palais princiers ce qui traduit une mutation économique de la société.

Le roi reçoit l’ambassadeur d’un duc, le duc de Mantoue ! Ce peut etre un fait d’actualité.

Pages=nobles en formation chez un noble de moindre importance: le grade le plus bas de la noblesse de peut avoir de page ! Or, le marquis en est pourvu. Moliere se moque

3.Que symbolise la grenouille ?

La grenouille est l‘emblème de la vanité de l‘homme

 

Vanité :

L’adjectif « vain » vient du latin « vanus » qui signifie: « vide, creux, sans substance » d’où le sens de « mensonger, trompeur, vaniteux au sens de prétentieux ». De là, on en déduit que la vanité est aussi un manque de quelque chose : l’envers de la vanité est donc la misère comme le dit le  philosophe Pascal.

Ainsi, la grenouille gonflée d’air éclate et il n’en reste rien…

Conclusion:

Une fable réécrite en style classique d’après le modèle antique pour fustiger les défauts des contemporains et des hommes  en général.

 

Ouverture:

La vanité est aussi présentée dans une autre fable de La Fontaine « La mort et le Bûcheron »

La vanité place l’homme dans une certaine position = « souffrir ou mourir »

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

Les commentaires sont clôturés