Ronsard, Douce beauté meurtrière de ma vie, étude
Douce beauté meurtrière de ma vie, Ronsard
Lecture de la poésie
Douce beauté, meurtrière de ma vie,
En lieu d'un coeur tu portes un rocher.
Tu me fais vif languir et dessécher,
Passionné d'une amoureuse envie.
Le jeune sang qui d'aimer te convie,
N'a pu de toi la froideur arracher,
Farouche, fière, et qui n'as rien plus cher
Que de languir froide, et n'être point servie.
Apprends à vivre, ô fière en cruauté.
Ne garde point à Pluton ta beauté,
Quelque peu d'aise en aimant il faut prendre.
Il faut tromper doucement le trépas ;
Car aussi bien sous la terre là-bas
Sans rien sentir, le corps n'est plus que cendre.
Ronsard, Les Amours
Les amours, « Douce beauté, meurtrière de ma vie »
Pierre de Ronsard (1524 – 1585)
Introduction
Nous allons étudier une poésie de Pierre Ronsard, poète de la Pléiade dont les dates sont 1524 et 1585. Du Bellay et Ronsard fondent le groupe de la Brigade. En quête d'une nouvelle poésie française, ils s'inspirent de l'antiquité. C'est en 1553 que la Brigade prend le nom de la Pléiade avec 7 poètes, Du Bellay, Ronsard, De Baif, Belleau, Jodelle, Pelletier du Mans, Pontus de Tyard et Dorat.
Il s'agit d'un sonnet, deux quatrains et deux tercets ou sizain. C'est un sonnet traditionnel. Il est composé se décasyllabes et est d'inspiration pétrarquiste. La thématique est celle de l'amour et appelle une mise en scène amoureuse par l'usage de la première personne du singulier, le «je ». Par cette rhétorique amoureuse jouée, le poète s'adresse à sa bien aimée Cassandre. On retrouve le thème récurrent du Carpe Diem, invitation à l'amour déjà présent dans bien d'autres sonnets, comme pour ne citer que celui-ci, Quand vous serez bien vieille. Le Carpe Diem est une invitation à profiter du moment présent. Le memento mori signifie «souviens-toi de mourir », souviens toi de ta condition mortelle et vis le moment qui passe, profite de l'instant car fatalement ton humaine condition est soumise à sa destinée mortelle.
Annonce du plan :
Dans un premier temps, nous étudierons la structure du sonnet pétrarquiste et en second lieu, les envolées lyriques du poète
I – La structure du sonnet pétrarquiste
II – Les envolées lyrique du poète.
Problématique :
En quoi ce sonnet pétrarquiste met-il en évidence le lyrisme du poète ?
Développement
I – La structure du sonnet pétrarquiste
La composition du sonnet
De ce sonnet, nous retiendrons tout d'abord sa composition, il s'agit d'un poème composé de deux quatrains et de deux tercets. Les deux quatrains sont en rimes embrassées. Il s'opère une inversion de la situation entre les deux quatrains et le sizain. En effet, le poète accuse la froideur glaciale de l'aimée ainsi que le suggère le champ lexical, «rocher », « languir », « dessécher », « meurtrière », « la froideur arracher », «froideur ». L'amour recherché ne trouve pas d'écho, la passion du poète se heurte et ne trouve que refus et rejet. L'oxymore du vers 1 « Douce beauté meurtrière de ma vie » souligne l'indifférence de Cassandre à qui il s'adresse. Les deux tercets sont évocateurs du Carpe Diem et du mémento mori.
Un sonnet pétrarquiste
De part son thème, l'amour et ses jeux d'oppositions, le sonnet s'inspire du modèle pétrarquiste.
L'inspiration est pétrarquiste à plusieurs niveaux.
Dans un premier temps, les marques de subjectivité le suggèrent. On remarque la présence du pronom personnel singulier, «je » qui marque les envolées lyriques du poète.
Les oppositions entre la passion fougueuse du poète et la froideur de Cassandre. L'amour se heurte au rejet glacial de la femme aimée toujours fermée sur elle-même, ne sachant pas aimer et s'ouvrir à la passion.
Les figures de style traduisent l'inspiration pétrarquiste. On remarque la présence de métonymies, vers 1, «ma vie » pour dire le poète, vers 5, «le jeune sang », «Douce beauté » pour dire Cassandre. L'amour du poète affronte la froideur de Cassandre par les antithèses, on peut citer à cet égard, « Douce/meurtrière », « cœur/rocher », « vivre/trépas » et « jeune sang/languir ». La figure de rhétorique la plus évocatrice se trouve au vers 1 avec l'oxymore, « meurtrière de ma vie ». Nous avons en outre une métaphore filée (suite de métaphores sur le même thème) du rocher et de sa froideur, « rocher », vers 2, « dessécher », vers 3, « froideur », vers 6 et « froide » au vers 8.
II – Les envolées lyriques du poète
Le thème du lyrisme est associé à celui de l'amour, il devient l'expression d'un moi qui exprime ses impressions, ses souffrances et ses émotions. Nous n'avons que des pronoms personnels sujets « je », des possessifs, « ma ». Le poète est en outre désigné de manière métonymique par «le jeune sang ». Dans les deux quatrains, l'expression du moi est associé au tutoiement aux vers, 2, 3, 5, 6 et 7. Le poète est le sujet, il s'adresse à Cassandre ainsi que le précisent les pronoms «te » et « toi ».
L'amour s'exprime dans la force de sa souffrance, dans un jeu d'oppositions, de refus car la femme reste froide et fermée. L'amour ne trouve aucune réponse et se heurte à la froideur de l'aimée. Le poète fait figure de victime
A la fin du sonnet, dans le sizain, l'invitation à aimer prend forme, le poète invite Cassandre à l'amour, à profiter de la vie en vivant ses passions et en s'ouvrant à l'amour. C'est le thème du Carpe Diem « Apprends à vivre », vers 9, « Ne garde point à Pluton ta beauté », vers 10.
Le Carpe Diem est une philosophie qui permet de conjurer la fatalité de la mort en vivant l'instant. Il faut profiter du temps qui passe en vivant et en profitant de sa jeunesse et de l'amour. Cette philosophie connote le temps qui passe et l'issue fatale de notre condition de mortels.
Beaucoup de poésies de Ronsard mettent en avant le Carpe Diem.
Conclusion
Ainsi, au terme de notre étude, nous avons vu que cette poésie pétrarquiste traduit les envolées lyriques du poète du fait de la composition du sonnet, de sa structure, de son thème et de son inspiration pétrarquiste par les jeux d'oppositions, les figures de style et les marques de subjectivité.
La philosophie dominante dans ce sonnet traditionnel est le Carpe Diem, «souviens toi de mourir » qui est récurrent dans les poésies de Ronsard. On retrouve en outre l'illustration de cette même philosophie dans les tableaux représentant un crâne appelés Vanité.
Ouverture possible :
Ne retrouve t'-on pas la philosophie du Carpe Diem dans Sonnet pour Hélène ?
Date de dernière mise à jour : 17/05/2019