Héraclite, fragments 30, 31, 90 et 94
Étude des fragments d’Héraclite
Introduction
Nous allons étudier quelques fragments d’Héraclite afin d’illustrer la thématique de l’éternel retour dans sa philosophie. Nous verrons qu’il ne faut pas projeter sur le fragment B 31, le schéma de la pensée stoïcienne et leur thèse de l’éternel retour. Les stoiciens tiendraient leur doctrine de la grande année d’Héraclite, commencement infini du même monde, ponctué par le feu, déflagration, incendie, et déluge, reconstitution. Les stoiciens considèrent que le monde est un cycle toujours recommencé, basé sur une renaissance et une destruction du même monde infini, tout retourne au même, nous citerons Marc Aurèle, « rien de nouveau sous le soleil », « qui a vue le présent à tout vue », l’échange suit une logique circulaire, l’harmonie est circularité.
Le fragment B 31
« Du feu, les tropiques : d’abord la mer de la mer moitié terre et moitié prester. La mer se déverse et mesure jusqu’au même logos qu’il était d’abord avant que de devenir terre ».
La mer est un moyen terme entre les deux extrêmes du feu par rapport au feu et au non feu. Le feu s’éteignant devient non feu, il s’éteint d’abord en mer. Devenu mer il peut s’éteindre en feu, devient, s’allume en prester, souffle brûlant, feu atmosphérique, mêlé d’air et de vent par opposition au feu à l’état pur, feu ouranique. Il y a latence du feu qui peut suivant le chemin inverse redevenir ce qu’il était. Il n’y a pas de transformation allant dans un seul sens sinon il y aurait perte de la vitalité du monde. Toute transformation est compensée par la transformation inverse. La mer retrouve l’intégralité de sa valeur feu. La quantité de feu allumé ou éteint est constant.
Le fragment B 90
« Du feu en échange toutes choses et de toutes choses le feu, comme de l’or en échange les marchandises et des marchandises de l’or ».
Le feu et le non feu deviennent chacun l’autre. C’est le terme de l’échange, il s’allume et s’éteint. Le changement de feu en non feu et du non feu en feu est une substitution d’équivalents. Chaque chose a sa valeur feu, s’allumant, devenant feu, libère une proportion de feu. Inversement, le feu s’éteignant, c’est une certaine quantité mer et terre qui tient lieu du feu qui s’est éteint. Une certaine mesure de mer devient feu, s’échange contre du feu, contre une certaine mesure de feu, la mesure de feu qu’elle vaut et qui la vaut. Nous avons donc une conservation de feu ou de son équivalent, la valeur feu dans tous les échanges cosmiques. Le feu est la pure mobilité, le non feu est le mouvement qui s’est ralenti sans laisser la place au non mouvement, à l’immobilité sinon il ne pourrait plus retourner à sa forme vive.
Le fragment B 30
« ce monde, le même pour tous ni Dieu ni homme ne l’a fait mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure ».
Le feu est le principe de vie universelle, il s’allume et s’éteint, il a deux mesures. Il n’y a pas d’ordonnateur ou d’architecte du monde. Nous assistons à l’ordre d’un monde toujours déjà là, le feu est toujours vivant. Il n’y a pas de création d’un ordre ni par Dieu, ni par l’homme. On ne peut expliquer l’ordre qu’en le présupposant, nous rejetons le commencement et la fin.
Le fragment B 94
« le soleil ne transgressera pas ses mètres »
Le soleil ne doit pas sortir de sa route, tout écart entraînerait un excès ou un défaut de chaleur. Le monde s’auto constitue donc la démesure est impossible. Le soleil comme feu a des mètres, des mesures qu’il est impossible de transgresser. Manquer de mesures signifie déborder sur les mesures d’autres choses. Le feu ne crée pas, il s’échange avec les choses et les choses avec le feu, il n’y a pas de création d’un monde, les choses ont des tropiques qui marquent les mesures du feu. Le feu ne détruit pas, il conserve, il n’y a donc pas d’apparition de déluge, d’incendie. Il n’est pas question de la grande année.
Date de dernière mise à jour : 16/05/2019