L'art peut-il se passer de règles?
L’art peut-il se passer de règles ?
L’art est un domaine qui existe chez l’homme depuis bien longtemps. Nous avons par exemple l’art préhistorique qui est constitué de représentations de figures animales, anthropomorphes ainsi que des signes et qui remontent jusqu’à 30 000 ans av. J.C. Mais bien sûr, l’art n’a jamais cessé d’évoluer. L’art contemporain est le style d’art qui caractérise la période de 1945 à aujourd’hui. Mais durant son évolution, est-ce que l’art obéissait à certaines règles? Se trouvait-il en conformité avec celles qu’on appelle «règles de l’art »? Si oui, ces règles étaient-elles une entrave ou une condition nécessaire à la création artistique? Nous allons d’abord montrer que l’art peut se passer de règles, puis nous allons nous interroger sur la question de savoir si l'artiste peut se passer de références et de règles si l’artiste peut s’en émanciper ou encore en créer lui-même de nouvelles
Kant disait que « l’art n’est pas la représentation d’une belle chose mais la belle représentation d’une chose ». Mais pour que l’artiste puisse représenter n’importe qu’elle chose, il est indispensable de connaitre ses caractéristiques. En effet, qu’il s’agisse d’une sculpture ou d’un tableau, l’œuvre d’art doit prendre en compte les lois de la nature. Comment l’artiste pourrait-il dessiner ou sculpter un homme sans prendre en compte l’anatomie du corps humain? En architecture, si l’artiste n’étudie pas les lois de la pesanteur, peut-il malgré tout réussir dans son projet? Les lois de la nature existent de même pour les notes de musique. Sans la théorie de la musique, le solfège, l’artiste aura du mal à produire un morceau de musique qui respectera l’harmonie des sons musicaux, que ce soit pour la musique classique, le jazz, le blues ou le rock. Donc créer suppose une bonne connaissance des lois de la nature et des conditions sine qua non pour arriver à terme dans un projet créatif et esthétique quel qu’il soit.
Mais ces moyens ne sont pas utiles uniquement pour l’artiste. L’art ne se réduit pas seulement au travail de celui-ci mais également à la contemplation de l’œuvre par le public. L’art vise la création du beau qui renvoie à un jugement esthétique. Le spectateur, après avoir effectué ce jugement, décidera si cette œuvre est belle ou laide en fonction des sentiments qu’il ressent. Cependant, il faut que ce dernier puisse reconnaitre les valeurs esthétiques du beau pour justifier son adhésion. Sinon, que ce soit dans chacune des catégories de l’art, la peinture, la sculpture, l’architecture, la littérature, la danse, le cinéma ou la musique, comment le public pourrait-il adhérer par un jugement esthétique à une œuvre quelconque? Donc les règles sont indispensables pour la réception de l’œuvre d’art.
Si l’on se réfère à l’étymologie grecque du concept d’art, tecknê, nous dirons que ce dernier renvoie en premier lieu à la technique donc à un savoir-faire et une maitrise. Il faut donc se baser sur une méthodologie pour réaliser une œuvre d’art, une maitrise de technique. C’est ce que confirme Hegel en affirmant que « tout art s'exerce sur une matière qu'il s'agit d'apprendre à maîtriser ». Nous pouvons nous en apercevoir mieux avec la poésie ou la musique. La poésie emploie très souvent des mots qui sont utilisés couramment par un grand nombre de personnes. Pour la musique, nous allons prendre l’exemple du piano, plusieurs personnes peuvent appuyer sur les touches. Dans ces deux cas, l’art ne se révèle
pas par les éléments utilisés pour faire une œuvre d’art mais par la manière de les associer. Nous pouvons voir que le savoir-faire est nécessaire pour l’art.
Entre l’acceptation et l’irréversible respect des règles en matière d’art, l’artiste n’est-il pas celui qui au nom de l’originalité et de la liberté revendique son émancipation des règles ?
L’art est bien plus qu’une simple imitation ou une application de règles prédéfinies. Les artistes doivent forcément s’inspirer de quelque part pour pouvoir créer. Cette source d’idée est la nature et l’environnement qui les entourent. Pourtant, l’art n’est pas un reflet du réel mais plutôt une transposition de celui-ci. La création est une recréation du réel. Malraux nous dit qu’ « un peintre commence par imiter les toiles de ses maitres plutôt que la nature ». La beauté naturelle qui répond à un sentiment personnel est différente de la beauté artistique qui rejoint la beauté du vivant. Ainsi, l’artiste ne doit pas être seulement inspiré mais doit faire preuve aussi d’originalité.
Si l’art se limitait à certaines règles qui lui seraient imposées, il n’y aurait pas de possibilité d’évoluer. Ceci conduirait même à dire que l’art à partir d’un moment, ne serait qu’une simple répétition. Comment un artiste pourrait-il alors garder l’attention de son public? C’est là que l’artiste doit faire appel à son génie pour faire preuve d’originalité. Bien sûr, la compréhension et l’acceptation de cette originalité nécessitent parfois un certain temps pour entrer dans les mœurs et être acceptées ou reconnues. Par exemple, les peintres impressionnistes étaient à peine regardés par les salons officiels de la fin du XIXème siècle tandis qu’aujourd’hui, ils sont admirés. L’originalité peut aussi être très mal vue, comme Rodin qui a fait une statue de Balzac en robe de chambre et a choqué plus d’un. Mais le but de l’artiste ici est de surprendre les spectateurs.
Cependant, lors de la création, l’artiste ne tient pas compte du jugement du spectateur. Il ne se conforme à aucun gout particulier, d’une époque ou d’une culture. Marcel Duchamp explique que « le grand ennemi de l’art est le bon gout ». Cela signifie qu’aucun critère ne doit guider la créativité de l’artiste. Sa liberté doit être totale afin de lui donner le loisir d’exprimer tout à fait sans contraintes ses émotions. Peu importe si cette œuvre sera jugée belle ou laide, l’important est que cette œuvre vienne entièrement de l’intérieur de l’artiste et qu’il puisse s’exprimer comme il le souhaite.
Pourtant, l’artiste peut souvent ne pas être que créateur d’œuvre d’art, mais aussi créateur de nouvelles règles pour l’art.
Toute production qui dépend de l’habileté humaine s’appelle de l’art. L’artiste est un créateur. Créer signifie partir de rien. L’artiste crée selon son inspiration et son génie et ne se base sur aucun modèle. C’est la différence majeure entre un artiste et un simple technicien, un artisan. Prenons l’exemple de Mozart, Beethoven et Bach. Pourquoi sont-ils considérés comme génies de la musique et leurs œuvres sont encore étudiées aujourd’hui? C’est parce qu’ils sont auteurs d’œuvres complètes en faisant évoluer à travers celles-ci
l’harmonie à un haut niveau. Ils ont différencié les sons tout en respectant ce qui était considéré comme beau à leur époque. Dom Juan de Mozart est une œuvre qui fait toujours preuve d’actualité, de beauté et de sens. Tous les trois compositeurs ont fait évoluer la musique chacun de sa manière, l’un n’a pas copié l’autre. Leurs œuvres sont uniques. Donc, nous pouvons voir que ne pas respecter les règles de l’art ne signifie pas de faire n’importe quoi, au contraire, si la création comporte du génie, cela aboutira à une œuvre unique.
En général, il est facile de se rendre compte de la qualité et du génie de l’artiste lors de l’observation se son œuvre. Pourtant, la plupart ne serait pas capable de produire une autre œuvre qui elle aussi ferait preuve de génie. Le génie est un don que tout le monde ne peut pas posséder. Le génie serait à l’origine du miracle de la création. L’intuition, l’inspiration, la transcendance, la flamme sont présents pour réaliser ce miracle. Pour aboutir au miracle de la création, nous avons deux opinions opposées. D’un cote, Kant précise que l’artiste doit obéir a sa nature particulière. D’une autre part, certains philosophes comme Nietzche considèrent que seuls l’entrainement et le travail assidu sont les éléments qui conduisent à ce résultat. Mais si nous considérons la création d’une œuvre d’art comme miracle, il faut reconnaitre que c’est un don qui doit être utilisé afin d’y parvenir.
Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, l’intuition, l’inspiration, la transcendance, la flamme sont présents pour réaliser ce miracle. L’artiste est sacralisé, c’est-à-dire que ce sont ces éléments divins qu’il va appliquer pour créer tel un Dieu vivant sur taire conduisant les hommes pour les distraire, les instruire et les guider. C’est aussi une raison pour laquelle était considéré comme l’intermédiaire entre l’homme et les Dieux, puisqu’il reflète l’invisible, l’inconscient, l’intériorité. Il nous offre sa vision du monde. Nous pouvons donc nous apercevoir que l’artiste possède en lui ses propres règles.
Ainsi, il est préférable de connaitre les règles du domaine de l’art dans le but de produire des œuvres artistiques réussies. Cependant le créateur n'est pas assujetti à ces lois car il est libre de créer au nom de la plus grande originalité. Il revendique sa totale liberté. Toutefois, pour que cette œuvre soit reconnue pour son originalité et de talent, il faut posséder du génie. C’est ce don de l’homme qui va être utilisé pour dépasser les règles, inventer et se distinguer de ses contemporains. L’art n’a pas de limite, il est désintéressé et c’est une façon idéale de mettre en avant la créativité et l’imagination de l’artiste pour évoquer ses sentiments et le montrer à son public. Nous pouvons donc conclure que l’artiste est conduit par ses propres règles, ses règles intérieures. Mais si l’artiste n’est pas obligé de suivre les règles de l’art et s’émancipe de celles-ci pour créer ses propres règles, comment peut-on expliquer qu’il y ait encore des écoles d’art ? Et puisque des règles sont toujours présentes pour la création d’une œuvre d’art, peut-on théoriser l’art ?
Date de dernière mise à jour : 31/01/2020