Alfred de Musset,
OBJET D’ÉTUDE : LES RÉÉCRITURES DU XVIIe À NOS JOURS
Don Juan face à la mort
LC : Alfred de Musset, « Namouna », Premières poésies, 1830.
[…]
Et la vierge aux yeux bleus, sur la souple ottomane,
Dans ses bras parfumés te berçait mollement;
De la fille du roi jusqu'à la paysanne
Tu ne méprisais rien , même la courtisane,
A qui tu disputais son misérable amant;
Mineur , qui dans un puits cherchait un diamant.
Tu parcourais Madrid, Paris , Naples et Florence;
Grand seigeur au palais , voleur aux carrefours;
Ne comptant ni l'argent , ni les nuits, ni les jours;
Apprenant du passant à chanter sa romance;
Ne demandant à Dieu , pour aimer l'existence,
Que ton large horizon et tes larges amours.
Tu retrouvais partout la vérité hideuse ,
Jamais ce qu'ici-bas cherchaient tes voeux ardents,
Partout l'hydre éternel qui te montrait les dents;
Et, poursuivant toujours ta vie aventureuse,
Regardant sous tes pied cette mer orageuse,
Tu te disais tout bas: "Ma perle est là-dedans."
Tu mourus plein d'espoir dans ta route infinie,
Et te souciant peu de laisser ici-bas
Des larmes et du sang aux traces de tes pas.
Plus vaste que le ciel et plus grand que la vie,
Tu perdis ta beauté , ta gloire et ton génie,
Pour un être impossible et qui n'existait pas.
Et le jour que parut le convive de pierre,
Tu vins à sa rencontre , et lui tendis la main;
Tu tombas foudroyé sur ton dernier festin:
Symbole merveilleux de l'homme sur la terre,
Cherchant de ta main gauche à soulever ton verre,
Abandonnant ta droite à celle du Destin!
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Date de dernière mise à jour : 03/11/2018