Sujet 11 corrigé, EAF, série littéraire, réécriture autour de la Dame aux camélias, Dumas et Ceccatti
Sujet 11 - Série littéraire
Objet d'étude : les réécritures
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*** Sujet EAF corrigé
TEXTES
- A. Alexandre Dumas-fils, La Dame aux camélias (1852), drame, extrait de l’Acte I, scènes 9 et 10, Editions Garnier-Flammarion, 2000.
- B. René de Ceccatty, « Le temps du rêve », avertissement de l’auteur à sa version théâtrale modernisée de La Dame aux camélias (2000).
- C. René de Ceccatty, La Dame aux camélias (2000), adaptation théâtrale modernisée du texte d’Alexandre Dumas-fils, extrait du tableau VI,
- Editions du Seuil, 2000.
A. Présentation du sujet
S’il s’inscrit dans l’objet d’étude "les réécritures", il est aussi lié par son corpus et les
problèmes qu’il soulève à l’objet d’étude "Le théâtre, texte et représentation". La modernisation
par René de Ceccatty du drame d’Alexandre Dumas-fils permet de réfléchir à la réception d’une
oeuvre, au degré d’acceptabilité des conventions ou du pathétique suivant les époques. Le texte
B explicite certains des reproches adressés par la modernité aux conventions du drame, et
facilite donc le travail de confrontation des textes demandé aux élèves. Par sa présence, il
permet aussi d’évaluer la capacité à utiliser le paratexte.
B. Question
Vous répondrez d’abord à la question suivante :
A partir de deux exemples précis confrontant les textes A et C, et en vous appuyant sur le texte B, vous expliquerez dans quelle perspective
René de Ceccatty a choisi d’infléchir l’oeuvre d’Alexandre Dumas-fils.
Cette question préalable aide à entrer dans la problématique de la réécriture ; elle renvoie
aussi au problème de l’évolution des conventions théâtrales et de leur réception. Elle vise à
préparer aux trois sujets proposés. Pour le commentaire, l’élève peut prendre en compte
certaines spécificités du texte de René de Ceccatty et commencer à analyser les modifications
et « corrections » qu’il impose à celui d’Alexandre Dumas-fils. Pour la dissertation, la réécriture
conçue comme modernisation fournit un argument dans le débat proposé. Pour l’écriture
d’invention, le travail préalable permet d’envisager certains exemples du pathétique à l’oeuvre
dans le texte A, que l’élève aura à amplifier pour parvenir à la parodie exigée.
La réponse à la question suppose une réflexion précise sur le texte B, qu’on peut tenir pour
un guide de lecture, l’auteur y expliquant ses réserves quant à l’écriture théâtrale d’Alexandre
Dumas-fils et plus exactement de son époque. La perception d’un « artifice » (ligne 1), la
dénonciation d’un « langage naturaliste et emphatique » (ligne 4), la mention de « précautions
oratoires » (ligne 8) sont autant d’indices pour comprendre la direction dans laquelle René de
Ceccatty a voulu retravailler le texte initial. L’étude du texte B requise par le libellé de la
question aide donc les élèves, qui y apprennent ce qu’ils doivent chercher dans la confrontation
des textes A et C.
On a limité à deux exemples précis le travail de confrontation dans le souci de ne pas
alourdir exagérément le travail. Chaque exemple de confrontation des textes, analysé et
expliqué, pourra être noté sur deux points. Les critères d’évaluation sont les suivants :
- une sélection pertinente des exemples : il s’agit de confronter des passages précis des
deux textes dans lesquels le travail de réécriture est apparent ;
- une étude précise de la réécriture : un collage de citations n’explique rien s’il ne
s’accompagne pas d’une analyse succincte, d’un effort d’interprétation.
On peut attendre, parmi d’autres possibilités :
- La comparaison du traitement de l’exclamation « Comme je suis pâle ! » dans les deux
versions. Dumas-fils opte pour un monologue avant l’entrée en scène d’Armand. L’artificialité du
procédé théâtral s’accompagne d’exclamations pathétiques (« Ah ! » encadrant l’énoncé) et de
didascalies fort abondantes qui redoublent le caractère pathétique du propos (« Essayant de
reprendre sa respiration », « Elle se regarde dans la glace », « Elle met sa tête dans ses mains
et appuie ses coudes sur la cheminée »). L’énoncé pathétique est donc souligné par la
gestuelle et la situation du personnage seul en scène : la dramaturgie court le risque de la
redondance. René de Ceccatty a choisi pour sa part d’intégrer la réplique au dialogue, où elle
vient confirmer à la ligne 7 la réplique précédente. La seule didascalie maintenue est celle
mentionnant le miroir, élément indispensable à la situation. Immédiatement suivie de phrases
brèves et sèches (« Je me tue. Et alors ? »), l’exclamation apparaît comme un rapide moment
de révélation, comme une brutale inquiétude aussitôt maîtrisée. Par les jeux de scène, le
rythme et la construction de la parole, les deux versions opposent ainsi une dramaturgie de
l’effet à une réécriture visant à estomper les procédés du mélodrame.
- Une comparaison de variantes plus longues.
Des lignes 12 à 18 notamment, René de Ceccatty innove en faisant exposer par Marguerite
sa philosophie de la vie : apparence, séduction, variété, la question du plaisir étant évoquée
puis laissée de côté. Ce passage ajoute une dimension réflexive au personnage de Marguerite,
et répond davantage à une morale moderne qu’aux bienséances du théâtre du XIXème siècle.
D’autres exemples sont évidemment envisageables : l’approfondissement du personnage
d’Armand questionné par Marguerite dans la version de René de Ceccatty, la disparition de
déclarations solennelles et un peu trop imagées (« Le coeur ! c’est la seule chose qui fasse
naufrage dans la traversée que je fais », réplique 18 de la scène X), la substitution d’un
vocabulaire direct et presque brutal (« Séduire », « jouir », « chaste », « une petite bourgeoise
fort tendre ») aux périphrases sentimentales d’Alexandre Dumas-fils (« D’une sympathie
irrésistible que j’ai pour vous »), l’avertissement de Marguerite (« Ne prenez pas cette mine
dramatique ») presque emblématique du travail de René de Ceccatty. Dans tous les cas, les
exemples concernent chaque fois les reproches d’artificialité, d’emphase ou de prudence
moralisatrice. On sanctionnera toute confrontation sans étude des visées et effets des
variantes ; on valorisera les efforts d’analyse et la prise en compte du texte B comme guide de
confrontation.
C. Commentaire
Vous commenterez l’adaptation de René de Ceccatty de La Dame aux camélias (texte C).
Dans le cadre de l’objet d’étude, le commentaire suppose une réflexion concernant la
réécriture, comme le précise le terme choisi dans le libellé (« vous commenterez l’adaptation »).
Il convient donc que les élèves envisagent le texte C non comme une totalité close, mais dans
ses liens et déplacements avec le texte initial. Cette optique générale du travail de commentaire
ne signifie cependant pas que la copie doive confronter terme à terme les textes A et C. On
n’imposera donc pas un commentaire comparé, mais une étude interprétative qui prenne en
compte la question de la réécriture. D’autre part, même si l’objet d’étude « le théâtre : texte et
représentation » ne se trouve pas explicitement mentionné dans le sujet proposé, il est permis
d’estimer que la considération de la dimension dramaturgique s’impose dans le travail de
commentaire d’un texte théâtral.
Compte tenu de ces exigences minimales, le commentaire pourra envisager :
- le rythme et l’évolution du dialogue (choix de répliques brèves, renversement du jeu des
questions, Marguerite interrogeant Armand au moins autant qu’elle se voit questionnée) ;
- la relation des personnages : inquiétudes, reproches, plaintes ou ironie ne se comprennent
ici que dans le cadre d’une scène amoureuse. L’appartenance à deux mondes différents, voire
inconciliables, est particulièrement soulignée dans la deuxième moitié de l’extrait ;
- les liens entre amour et mort, l’amour étant conçu comme le rêve d’un partage de la
maladie (« Avez-vous la même maladie que moi ? » / « Je voudrais être malade à votre
place ») ;
- la tension permanente entre le contenu pathétique (maladie, mort, solitude) et l’apparente
sécheresse de l’expression (constats, phrases brèves et parfois nominales, ironie, vocabulaire
brutal) : la morbidité se dit dans une écriture concise, et une dramaturgie soucieuse d’éviter
l’effet ;
- le découpage par « tableaux » mentionné dans la présentation des textes plutôt que par
« scènes », qui pourrait bien répondre au souhait d’une « narration plus fluide » exprimé dans le
texte B.
Les pistes ici mentionnées ne forment nullement un plan obligatoire. On acceptera aussi
bien un commentaire construit à partir d’axes de lecture qu’un commentaire rendant compte de
la découverte progressive du texte, partant par exemple de la gravité du propos pour constater
que l’écriture et la dramaturgie visent à effacer les marques habituelles du mélodrame.
Ces deux démarches peuvent donner lieu notamment aux constructions suivantes.
Première proposition
I. Ce que l’adaptation reprend à la tradition :
- des personnages (identité, milieu, situation) et leurs relations,
- des expressions, des répliques.
II. Ce que l’adaptation modifie :
- le refus affiché du pathétique dans le dialogue et la dramaturgie,
- l’approfondissement psychologique des personnages,
- un fantasme du partage de la maladie.
- Deuxième proposition
- I. Une scène amoureuse :
- - compassion, aveu, partage et reproche,
- - des personnages aimants et étrangers : « Votre sérieux » face à la « distraction », « une
- fille comme moi » face à « une petite bourgeoise fort tendre »,
- - l’amour avoué dans la menace de la mort.
- II. Une écriture et une dramaturgie qui tentent de limiter le caractère pathétique du thème :
- - le « tableau » et le refus du monologue,
- - le rythme du dialogue, des répliques et le vocabulaire choisi.
- III. Une adaptation qui vise à modifier la portée du texte :
- - Une Marguerite plus brutale et plus réfléchie,
- - Un amour rêvant le partage de la maladie.
- Troisième proposition
- I. Les visées d’une adaptation :
- modernisation, estompe des effets mélodramatiques, fluidité et rapidité du discours.
- II. Les effets d’une adaptation :
- dans quelle mesure l’adaptation échappe-t-elle vraiment aux conventions du mélodrame ?
D. Dissertation
Comprenez-vous qu’un écrivain puisse choisir de réécrire ce que lui ou d’autres ont déjà écrit ? Vous répondrez à cette question en un
développement composé, prenant appui sur les textes proposés, ceux que vous avez étudiés en classe et vos propres lectures.
La problématique du corpus concerne la réécriture comme modernisation. Elle prend
délibérément appui sur un texte qui n’a peut-être pas été capable de dépasser ou de déplacer
les conventions de son époque. Si le sujet de dissertation concerne aussi cet aspect de la
réécriture (conçue comme correction et modernisation) il ne se limite cependant pas à ce seul
enjeu. S’il peut partir des éléments du corpus, l’élève est en conséquence invité à élargir le
problème. La réécriture d’un mythe (les Antigone, les Oreste, les différents Amphitryon, les
Odyssées, les Faust…), la réécriture-transposition (parodies, pastiches…), la réécriture d’une
forme (les fables) ou la réécriture par un même auteur, comme le précisent les termes du sujet
constituent autant de pistes de réflexion. On n’attendra évidemment pas de l’élève qu’il soit en
mesure de les envisager toutes dans les limites d’un devoir. En revanche, comme le sujet l’y
invite, il devra nécessairement élargir aux formes de réécriture étudiées dans l’année. De
même, c’est délibérément que le sujet insiste sur une prise de position personnelle
(« Comprenez-vous ») dans le but de sanctionner ce qui ne serait que la récitation d’un cours.
On peut attendre des élèves qu’ils envisagent notamment, sans préjuger du plan choisi :
- la question de l’originalité, qui les préoccupe souvent, en montrant qu’elle n’est peut-être
qu’un mythe historiquement daté. L’acquisition d’une culture littéraire, objectif des classes de
lycée, suppose en effet un minimum de recul historique permettant de contester cette
représentation de l’activité créatrice. Pourtant, la question peut continuer à se poser, à un autre
niveau : la réécriture d’Amphitryon ou de l’Orestie ne vaut que dans la mesure où Molière,
Giraudoux ou Sartre s’approprient et modifient les oeuvres précédentes.
- la question de la modernisation et ses limites : si le souci de « corriger » les effets datés du
drame d’Alexandre Dumas-fils peut sans doute se comprendre, n’y a-t-il pas un péril de paresse
des lecteurs, voire d’amnésie culturelle, à prétendre « transposer » des oeuvres dans le seul but
de les rendre plus immédiatement accessibles ? La réécriture d’un texte en fonction de
l’idéologie du moment ne constitue-t-elle pas un péril, voire une malhonnêteté ?
- la question de la lecture : il s’agit peut-être moins dans la réécriture d’effacer l’oeuvre
précédente que d’entretenir un jeu complexe de révérence et d’irrespect, qui suppose, de la
part du lecteur, une confrontation permanente avec le texte-source – ce qu’on appelle une
culture.
Outre les critères généraux d’évaluation de l’exercice de la dissertation, on peut donc retenir
ici :
- l’élargissement de la problématique au-delà de celle du seul corpus,
- l’expression d’une opinion personnelle, et donc une démarche délibérative qui ne se limite
ni au catalogue, ni à la simple opposition du bien-fondé et de l’illégitimité des réécritures.
On valorisera la variété comme la précision des exemples, ainsi que l’effort de diversification
des problèmes posés par les réécritures.
E. Invention
Vous proposerez à votre tour une réécriture du texte d’Alexandre Dumas-fils (texte A). Au lieu de prétendre restituer le pouvoir d’émotion de ce
texte à des spectateurs modernes, vous insisterez sur ses possibles défauts, dans une perspective parodique rendant la scène ridicule.
La parodie constitue un exercice d’écriture d’invention pertinent en ce qu’il suppose des
compétences de lecture autant que d’écriture. Il faut préciser cependant qu’il ne s’agit pas, dans
le cadre de la classe comme de l’examen, d’en faire un idéal : il serait dommageable d’imposer
à des adolescents d’ironiser sur ce qu’ils peuvent aussi admirer. Ici, le travail proposé paraît
échapper à ce problème : il est directement lié à la problématique du corpus ; il prend appui sur
un texte dont il peut être intéressant de faire ressentir les possibles limites.
La réalisation d’une parodie suppose ici le repérage précis de procédés textuels et
dramaturgiques (exclamation, monologue, registre pathétique) et de certains thèmes (maladie,
mort, amour, solitude) qu’il s’agit de reprendre et d’outrer. Les élèves peuvent, entre autres
sources d’inspiration, renchérir sur le monologue de Marguerite, faire de l’entrée en scène
d’Armand un coup de théâtre, suraccentuer les exclamations ou les passages de déploration.
L’évaluation peut donc retenir, outre ceux valables pour toutes les écritures d’invention, les
critères suivants :
- le respect de la forme théâtrale ;
- le maintien de la situation ;
- l’affichage d’un registre pathétique ;
- l’outrance de procédés textuels et dramaturgiques.
On sanctionnera en conséquence les incohérences par rapport à l’intrigue, le basculement
dans une autre histoire, les réécritures confondant la parodie avec le seul changement de
registre de langue. On valorisera en revanche la finesse avec laquelle la réécriture peut
parvenir à inscrire de l’ironie sans utiliser des effets trop grossiers.
Date de dernière mise à jour : 01/03/2021