Annales 2012, Bac techno, français, poésie
BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE – SESSION 2012
ÉPREUVE ANTICIPÉE DE FRANÇAIS
TOUTES SÉRIES
Objet d’étude :Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
Le sujet comprend :
Texte A : Arthur Rimbaud, « Roman »,
Cahier de Douai, in Poésies , 1870-1872.
Texte B : Blaise Cendrars,
Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France ,(vers 1 à 42), in
Poésies complètes
, 1913.Texte C : René Char, « L’adolescent souffleté »,
Les Matinaux, 1950
Texte A : Arthur Rimbaud,
Cahier de Douai.
Le poète Rimbaud a produit toute son œuvre poétique alors qu’il n’était lui-même qu’un adolescent.
- Roman.
- On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- — Un beau soir, foin des bocks et de la limonade ,
- Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- — On va sous les tilleuls verts de la promenade
- Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
- L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
- Le vent chargé de bruits, — la ville n’est pas loin,
- —A des parfums de vigne et des parfums de bière...
- II
- — Voilàqu’on aperçoit un tout petit chiffon
- D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
- Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
- Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
- Nuit de juin ! Dix-sept ans ! — On se laisse griser .
- La sève est du champagne et vous monte à la tête.
- On divague; on se sent aux lèvres un baiser
- Qui palpite là, comme une petite bête..
III
- Le cœur fou Robinsonne
- à travers les romans,
- — Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
- Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
- Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père...
- Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
- Tout en faisant trotter ses petites bottines,
- Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif...
- — Sur vos lèvres alors meurent les cavatines
IV
- Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
- Vous êtes amoureux — Vos sonnets La font rire.
- Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût .
- — Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire...! —
- Ce soir-là... — vous rentrez aux cafés éclatants,
- Vous demandez des bocks ou de la limonade…
- — On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
- Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
Notes :
1Foin des bocks et de la limonade : le poète renonce à boire de la bière (les bocks) et de la limonade
2La promenade: espace bordé d'arbres, où l’on se promène à pied
3D’azur sombre : de ciel sombre
4 Piqué : tacheté
5Griser : rendre un peu ivre
6On divague : on laisse errer nos pensées, on déraisonne
7Le cœur fou Robinsonne : le cœur s’échappe et vagabonde
8Cavatine : air d’opéra pour soliste
-
Texte B : Blaise Cendrars,
Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France
.
Ce long poème de 445 vers, nourri de références propres à l’histoire de Cendrars, se présente comme le récit d’un jeune narrateur de seize ans qui fait le voyage de Moscou à Kharbine (ville de Mandchourie) en compagnie de Jeanne, une jeune fille parisienne.
En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance -
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
-
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
-
Car mon adolescence était alors si ardente et si folle Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple d’Ephèse ou comme la Place Rougede
-
Moscou
-
Quand le soleil se couche.
-
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
-
Et j’étais déjà si mauvais poète
-
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.
- Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare
- Croustillé d’or, Avec les grandes amandes des cathédrales toutes blanches
- Et l’or mielleux des cloches...
- Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode J’avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes - Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s’envolaient sur la place
- Et mes mains s’envolaient aussi, avec des bruissements d’albatros
- Et ceci, c’était les dernières réminiscences du dernier jour
- Du tout dernier voyage Et de la mer.
- Pourtant, j’étais fort mauvais poète.
- Je ne savais pas aller jusqu’au bout.
- J’avais faim
- Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres
- J’aurais voulu les boire et les casser
- Et toutes les vitrines et toutes les rues
- Et toutes les maisons et toutes les vies
- Et toutes les roues des fiacres
- Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m’affolent
- Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe …
- Et le soleil était une mauvaise plaie
- Qui s’ouvrait comme un brasier.
- En ce temps-là j’étais en mon adolescence
- J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance
- J’étais à Moscou, où je voulais me nourrir de flammes
- Et je n’avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux
Notes :
1 Lieue : mesure de distance approximativement égale à quatre kilomètres
2Le temple d’Ephèse, considéré dans l’Antiquité comme la quatrième merveille du monde, fut incendié en 356
3Kremlin : citadelle impériale située au cœur de Moscou
4 Novgorode : ville de Russie
5Caractères cunéiformes : écriture ancienne de Mésopotamie qui combine des signes en forme de clous triangulaires
6Les pigeons du Saint-Esprit : dans la tradition biblique, la colombe symbolise l’Esprit saint
7Réminiscence : mémoire profonde, lointaine, comme venue du fond des âges
8Fiacre : véhicule tiré par des chevaux
Texte C : René Char,
Les Matinaux
.
L’ADOLESCENT SOUFFLETÉ
Les mêmes coups qui l’envoyaient au sol le lançaient en même tempsloin devant sa vie, vers les futures années où, quand il saignerait, ce neserait plus à cause de l’iniquité
d’un seul. Tel l’arbuste que réconfortent sesracines et qui presse ses rameaux meurtriscontre son fût
résistant, ildescendait ensuite à reculons dans le mutisme
de ce savoir et dans soninnocence. Enfin il s’échappait, s’enfuyait et devenait souverainementheureux. Il atteignait la prairie et la barrière des roseaux dont il cajolait lavase et percevait le sec frémissement. Il semblait que ce que la terre avaitproduit de plus noble et de plus persévérant, l’avait, en compensation,adopté.
Il recommencerait ainsi jusqu’au moment où, la nécessité de rompredisparue, il se tiendrait droit et attentif parmi les hommes, à la fois plusvulnérable et plus fort.
QUESTIONS
Après avoir lu attentivement les textes du corpus, vous répondrez aux questionssuivantes de façon organisée et synthétique. (6 points)
Question 1 :
Quels pronoms personnels désignent l’adolescent dans ces trois poèmes ? Commentinterpréter ces choix différents ? (3 points)
Question 2 :
Quelles expériences vécues par les adolescents évoquent ces poèmes ? Que leurapportent-elles ? (3 points)
Travaux d'écriture
Commentaire
Vous ferez le commentaire du texte de Rimbaud (texte A), en vous aidant du parcours delecture suivant L’importance des sensations dans l’évocation des lieux.- L’insouciance des premières émotions amoureuses.
Dissertation
Les poètes souvent s’inspirent de leurs propres expériences pour nourrir leur écriture.Pour autant, ne parlent-ils que d’eux-mêmes ?Vous répondrez à cette question en un développement argumenté, en mobilisant lestextes du corpus ainsi que ceux que vous avez lus et étudiés.
Invention
Votre classe participe à un festival de poésie consacré cette année à l’adolescence. Vousêtes invité à composer deux textes le premier est un poème inspiré de votre propre expérience à cet âge ;- le second est une argumentation qui développe l’intérêt que vous avez trouvé à utiliserl’écriture poétique pour évoquer cette expérience.Le premier texte que vous rédigerez sera un poème de la forme de votre choix (en vers,en vers libres ou en prose) de 15 à 20 lignes. Le second comportera plusieurs argumentset ne dépassera pas une trentaine de lignes.
Pour aller plus loin : consultez les documents du site
Date de dernière mise à jour : 13/11/2018