Réda Jacques
Jacques Réda
Petite biographie pour l'oral de français
Jacques Réda est tout à la fois poète, éditeur et chroniqueur de jazz. Comme poète, il est l'inventeur du vers de quatorze syllabes, qu'il faut, dit-il, lire à voix haute. Il est également l'auteur de récits en prose. Comme éditeur, il a dirigé la Nouvelle Revue française de 1987 à 1996 ; il est membre du comité de lecture des éditions Gallimard. C'est lui qui a longtemps accompagné le travail d'écriture de Pierre Bergounioux. Amateur de musique, spécialement de jazz, il collabore régulièrement avec Jazz Magazine depuis 1963 et a publié plusieurs ouvrages sur le jazz dont L'Improviste (1980) qui propose une lecture de ce phénomène musical. Réda parcourt les lointains et les banlieues en train, en bus, à pied ou à solex. Il a fait à de nombreuses reprises l'éloge de la lenteur dans sa poésie.
Éminemment sensible aux odeurs et aux ambiances, il décrit un monde de la petite vitesse, mû par les incidents les plus humbles. Il regarde Paris en ses recoins les plus secrets, les plus déserts, Tolbiac ou Vaugirard. L'écriture de Réda repose bien souvent sur une déambulation urbaine sans but prédéfini. Très loin de Philippe Jaccottet ou André Du Bouchet, qui sont ses contemporains, Réda s'est en fait choisi Paris pour territoire. Et c'est en s'y promenant à l'aventure que l'on a des chances de découvrir quelque chose d'anodin en apparence mais qui se révèle soudain merveilleux : un square minuscule au fond d'une rue, une maison abandonnée, le soleil couchant sur les Tuileries. Réda s'identifie surtout aux populations errantes, chats retournés à l'état sauvage, ou bien très modestes. Son travail poétique, il le compare, dans Les Ruines de Paris, à celui d'un éboueur, qui s'efforce, sans zèle, mais avec application, de remettre un peu d'ordre dans la ville, de la préserver de la déliquescence absolue.
Jacques Réda, Retour au calme La bicyclette
*** Commentaire
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Passant dans la rue un dimanche à six heures, soudain,
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Au bout d’un corridor fermé de vitres en losange,
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On voit un torrent de soleil qui roule entre des branches
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Et se pulvérise à travers les feuilles d’un jardin,
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Avec des éclats palpitants au milieu du pavage
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Et des gouttes d’or — en suspens aux rayons d’un vélo.
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C’est un grand vélo noir, de proportions parfaites,
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Qui touche à peine au mur. Il a la grâce d’une bête
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En éveil dans sa fixité calme : c’est un oiseau.
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La rue est vide. Le jardin continue en silence
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De déverser à flots ce feu vert et doré qui danse Pieds nus, à petits pas légers sur le froid du carreau.
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Parfois un chien aboie ainsi qu’aux abords d’un village.
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On pense à des murs écroulés, à des bois, des étangs.
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La bicyclette vibre alors, on dirait qu’elle entend. Et voudrait-on s’en emparer, puisque rien ne l’entrave,
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On devine qu’avant d’avoir effleuré le guidon
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Éblouissant, on la verrait s’enlever d’un seul bond
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À travers le vitrage à demi noyé qui chancelle,
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Et lancer dans le feu du soir les grappes d’étincelles
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Qui font à présent de ses roues deux astres en fusion
Commentaire
La première étape du parcours se fixe sur la manière dont la bicyclette, rencontrée au hasard d’une déambulation, retient le regard du passant. L’élève doit donc montrer comment le poète traduit par un flot d’images la métamorphose de cet objet technique et banal sous l’effet d’une lumière ardente de soleil couchant. Le texte déroule le récit de cette transfiguration progressive, mais la communication de cette aventure sensorielle ne peut s’effectuer sans un ralentissement auquel invite un ensemble de ressources poétiques, objet de la seconde partie de l’étude attendue ici. Ce poème de Jacques Réda, extrait de son recueil Retour au calme, marque par le titre même du recueil la rupture nécessaire avec l’agitation quotidienne : un changement de rythme s’impose pour permettre l’observation attentive de la métamorphose opérée par la lumière du soir sur le vélo. La sérénité dans laquelle s’installe l’observateur favorise l’acuité du regard et la mobilisation de toutes les activités sensorielles. L’harmonie sonore qui baigne le poème cherche dès lors à traduire la plénitude de l’expérience sensible.
Eléments de corrigé I. Première partie de l’étude
1. Le cadrage du récit, la mise en place des circonstances, la création d’une temporalité :
- rôle du participe présent (vers 1), - repères temporels (“ à six heures ”, “ soudain ”, le verbe “ continue de ”, l’adverbe “ alors ”), ....
Séries technologiques
Objet d’étude : la poésie
TEXTES
- A. Jean Cocteau, Le Rappel à l’ordre.
- B. Françis Ponge, “ Le pain ”, Le Parti pris des choses.
- C. Jacques Réda, “ La bicyclette ”, Retour au calme.
Questions
1. Reformulez brièvement :
- la conception de la poésie que Cocteau refuse ;
- celle qu’il propose.
2. A laquelle de ces deux conceptions les poèmes qui vous sont proposés correspondent-ils ? Justifiez votre réponse par quelques éléments
précis tirés des textes du corpus.
Pour aller plus loin
Date de dernière mise à jour : 26/02/2021