Fiche bac, révisions des thèmes en philosophie : La matière et l'esprit, le vivant : éléments de cours, sujets et réflexions
La matière et l'esprit, le vivant
Notions également traitées dans ce chapitre : Le sujet - La conscience et l'inconscient - La religion - Théorie et expérience - La vérité - La morale - Le devoir - La liberté - Le droit et la justice - La société et les échanges.
"Au fil des chapitres, le lecteur se sera rendu à l'évidence que le cerveau de l'homme se compose de milliards de neurones reliés entre eux par un immense réseau de câbles et de connexions, que dans ces "fils" circulent des impulsions électriques ou chimiques intégralement descriptibles en termes moléculaires ou physicochimiques, et que tout comportement s'explique par la mobilisation interne d'un ensemble topologiquement défini de cellules nerveuses. Cette dernière proposition enfin a été étendue, à titre d'hypothèse, à des processus de caractère "privé" qui ne se manifestent pas nécessairement par un conduite "ouverte" sur le monde extérieur comme les sensations ou perceptions, l'élaboration d'images de mémoire ou de concepts, l'enchaînement des objets mentaux en "pensée". (...) L'identification d'événements mentaux à des événements physiques ne se présente donc en aucun cas comme une prise de position idéologique, mais simplement comme l'hypothèse de travail la plus raisonnable et surtout la plus fructueuse. Comme l'écrivait J.S. Mill, "si c'est être matérialiste que de chercher les conditions matérielles des opérations mentales, toutes les théories de l'esprit doivent être matérialistes ou insuffisantes". (...) Le moment historique que nous traversons rappelle celui où s'est trouvée la biologie avant la dernière guerre mondiale. Les doctrines vitalistes avaient droit de cité, même parmi les scientifiques. La biologie moléculaire les a réduites au néant. Il faut s'attendre à ce qu'il en soit de même pour les thèses spiritualistes et leurs divers avatars "émergentistes". Les possibilités combinatoires liées au nombre et à la diversité des connexions du cerveau de l'homme paraissent effectivement suffisantes pour rendre compte des capacités humaines. Le clivage entre activités mentales et neuronales ne se justifie pas. Désormais, à quoi bon parler d'"esprit" ? Il n'y a plus que deux "aspects" d'un seul et même événement que l'on pourra décrire avec des termes empruntés soit au langage du psychologue (ou de l'introspection), soit à celui du neurobiologiste.
Changeux, L'homme neuronal.
Problèmes essentiels La matière et l'esprit La question de la nature du réel - Enjeux et problèmes :
Réfléchir sur la matière et l'esprit c'est, du point de vue le plus général, se demander de quoi est faite la réalité dans sa structure la plus intime ou la plus profonde.
Cette question est débattue depuis les origines de la philosophie : La matière est-elle au principe de tout (matérialisme) ? S'agit-il au contraire de l'esprit, d'un souffle, d'une âme (spiritualisme) ? Faut-il penser sinon qu'elle a une double nature matérielle et spirituelle (dualisme) ? Le lien corps/esprit : selon les réponses que l'on aura apportées aux questions qui précèdent le rapport entre ces deux entités sera pensé différemment, et les difficultés ne seront pas les mêmes : - Si la réalité n'est que spirituelle, qu'est-ce que la matière, que sont les objets ? De simples représentations ou idées dans notre esprit ? - Si le réel n'est que matière au contraire, quelle autonomie accorder à l'esprit et à ses productions ? - Si, troisième hypothèse, la réalité est double, matérielle et spirituelle, comment expliquer qu'un ordre de réalité agisse sur l'autre ? Comment expliquer que nous puissions agir sur notre corps, qu'il soit possible tout simplement de le mouvoir lorsque nous le voulons ? Il est d'ailleurs tout aussi difficile dans cette perspective d'expliquer comment ce qui atteint le corps peut également affecter l'âme (comme disait Descartes au XVIIe siècle) ou l'esprit...
Enjeux et problèmes :
Toutes ces questions semblent très abstraites, mais elles engagent pourtant des enjeux beaucoup plus "concrets" et réels. - Liberté et responsabilité (voir également le cours sur « Conscience et subjectivité » et celui sur « La morale »): Si l'esprit est dépendant de la matière ou du corps, pire, s'il y est réductible, qu'en est-il de la liberté humaine ? Nos pensées et volontés sont-elles les œuvres d'un sujet ? Ne nous illusionnons-nous pas en croyant avoir des pensées propres, dont nous serions les auteurs ? Pouvons-nous nous déterminer de manière autonome ou sommes-nous soumis à de purs déterminismes naturels ? Si le matérialisme mine la croyance dans une autonomie de l'esprit relativement au corps ou à la matière, ne rend-il pas aussi caduque l'idée de responsabilité ? Comment pourrait-on être tenus pour responsables des processus physico-chimiques (ou des mouvements d'atomes auraient dit les épicuriens) qui nous déterminent à agir en-deçà ou en amont de notre conscience et de notre volonté ?
- Éthique du vivant : Un être vivant, a fortiori (peut-être) un homme, peut-il être réduit simplement à de la matière, n'est-il qu'une chose quelconque du monde, n'a-t-il aucune dignité supérieure ? Peut-on alors le traiter comme un simple objet (cf. cours sur la morale et plus particulièrement le texte de Kant sur la notion de personne) ? Penser aux prolongements de ces questions dans le domaine médical, dans tous les débats qu'il est convenu d'appeler "bio-éthiques" : la question du statut de l'embryon dans le cadre d'une réflexion sur l'avortement ou sur les cellules souches, le clonage etc.; la question de l'euthanasie ou de l'accompagnement de la fin de vie; celle du statut de l'animal etc...
- Questions en lien avec les neurosciences : Quels lien entre le cerveau et la pensée ? Qu'est-ce que la conscience ? Comment a-t-elle émergé de la matière ?
- La question religieuse : Si tout n'est que matière, qu'en est-il de l'idée de Dieu ? De la religion ? Le matérialisme mène-t-il nécessairement à l'athéisme ? Qu'en est-il de l'antique question d'une finalité de la vie ? La vie / Le vivant : La biologie est une connaissance de la vie ou des phénomènes vivants ? Qu'est-ce qui définit le vivant ?
Vitalisme et mécanisme : Pour connaître le vivant, faut-il en faire un objet ? La question de la finalité : Questions éthiques
Vitalisme et mécanisme : Pour connaître le vivant, faut-il en faire un objet ? Peut-on le réduire à des agencements mécaniques ou à des processus physico-chimiques ? Au contraire, faut-il affirmer son irréductibilité aux lois de la chimie et de la physique ?
La question de la finalité : L'ordonnancement étonnant des êtres vivants, leur ordre interne (celui des organes) comme leur adaptation extraordinaire à l'environnement, nous obligent-t-ils à penser une finalité dans la nature ? L'évolution est-elle orientée de manière immanente vers un but, une fin ? Y'a-t-il une espèce de grand architecte (Dieu) à l'origine de la vie et des vivants, qui dirige également leur évolution ? Ou bien peut-on se passer de telles hypothèses expliquer tout cela également par le jeu de causes mécaniques ?
Questions éthiques : voir plus haut le paragraphe sur les questions morales impliquées dans une réflexion sur le lien matière/esprit.
Textes et références utiles La matière est un obstacle pour l'esprit, et le corps une prison pour l'âme : - Platon, Phédon.
L'esprit n'est-il pas lui-même matériel ? Neurosciences et renouveau du matérialisme :
L'esprit n'est-il pas lui-même matériel ? :
Voir ces textes de Lucrèce qui s'inscrit dans la tradition épicurienne : - Tout n'est que matière et vide. - L'âme même est matérielle. Le dualisme cartésien :
- La matière et l'esprit ou le corps et l'âme sont deux substances hétérogènes. - L'esprit est plus aisé à connaître que le corps (Méditations métaphysiques, II) : Cheminement du doute et découverte du cogito.
- Qu'est-ce que la matière ? Ou que connaissons-nous dans un corps ? Texte du morceau de cire. - La question de l'union de l'âme et du corps : voir la correspondance avec Élisabeth et le traité des Passions de l'âme (1649). L'esprit fait la dignité de l'homme : - Pascal, Le roseau pensant. Berkeley et l'immatérialisme : L'esprit seul est réel
Neurosciences et renouveau du matérialisme : - Cf. les thèses de Jean-Pierre Changeux (neurobiologiste) depuis L'homme neuronal (1983), par exemple dans cet extrait. - Voir aussi les découvertes et analyses d'Antonio Damasio (neuroscientifique également) dans L'erreur de Descartes : la raison des émotions (1995), livre dans lequel, en se basant notamment sur le cas célèbre de Phinéas : il montre le rôle des émotions dans les prises de décision; et s'oppose donc au dualisme cartésien de l'âme et du corps.
Le vivant - Vitalisme et mécanisme : Y'a-t-il une finalité dans la nature ? Enjeux éthiques
Le vivant
La biologie est-elle une science de la vie ? Peut-on définir la vie ? - Pour Claude Bernard, la vie c'est la création. - Pour François Jacob, biologiste français, cette question n'a pas de réponse : voir ce texte. - Ainsi, comme le dit Ernest Kahane, pour le biologiste, La vie n'existe pas. Seuls existent des êtres vivants dotés de certaines caractéristiques (croissance, échanges avec le milieu, auto-réparation dans une certaine mesure et auto-reproduction) réductibles - et explicables grâce - à des processus physico-chimiques.
Vitalisme et mécanisme : - Le vitalisme comme obstacle à l'étude scientifique des êtres vivants : voir la critique de la notion de "principe vital" par Claude Bernard dans ce texte et l'affirmation de la légitimité d'une approche déterministe et mécaniste des phénomènes vitaux dans celui-ci. - Un exemple d'explication physico-chimique d'un phénomène biologique : Lavoisier et la respiration. - Descartes et la machine comme modèle du corps : voir en particulier cet article des Principes de la philosophie (1644). - Le modèle mécaniste n'est-il pas cependant réducteur ? cf. ce texte de Kant sur l'assimilation de l'organisme à une machine.
Y'a-t-il une finalité dans la nature ?
- Pour une certaine tradition, que l'on peut faire remonter à Aristote, si les organismes vivants sont si bien adaptés à leur milieu, ou si leurs organes sont agencés de manière harmonieuse, c'est parce que la nature, comme cause productrice de ces êtres, a créé ces organes pour remplir cette fonction. La nature et ses productions sont finalisées, c'est-à-dire orientées vers des fins. Ainsi, Aristote pense-t-il que la nature a doté l'homme de la main parce qu'il est un être intelligent : voir ce texte. - La théorie darwinienne de l'évolution, au contraire, permet d'expliquer les mêmes phénomènes sans faire intervenir des causes finales, mais un mécanisme "aveugle" : la sélection naturelle. Voir ce nouveau texte de François Jacob.
Enjeux éthiques :
La réflexion éthique sur le vivant croise de nombreuses notions du programme : Le sujet, la conscience, la morale, la technique, la religion, la matière et l'esprit, la justice et le droit ou encore les échanges. - Le rapport à l'animal : Comment considérer un être vivant ? Quand peut-on ou doit-on lui accorder le statut de sujet, en particulier du point de vue moral ? Doit-on a priori rejeter de la sphère des considérations morales les animaux ? Qu'est-ce qui distingue l'homme des autres vivants, et ces différences éventuelles justifient-elles des inégalités de traitement ? Voir ce texte célèbre de Bentham, philosophe utilitariste (pour des précisions sur la morale utilitariste reportezvous à la fiche sur la morale) qui plaide pour la reconnaissance de droits à l'animal.
- Questions posées à la médecine :
La nécessité épistémologique de considérer le vivant comme un objet, n'a-t-elle pas des conséquences d'un point de vue éthique ? Penser à la haute technicité de la médecine et aux dérives possibles concernant le rapport au patient... Puis-je être réduit à mon corps et mon corps à un assemblage d'organes ? Qu'est-ce qu'une maladie, n'estelle forcément qu'un dysfonctionnement du corps ? Peuton traiter une maladie et ses symptômes sans s'intéresser au sujet malade dans sa globalité ? Qu'en est-il de la prise en compte de la douleur, de l'accompagnement de la fin de vie ? Jusqu'où, jusqu'à quel moment, doit-on mettre en œuvre des traitements quand les chances de survie sont minces voire inexistantes ?
- Questions sur le rapport à notre propre corps - - Questions posées à la technique
- Questions sur le rapport à notre propre corps : Puis-je disposer de mon corps et des organes qui le composent comme des biens (des choses, des objets) que je possède ? Doit-on permettre à un individu de louer ou de vendre son corps, ou des parties de celui-ci ? Penser aux débats sur la prostitution, la gestation pour autrui, le don ou le commerce d'organes, de spermatozoïdes ou d'ovocytes... Suis-je absolument libre de disposer de mon corps comme je le veux à partir du moment où cela ne crée aucun dommage pour autrui (principe d'une morale libérale radicale) ? Que penser des risques de marchandisation du corps que ces pratiques pourraient impliquer ?
- Questions posées à la technique
Tout ce qui est techniquement possible est-il légitime (d'un point de vue moral) ou peut-il devenir légal (problème juridique) ? Quels principes doivent nous guider pour répondre à ces questions ? Doit-on suivre la nature et considérer toute transformation excessive de celle-ci comme une transgression de son "ordre naturel" ? Faut-il tenir compte de l'enseignement des religions ? Faut-il sinon se référer à une morale philosophique ? Si oui, laquelle ? Toutes ces questions renvoient aux cours sur la technique, la religion, la morale... mais aussi à celui sur la politique puisque dans le cadre d'une société donnée, d'une société démocratique moderne (pluraliste, laïque et multiculturelle) en particulier, c'est à un arbitrage entre ces différentes options philosophiques et religieuses que l'Etat ou le législateur aura à procéder
Vocabulaire
Matière / Esprit - Vie / Vivant - Monisme / Dualisme - Matérialisme / Idéalisme / Spiritualisme / Immatérialisme - Vitalisme / Mécanisme - Modèle - Réductionnisme
A lire
- Aldous Huxley, Le meilleur des monde - Réflexion à partir du manga de Masamune Shirow Ghost in the shell (1989).
Exemples de sujets
La matière et l'esprit
- L'homme peut-il vivre sans penser ? - Faut-il opposer la matière et l'esprit ? - Ai-je un corps ou suis-je mon corps ? - Tout est-il matériel ? - La matière est-elle plus facile à connaître que l'esprit ? - Peut-on assimiler l'esprit à une machine ? - Peut-on démontrer l'existence de la matière ? - La matière n'est-elle pour l'homme qu'un obstacle ?
Le vivant
- Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ? - Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ? - Doit-on le respect au vivant ? - Doit-on concevoir des limites à l'expérimentation sur le vivant ? - La machine fournit-elle un modèle pour comprendre le vivant ? - Le vivant a-t-il des droits ? - Le corps humain est-il un objet comme un autre ? - Le vivant est-il un objet comme un autre ?
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Bonne écriture d'invention, séquence argumentation, Vous êtes critique pour un hebdomadaire culturel. Note obtenue, 7,5/10
- Le 09/02/2019
- Dans Ecritures d'invention. Les écritures au bac de français toutes séries et toutes séquences, poésie, théâtre, argumentation, roman, réécriture, Renaissance et Humanisme
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Pour aller plus loin
<Date de dernière mise à jour : 10/02/2019